Édition du 11 novembre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Canada

Si loin de Dieu, si près des États-Unis

Depuis son entrée en fonction comme président des États-Unis (janvier 2025) pour un second et dernier mandat, Donald Trump évoque de temps à autre (quoique rarement) son rêve d’annexer le Canada.

Dans quelle mesure doit-on prendre ses affirmations au sérieux ? Y croit-il vraiment lui-même ? On le sait instable et souvent imprévisible. Aurait-il une idée derrière la tête en formulant ce songe ? Ou s’agirait il d’un plan sérieux, à long terme ?
S’il peut se permettre de formuler cette lubie à voix haute sans que personne ne le contredise, du moins ouvertement, c’est qu’il a la certitude que d’autres personnes de son entourage partagent cette idée d’annexion ou « d’intégration », ce dernier terme pouvant signifier bien des choses. Nous y reviendrons.

Certes, Trump ne demeurera pas en poste indéfiniment et il va quitter ses fonctions de président en 2029. Mais il ne fait qu’exprimer l’envie d’une partie de la classe politique d’accentuer la mainmise américaine sur le voisin du nord et dans quelques cas, de l’annexer carrément.

Mettre la main sur les ressources naturelles canadiennes, s’emparer de son économie, bénéficier du savoir-faire et de la compétence de ses élites économiques et financières, de sa main d’oeuvre qualifiée, voilà une tentation irrésistible pour certains politiciens américains. Mais est-ce réaliste et faisable ? Bien des facteurs d’incertitude s’interposent entre ce rêve et la réalité, au premier chef celui des rapports de force réciproques.

Tout d’abord, le Canada est déjà le vassal des États-Unis dans une large mesure. De plus, il compte quarante millions d’habitants, dont neuf millions de Québécois au particularisme très marqué. Il possède donc une population assez considérable, même si elle est bien inférieure à celle de son voisin du sud. Vaut-il la peine, dans ce contexte, d’essayer de l’acquérir et si oui, comment ? Canadiens et Québécois sont-ils seulement intéressés à devenir le cinquante-et-unième État américain ? Il s’agit là d’une question centrale, incontournable. Rien ne permet ne répondre par la positive. Si les Canadiens et les Québécois refusent l’intégration politique à la république américaine, il ne reste aux trumpistes que deux options : la conquête militaire ou l’étouffement économique.

Trump a déjà exclu la première. Il n’a pas précisé comment il prévoyait s’y prendre pour réaliser ce qui n’apparaît pour l’instant qu’un rêve, pas même un projet dont la réalisation représenterait une entreprise périlleuse et au résultat incertain.

Quoi qu’on en dise, États-Unis et Canada sont deux pays très différents l’un de l’autre à bien des égards. La culture politique n’est pas la même ni les institutions qui en découlent, ni le partage des pouvoirs entre les entités (États et provinces) propres aux deux pays. Les politiques publiques de la redistribution de la richesse produite diffèrent d’un pays à l’autre (elle est moins maigre au Canada). De plus, il y a chez nous la question du Québec qui n’est toujours pas réglée, quoiqu’on en dise. Il n’est pas sûr que les Américains sont prêts à mettre la main dans ce guêpier.

Surtout, la direction américaine, qu’elle soit démocrate ou républicaine, devrait compter avec la forte résistance d’une majorité de la population canadienne devant les initiatives annexionnistes de sa part, ce qui lui coûterait très cher tant en termes politiques que diplomatiques et commerciaux. Le prix à payer pour annexer la Canada s’avérerait bien plus élevé que les bénéfices escomptés.

L’annexion, si elle réussissait, chamboulerait tout l’équilibre politique interne des États-Unis. L’électorat américain augmenterait de plusieurs millions d’électeurs et d’électrices, ce qui pourrait menacer le jeu des partis déjà établis et même transformer, sait-on jamais, leur orientation.

Sur papier, la lubie annexionniste est tentante, mais elle apparaît en pratique irréalisable. D’ailleurs, Trump n’en parle que rarement et on peut douter que l’ensemble de la classe politique américaine y croie vraiment ; une bonne partie s’y opposerait vraisemblablement si le président essayait de la matérialiser.

Les trumpistes parlent d’intégration du Canada aux États-Unis plus que d’annexion. Mais qu’entendent ils au juste par là ?

L’annexion politique pure et simple ou une insertion libre-échangiste encore plus poussée que celle qui prévaut actuellement ? Ils ne le précisent pas. Ils n’ont pas intérêt à étouffer commercialement le Canada, même s’ils exercent de fortes pressions tarifaires sur lui pour rapatrier le plus de filiales d’entreprises américaines possible aux États-Unis. Il ne faut donc pas prendre à la légère les menaces trumpistes d’intégrer encore davantage l’économie du Canada à celle des États-Unis. On doit donc se préparer à une une longue résistance aux pressions de Trump sur l’économie canadienne. Mais son rêve de procéder un jour à l’annexion du Canada paraît relever davantage d’une tocade que d’une réelle intention.

Jean-François Delisle

******

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Canada

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...