Édition du 16 avril 2024

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Livres et revues

Inclure, de Jean Dorion

Pour un Québec libre… de l’islamophobie !

Jean Dorion a un cheminement unique qui donne une portée significative à sa critique forte du projet de Charte du gouvernement Marois. Il a été attaché politique des Ministres de l’Immigration Jacques Couture et Gérald Godin, ce qui l’a placé en première ligne dans l’invention de l’approche interculturelle par des gouvernements péquistes. Président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB) pendant plusieurs années, il a joué un rôle clé dans les mobilisations en défense de la loi 101. Il a aussi été délégué du Québec à Tokyo et député du Bloc Québécois.

Il est un des auteurs de la Déclaration des indépendantistes pour une laïcité inclusive qui a également été signée notamment par Maria Mourani, Yves Beauchemin et Jocelyn Desjardins (fondateur du NMQ). Son livre intitulé Inclure : Quelle laïcité pour le Québec, se situe dans le prolongement de plusieurs interventions publiques de l’auteur dans ce débat, depuis la Commission Bouchard-Taylor.

On pourrait résumer sa pensée par l’idée que la prohibition des signes religieux, et l’islamophobie qui la justifie souvent dans les débats, font énormément de tort au projet indépendantiste. Le fait que le gouvernement du Québec s’attaque à des minorités, dans le contexte nord-américain où ce type de restrictions est pratiquement inimaginable, poussera ces dernières (et pas seulement les personnes qui portent les signes en question) dans les bras des fédéralistes ; le Canada étant alors vu comme un garant de leur liberté de religion et d’expression.
Il raconte comment des Musulmans souverainistes - et il en connaît plusieurs – ont cessé leur implication au Parti québécois depuis l’arrivée de Mme Marois à la direction et son virage identitaire. Il fait remarquer que le PQ comptait quatre candidatures musulmanes à l’élection de 2007, et aucune en 2012 ! Les témoignages qu’il a recueillis tendent à démontrer que la grande majorité des Musulmans du Québec, qu’ils soient conservateurs ou progressistes, sécularisés ou dévots, fédéralistes ou souverainistes, ne comprennent pas pourquoi on interdirait à des femmes de porter le hijab si c’est ce que leur dicte leur conscience. Seule une minorité qu’il qualifie d’intégristes de la laïcité appuierait cet aspect du projet du PQ.

Il se trouve que la plupart des Musulmanes et Musulmans du Québec sont d’immigration récente et ont été sélectionnés pour leur niveau d’éducation et leur excellente connaissance du français. Originaires pour la plupart d’anciennes colonies françaises qui ont lutté farouchement pour leur indépendance, le mouvement souverainiste devrait les considérer comme une population réceptive pour la cause. Mais la décision stratégique de la direction du parti d’embarquer dans le bateau de la chasse aux voiles est en train de miner ce qui devrait être un terrain fertile.

Il présente une véritable anthologie d’arguments contre l’islamophobie, défaisant tous les amalgames malhonnêtes et les raisonnements absurdes qui fourmillent dans le débat actuel. Son réquisitoire contre le modèle français d’intégration et de laïcité est on ne peut plus convaincant. Il démolit aussi la thèse douteuse sur l’inutilité de l’immigration, Le remède imaginaire, de Dubreil et Marois. On trouve aussi une critique approfondie de cette thèse, très appréciée dans certains milieux nationalistes, dans L’interculturalisme de Gérard Bouchard.

Bref, le Québec a besoin d’immigrantes et d’immigrants, et pour que la majorité de ces personnes arrivent ici avec une bonne connaissance du français, il faut aller les chercher dans des pays où l’Islam est la religion majoritaire. Le mouvement souverainiste a aussi besoin de renforts dans des groupes ethniques minoritaires s’il veut gagner un jour, et la communauté magrébine est un des groupes qui grandit le plus rapidement et qui est le plus susceptible de se rallier au projet. L’islamophobie, et les projets politiques qui s’en nourrissent et qui la renforcent à leur tour, doivent donc être combattus par les indépendantistes. Au lieu d’ériger des barrières rhétoriques et idéologiques fumeuses pour justifier la marginalisation de ces populations, nous devrions construire des ponts avec ces communautés et les mobiliser dans une lutte pour notre libération et la leur, pour un Québec juste et démocratique qui protège tous les droits et toutes les libertés.

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