Édition du 23 avril 2024

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Quand les RépublicainEs cultivent la fabulation

Mitt Romney a maintenant choisi son colistier, candidat à la vice-présidence, Paul Ryan. C’est le dernier épisode du conflit qui règne dans le parti et qui s’étale sur plusieurs chapitres. Cela a été dit des centaines de fois, dans cette longue compétition entre la base radicale du parti et sa direction un peu moins radicale, (même s’il n’y a aucunE modéréE en vue dans ce parti en ce moment), le choix de cet extrémiste coupeur de budgets représente certainement un coup de barre vers cette base. Mais on peut aussi voir le développement d’une autre histoire, voisine de la première.

The Nation, 15 août 2012,
Traduction, Alexandra Cyr,

Un examen des pratiques du parti républicain au cours des quelques dix dernières années montre qu’il recherche deux buts principaux. D’abord, il cherche le pouvoir absolu. Pour le faire il utilise les pouvoirs institutionnels : celui des entreprises, des cours de justice et des parlements. Il renforce ainsi son propre pouvoir institutionnel. Que tous les États dominés par les républicains entreprennent en même temps un exercice d’examen du droit de vote de tous ceux et celles qui montrent un penchant pour les Démocrates comme les pauvres et les membres des minorités, est un exemple actuel de cette pratique.

L’autre but poursuivi est un peu moins familier. Les RépublicainEs affichent de plus en plus leur désir profond de vivre dans un monde imaginaire, dans une réalité alternative. Dans ce monde, le réchauffement de la planète est une fraude perpétrée par les plus grands scientifiques du monde, le président Obama est effectivement né au Kénya, il est musulman et socialiste, on peut couper dans les budgets sans qu’il n’y ait de conséquences douloureuses dans la société, congédier les fonctionnaires réduit le chômage, les baisses d’impôts pour les plus riches remplissent les coffres du gouvernement, et ainsi de suite. Il peut paraître un peu inutile de décrire un tel objectif comme un but politique mais les mouvements idéologiques de droite et de gauche du passé nous offrent des exemples du pouvoir de telles croyances.

Les analystes sérieux répondent, dans les médias, à de telles assertions par des examens factuels de chacune. Ces efforts sont toujours pertinents mais risquent de faire long feu auprès des déjà convaincuEs qui ne perçoivent pas comme un désavantage que l’idéologie prenne le dessus sur la réalité ; au contraire elle sert d’appât. Quand les déceptions arrivent elles sont d’autant plus populaires qu’elles sont attribuées non pas à l’épreuve des faits mais bien au manque de conviction. Quand la cible n’est plus quelque rivalE détestéE ou l’« establishment » mais la dure vérité des faits avec toutes ses limites et son impact psychologique, le défi n’en est que plus grand, la sensation plus forte.

Il arrive que la volonté d’accéder au pouvoir et la fabulation aillent de pairs. Comme on l’a vu dans les régimes totalitaires du 20ième siècle, l’une et l’autre se nourrissent mutuellement. L’ambition de Karl Rove, le conseiller du président G.W. Bush était de cette trempe au moins au point le plus chaud de la guerre en Irak. Il a fameusement déclaré que l’administration Bush avait donné le coup de grâce à rien de moins que « ceux et celles qui ne jurent que par la réalité, (car), nous sommes maintenant un empire et quand nous agissons, nous créons la réalité ». C’est une déclaration typique des régimes totalitaires avec leurs propagandistes au pouvoir. (…) La sortie de K. Rove était pour le moins précipitée mais sa logique est claire : « Si nous ne sommes pas d’accord avec le monde tel qu’il est, nous pouvons le renverser ». Le rêve s’est perdu dans les sables d’Irak et d’Afghanistan mais le conflit entre la volonté d’accéder au pouvoir et celle de la fabulation subsistent dans des formes nouvelles.

(…)

Et nous en sommes au choix de P. Ryan comme candidat à la vice-présidence. C’est un pas certain, peut-être décisif, dans la fabulation. Bien sûr, Paul Ryan n’est pas Sarah Palin. C’est un mauvais législateur pur jus. Mais c’est un idéologue. Les idéologues ne sont pas des ignares et P. Ryan sait beaucoup de choses. Mais la manière avec laquelle ils utilisent leurs connaissances est si tendancieuse qu’au lieu de les mener vers le réel, elle les endurci dans leurs prémisses. C’est ce que fait Ryan.

Les médias ont mis l’accent sur sa « fameuse » proposition de budget. Elle a été adoptée deux fois par la majorité républicaine de la Chambre des représentantEs, (mais n’a jamais passé l’épreuve du Sénat. N.d.t.) Pire encore, sa position sur le réchauffement climatique : il est le général en chef des négationnistes. Les plus prestigieuses académies des sciences dans le monde dont l’American National Academy of Sciences, sont d’accord pour dire que le réchauffement de la planète est réel, bien avancé et qu’il est imputable à l’action humaine. Ryan nie. Il a accusé les scientifiques du climat d’« avoir manipulé les méthodes et les données de telle sorte qu’elles aillent dans le sens de leurs hypothèses, pour intentionnellement tromper le public à propos de cet enjeu ». Il a prétendu que de la neige en hiver, au Wisconsin, était une preuve contre le réchauffement et que : « c’était bien difficile de convaincre du contraire les populations de l’État ensevelies sous la neige ».

Ainsi, dans sa proposition de budget, il promet l’équilibre en ne donnant aucun moyen pour y arriver. Au contraire, elle prévoit d’importantes coupesii dans les impôts et taxes mais sans pour autant qu’elles soient à la hauteur de l’objectif. Tout cela repose sur une de ces fausses promesses en politiques, le bar ouvert ; (tout sera revu). Ce qui fait dire à Paul Krugman (prix Nobel d’économie et chroniqueur au N-Y Times, n.d.t.) que c’est une véritable ouverture à la « culture de la corruption ».

La base traditionnelle républicaine a reçu son congé. Mais le prix à payer pourrait être élevé. L’électorat peut ne pas être dupe à ce point. Les électeurs-trices ne sont peut-être pas tous et toutes en train d’étudier de lourds rapports pour découvrir la réalité, mais ils et elles sont moins passionnément attachéEs aux fantaisies des fanatiques républicainEs. Cela pourra peut-être sauver la politique de ce pays, par ailleurs menée par la manipulation médiatique.

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