Édition du 16 avril 2024

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Féminisme

Pour la santé de toutes les femmes au Québec, sans exclusion

Médecins du Monde et une coalition d’organisations, dont Médecins Québecois pour le Régime Public, déposent aujourd’hui (17 mars NDLR) un mémoire pour demander au gouvernement du Québec de garantir la couverture des régimes publics d’assurance maladie et médicaments pour toutes les femmes vivant sur son territoire, peu importe leur statut d’immigration.

Pour lire l’intégral du mémoire.

Le dépôt de ce mémoire s’inscrit dans la continuité du Projet de loi 83 donnant enfin accès à la couverture des régimes publics d’assurance maladie et médicaments à tous les enfants du Québec, quel que soit le statut d’immigration de leurs parents. En 2021, l’importance d’une couverture de santé pour les femmes enceintes a été reconnue lors de l’étude détaillée, mais la proposition n’a pas été retenue.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a donc confié à la RAMQ le mandat de poursuivre les travaux sur cet enjeu avec un comité interministériel afin de rendre un rapport d’ici la fin juin 2022. C’est dans ce contexte que Médecins du Monde a pris l’initiative de déposer un mémoire pour émettre plusieurs recommandations.

« Nous saluons le courage politique du ministre de la Santé qui, en pleine pandémie, a pris les mesures nécessaires pour protéger la santé de tous les enfants du Québec avec l’adoption du Projet de loi 83. Nous sommes confiants que ce leadership se poursuivra d’ici les prochaines élections en ce qui concerne les droits et la santé de toutes les femmes », souligne Nadja Pollaert, directrice générale de Médecins du Monde Canada.

Un impact démesuré sur la vie des femmes et de leur famille

Selon une estimation de l’Institut universitaire SHERPA, 50 000 personnes qui vivent au Québec n’ont pas accès à une couverture d’assurance maladie en raison de leur statut d’immigration précaire.

Parmi ces personnes se trouvent des femmes enceintes qui ne peuvent pas recevoir les services et soins adéquats pendant leur grossesse, lors de l’accouchement et la période post-partum. C’est aussi le cas pour obtenir une interruption de grossesse ou à la suite d’une fausse couche.

Les femmes migrantes à statut précaire rencontrent aussi d’immenses difficultés pour accéder aux services de planification familiale, aux services pour les victimes de violence, mais aussi à la prévention, au diagnostic et au traitement des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et des cancers gynécologiques.

Depuis 2011, Médecins du Monde est la seule organisation au Québec qui opère une clinique destinée entièrement aux personnes migrantes à statut précaire qui n’ont pas de couverture de santé, ni les moyens de se procurer des soins.

« Nos infirmières et nos travailleuses sociales témoignent de situations où des femmes perdent leur bébé, car elles n’ont pas de suivi de grossesse adéquat ; sont obligées de poursuivre des grossesses non désirées dans des contextes d’extrême précarité ; ou encore des femmes victimes de violence qui sont endettées après avoir reçu des soins ; des femmes fragilisées par un parcours migratoire difficile », mentionne Pénélope Boudreault, directrice des opérations nationales et infirmière à Médecins du Monde.

Les femmes devraient pouvoir accéder à ces services essentiels de santé sexuelle et reproductive, lorsqu’elles attendent un enfant, mais également dans d’autres situations tout au long de leur vie.

Sans couverture d’assurance maladie, leur santé est compromise et parfois même leur vie ou celle de leur enfant. Cette situation peut favoriser l’abus et le harcèlement lorsqu’elles doivent consulter dans le système de santé.

Un fardeau économique et un enjeu de santé publique

Le fardeau économique imposé à ces femmes augmente la précarité financière de leur famille et nuit à leur capacité d’offrir de bonnes conditions de vie à leurs enfants. Cette précarisation a d’importantes conséquences sur d’autres déterminants de la santé, comme la capacité de se loger décemment, la sécurité alimentaire ou l’inclusion sociale.

La nécessité d’assurer un continuum de services et de soins en santé sexuelle et reproductive est déjà largement démontrée. De nombreux pays de l’OCDE garantissent l’accès à ces services à toute personne présente sur leur territoire par le biais des régimes publics d’assurance maladie.

« Au Québec, cette mesure serait non seulement un outil efficace de santé publique, mais aussi un moyen permettant d’atténuer la pression sur le réseau de la santé en allégeant le travail des équipes soignantes et en évitant des prises en charge plus lourdes et coûteuses », souligne le Dr David-Martin Milot, président de Médecins du Monde Canada et médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive.

Assurer la santé sexuelle et reproductive de toutes les femmes vivant au Québec s’inscrit dans la suite logique des recommandations du rapport Laurent et du lancement du service « Ma Grossesse » qui visent la prévention et l’accès à des services prénataux et périnataux des familles afin de soutenir le bon développement de tous les enfants.

