Édition du 16 avril 2024

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Afrique

#TotalShutdown : Femmes d’Afrique du Sud en colère

En ce mois d’août 2018, pas de roses pour célébrer la marche des femmes du 9 août 1956, mais les épines de la colère, des pancartes brandies par des milliers de femmes pour déchirer l’hypocrisie et dire qu’elles s’en fichent d’être aimées, mais qu’elles ne veulent plus être battues, tués, violées par les hommes de leur entourage.

Tiré du blogue de l’auteure.

Elles sont descendues dans les rues de Johannesburg ou du Cap, jeunes, moins jeunes, mariées, célibataires, mères de famille, lesbiennes, pour hurler leur colère de femmes battues, violées, humiliées, pour rappeler la mémoire de celles qui ont été massacrées par leurs compagnons ou des hommes de leur familles ou de leurs quartiers. Elles n’ont pas fait dans le joli et le correct des femmes comme il faut, elles ont choisi des mots crus pour dénoncer le patriarcat qui fait d’elles des reproductrices, des objets sexuels, mais jamais des êtres humains.

Les organisatrices de #TotalShutdown estiment qu’il n’a y rien à célébrer au mois d’août dans un pays où toutes les quatre heures une femme meurt sous les coups d’un homme et au moins la moitié d’entre elles sous ceux de leurs compagnons. Symboliquement, elles ont levé le poing et observé une minute de silence pour les victimes, au coin de la rue Frances Baard, qui porte le nom d’une des organisatrices de la célèbre marche des femmes du 9 août 1956. Femmes noires, indiennes, métisses et blanches étaient venues déposer auprès du gouvernement les milliers de pétitions qu’elles avaient recueillies dans tout le pays pour protester contre le port « du pass » pour les femmes noires. La nation arc-en-ciel de l’époque était féminine et fière de combattre les lois inhumaines du régime de l’apartheid. Fières et bravaches, elles avaient chanté sous les fenêtres du premier ministre de l’époque « "Toi, Stridjom, tu as touché aux femmes, tu as déplacé un rocher, tu vas mourir !"

Depuis 1994, le 9 août est un jour férié en l’honneur de cette marche des femmes, le mois d’août est consacré à des réunions, colloques et discours, mais la violence contre les femmes ne faiblit pas. Pire, la journée est devenue une journée toute de sourires et de cadeaux enrubannés pour la plus grande satisfaction des commerçants. De multicolore, la journée est devenue rose bonbon sucré.

Les militantes voulaient déposer leur mémorandum en 24 points auprès du Président Ramaphosa, et elles ont hué Naledi Pandor, la Ministre de l’enseignement supérieur, venue à leur rencontre. Au Cap, elles ont déposé le même mémorandum auprès du Parlement, dont la présidente, aussi présidente de la Ligue des femmes de l’ANC, n’a pas daigné les recevoir.

Le mémorandum demande qu’aucune personne accusée de violence genrée ne soit nommée à un poste gouvernemental (rappel des multiples scandales des années passées), que l’action et les politiques pour lutter contre les violences genrées soit revues et que le gouvernement donne la date pour la convocation d’un sommet sur le sujet avant le 31août. Le Président Ramaphosa a finalement fait des excuses pour le comportement violent de la police pendant les manifestations.

Le rassemblement a fait beaucoup de bruit et a été qualifié « d’historique » par les organisatrices. Reste à savoir si ces femmes finiront pas être vraiment entendues et si les statistiques à venir leur donneront raison d’avoir fait des vagues dans la soupe sucrée qui leur est habituellement servie au mois d’août depuis trop d’années.

Jacqueline Dérens

Blogueuse sur le site de Mediapart (France). Ancienne militante contre l’apartheid, fondatrice de l’association RENAPAS - Rencontre nationale avec le peuple d’Afrique du Sud.

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