Dommage cependant qu’en deuxième partie –durant la plénière de l’après-midi— on ne se soit pas donné les moyens d’aller plus loin que les premiers constats posés le matin en atelier, en organisant la plénière autour des constats ou des questionnements de fond qui étaient revenus le plus souvent en matinée, car on a eu tendance par la suite, à faire du surplace et à plutôt faire apparaître la très grande fragmentation des points de vue exprimées ainsi que les niveaux très inégaux d’appréhension des problèmes. Comme s’il manquait aux membres les plus actifs du parti, une base commune, une sorte d’héritage d’expériences, de valeurs et de concepts partagés par tous et toutes, leur permettant de discuter pas à pas en faisant avancer la réflexion.
Car nous sommes indéniablement arrivés –nous de QS— au seuil d’une nouvelle étape. 2006-2014 : après avoir fait élire 3 députés et réussi à passer la barre des 7,5% des suffrages, 8 ans plus tard il est temps de se donner les moyens de réfléchir plus en profondeur à ce que nous sommes devenus comme parti politique, à ce que nous voulons devenir ainsi qu’aux obstacles qui se trouvent sur notre chemin. Et cela d’autant plus que nous avons devant nous 4 longues années de gouvernance libérale (néolibérale !) de plus !
En fait au cours de cette journée, on voyait bien que derrière toutes les questions posées et les tentatives de réponses apportées, revenait comme une rengaine lancinante, la tentative de mieux définir le type de parti que nous voudrions construire. Ce qui est loin d’être une chose facile, puisqu’il n’y a plus à notre disposition de modèles politiques tout faits pour y parvenir, tous profondément décrédibilisés qu’ils sont aujourd’hui. Ce qui fait que nous avonçons à tâtons : si nous sommes un parti pluriel, nous ne sommes pas pour autant une coalition de mouvements sociaux, nous sommes quelque chose de plus ! Et de la même manière : si nous mettons au premier rang de nos valeurs la démocratie (et surtout la démocratie participative), nous ne sommes pas pour autant définis par la tradition social-démocrate, ayant cherché au point de départ dans d’autres expériences militantes (l’altermondialisme, le féminisme, l’écologie, etc.) notre orientation de fond.
Alors pourquoi ne pas assumer cet héritage original jusqu’au bout et opter pour la voie de l’innovation et de l’invention de nouvelles pratiques socio-politiques ?
Pourquoi dès lors ne pas être ?
– Un parti audacieux ; un parti qui veut faire de la politique autrement en n’étant pas la pâle copie des deux grands partis dominants.
– Un parti qui soit fils du printemps érable et des formidables potentialités mobilisatrices qu’il a fait naître.
– Un parti qui soit des urnes, mais aussi de la rue, et pas seulement à la manière d’un slogan, qui le montre au quotidien en apprenant à se lier étroitement tant au mouvements social que national.
– Un parti qui voit la question nationale du Québec, non pas comme « un os », mais comme « la clef » de notre développement et de notre ancrage dans la société québécoise.
– Un parti qui soit un parti-stratège, et pas seulement en campagne électorale, mais en tous temps ; qui soit aussi un parti-école où l’en apprend ensemble à penser le monde et le transformer.
Mais toutes ces intuitions, ces partis-pris esquissés, ces choix proposés, ne devait-on pas en faire l’objet d’une réflexion plus en profondeur ? Et pas seulement au fil de quelques conversations ou belles formules transitant par Facebook ou Twitter. À partir d’une réflexion de longue haleine et de vastes chantiers qui devraient irriguer toute la vie interne du parti pour les mois à venir.
N’est-ce pas ainsi et seulement ainsi que nous aurons quelques chances de nous trouver en meilleure position pour être ce parti qui, au Québec, ferait toute la différence.
Pierre Mouterde
Sociologue essayiste