Conclusions et recommandations

Considérant l’engagement du ministre de la Santé et des Services sociaux, pris dans le cadre de l’adoption du Projet de loi no 83, à mandater la RAMQ et un comité interministériel afin d’étudier la question de l’accès aux soins et aux services de santé périnatale des femmes au statut migratoire précaire (« femmes MSP ») ;

Considérant l’engagement du gouvernement du Québec depuis presque un demi-siècle pour la cause des femmes et l’initiative du gouvernement actuel d’établir un Plan d’action pour contrer les effets sur les femmes de la pandémie de COVID_19 sur les femmes et, en particulier, son objectif d’accroître « le soutien aux femmes en contexte de vulnérabilité (140) » ;

Considérant les situations de vulnérabilité et de précarité extrêmes dans lesquelles les femmes MSP peuvent se trouver et l’importance des soins et des services pour leur santé et, le cas échéant, pour celle de leurs enfants à naître ;

Considérant que la santé globale de la femme ne peut être assurée que par un continuum de soins et de services et ne saurait se limiter à sa santé pendant qu’elle est enceinte ;

Considérant les exceptions déjà existantes au délai de carence pour des situations particulières, soit : les services nécessaires aux victimes de violence conjugale ou familiale ou d’une agression sexuelle ; les services liés à la grossesse, à l’accouchement ou à l’interruption de grossesse (volontaire, spontanée ou pour des raisons médicales) ; les soins nécessaires aux personnes aux prises avec des problèmes de santé de nature infectieuse ayant une incidence sur la santé publique ;

→ RECOMMANDATION 1

Les signataires du présent mémoire recommandent que le gouvernement du Québec agisse sans délai afin de garantir, à toutes les femmes qui vivent au Québec, le bénéfice des services de santé assurés par les régimes publics d’assurance maladie et d’assurance médicaments ainsi que de tout autre programme et service du gouvernement du Québec, pour les interventions liées à :

• La grossesse, l’accouchement et la période postnatale et notamment les suivis et la prise en charge d’éventuelles complications ;

• La planification familiale ;

• L’interruption de grossesse (volontaire,spontanée ou pour desraisons médicales) ainsi que tous les soins et suivis y afférents ;

• Les violences basées sur le genre ;

• La prévention, le dépistage et le traitement des infections transmissibles sexuellement et par le sang ;

• La prévention, le dépistage et le traitement du cancer du col de l’utérus et d’autres cancers du système reproductif.

Considérant que les recherches scientifiques démontrent que le retard ou le report des soins ainsi que l’absence de services de prévention adaptés vont de pair avec la progression des maladies et avec une charge économique et sociale accrue ; et que ceux-ci imposent des fardeaux supplémentaires et évitables aux soignants dans tout le système de santé ;

Considérant que seul l’accès universel aux soins de santé pour toute personne vivant sur le territoire, sans égard à son genre, son âge ou son statut migratoire, garantit le respect des normes mondiales de déontologie médicale, de santé publique et de droits humains ;

→ RECOMMANDATION 2

Les signataires du présent mémoire recommandent que le gouvernement du Québec adopte une feuille de route afin de garantir, à toute personne vivant au Québec, le bénéfice desservices de santé assurés par les régimes publics d’assurance maladie et d’assurance médicaments.

→ RECOMMANDATION 3

Les signataires du mémoire demandent au gouvernement du Québec de garantir les éléments suivants lors de la mise en œuvre de ces changements :

• Information et communication des changements apportés :

o Que la RAMQ communique publiquement l’adoption des nouvelles mesures ainsi que leur mise en œuvre, qu’elle communique cette décision à l’ensemble des professionnels de la santé et qu’elle veille à ce que ces derniers soient informés des nouvelles mesures, à ce qu’ils reçoivent une formation adéquate à ce propos et à ce que les mesures soient appliquées ;

o Qu’un programme de communication sur les nouvelles mesures, adapté aux différents bénéficiaires en termes de littératie et de langue, soit mis en place. Ce programme devrait comprendre des consignes claires destinées à tous les milieux de soins, qu’ils devront afficher publiquement dans un endroit accessible aux bénéficiaires ;

o Qu’un contrôle de la mise en œuvre des nouvelles mesures soit effectué : qu’un mécanisme de suivi et de contrôle soit établi par le ministère de la Santé et des Services sociaux afin d’assurer la mise en œuvre des recommandations et des mesures évoquées ci-dessus.

• Accueil, accompagnement et services adéquats :

o Que le ministère de la Santé et des Services sociaux s’assure que des services et des organismes soient mandatés, financés et soutenus dans les différentes régions du Québec afin d’accueillir ces clientèles en situation de vulnérabilité, de les accompagner et de leur offrir des soins adaptés et efficaces ;

o Qu’une offre de formation à l’intention des personnels médicaux et administratifs des établissements du RSSS soit développée afin de garantir un accueil et des services adéquats et adaptés.

• Respect de la confidentialité : que les mêmes règles de confidentialité établies dans l’article 4 de la Loi concernant principalement l’admissibilité au régime d’assurance maladie et au régime général d’assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire et modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie (141) soient applicables à tout élargissement de la couverture des régimes publics de santé.

Notes

140 - Gouvernement du Québec (Cabinet de la ministre déléguée à l’Éducation et ministre responsable de la Condition féminine, mars 2021, Journée internationale des droits des femmes – La ministre Isabelle Charest annonce un plan d’action pour contrer les impacts de la pandémie sur les femmes, gouvernement du Québec, en ligne : https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/journee-internationale-des-droitsdes-femmes-la-ministre-isabelle-charest-annonce-un-plan-daction-pour-contrer-les-impacts-de-lapandemie-sur-les-femmes.

141 - C. M. Dubé, Projet de loi n° 83, Loi concernant principalement l’admissibilité au régime d’assurance maladie et au régime général d’assurance médicaments de certains enfants dont les parents ont un statut migratoire précaire et modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie (titre modifié), Recueil annuel des lois, Assemblée nationale du Québec, chapitre 23, 2021, en ligne : http://www.assnat.qc.ca/fr/travauxparlementaires/projets-loi/projet-loi-83-42-1.html.

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