Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Un Conseil national marqué par certains débats essentiels

Sherbrooke : 29, 30 novembre et 1 décembre 2013

Après une soirée marquée par des échanges politiques fructueux, l’ordre du jour nous permettait d’aborder une série de questions importantes : travail parlementaire, rapport électoral sur les objectifs et les moyens de la prochaine campagne électorale, rapport du Comité de Coordination Nationale sur la situation politique et l’état du parti. En après-midi, les ateliers devaient porter sur le bilan du PQ, la situation et les perspectives de Québec solidaire.

Le rapport d’Amir Khadir sur le travail parlementaire

Dans le "Bilan, des député-es de Québec solidaire ", on peut lire : "Nous nous efforçons tous les jours à faire la démonstration ce dont le Québec a besoin de manière urgente est un gouvernement de Québec solidaire. Nous devons convaincre les mouvements sociaux que l’attentisme envers le PQ a pour seule conséquence l’immobilisme. Nous devons démontrer que la seule alternative stratégique capable de répondre aux aspirations populaires c’est QS".

Provoquer la rupture de couches de plus en plus larges de la population et particulièrement des mouvements sociaux d’une attitude d’attentisme envers le PQ, c’est bien là, l’essentiel. Le rapport d’Amir Khadir insistait pour expliquer une conjoncture plus difficile en 2013 qu’en 2012 qui a provoqué un recul dans la visibilité des initiatives parlementaires de Québec solidaire.

Un débat sur les conditions et le positionnement qui permettraient de favoriser cette rupture d’avec le gouvernement péquiste n’a pu être mené réellement. Mais, dans un atelier, des militantEs sont intervenues pour mentionner qu’il aurait fallu intégrer la question de l’arrêt du financement des écoles privées dans le cadre de la Charte. Ceci aurait facilité e la démonstration que la position du PQ se situe dans le cadre d’une catholaïcité sur une question où des enjeux sont réels sur le caractère laïque des institutions publiques. Comment jouer sur les contradictions multiples du discours péquistes ou sur les contradictions entre ses discours et sa pratique ? En fait, ces contradictions sont de plus en plus rhétoriques. C’est la politique des partis politiques néolibéraux comme bloc qu’il faudra dénoncer de plus en frontalement dans une optique de défense des classes populaires contre les projets de l’oligarchie qui deviendra les dénonciations les plus convaincantes et les plus porteuses de ruptures.

Le rapport du comité électoral

Le rapport du comité électoral rappelait les congrès objectifs fixés par le congrès de mai 2013 :

"1. Remporter les circonscriptions où les résultats obtenus par Québec lors de la dernière élection laisser entrevoir les possibilités de victoires dès la prochaine campagne ; 2. Augmenter notre pourcentage national de votes sur l’ensemble des circonscriptions et favoriser une meilleure implantation du parti à travers tout le Québec tout en apportant une attention particulière aux régions ; 3. Présenter Québec solidaire comme un parti apte à gouverner défendant le bien commun et la seule alternative aux politiques néo-libérales ; 4. Élargir le bassin des électrices et des électeurs qui montrent déjà un intérêt pour Québec solidaire, mais qui ne votent pas pour nous, le tout en misant principalement sur les valeurs fondatrices de QS, sur les arguments développés autour de ces valeurs et sur la non-pertinence du vote stratégique". (Rapport du comité électoral) le rapport évaluait l’atteinte des objectifs et les choix organisationnels faits pour y parvenir. C’est ainsi que pour favoriser le rayonnement politique de QS sur le plan national, il a été décidé de faire une tournée en autobus de 28 jours durant la campagne... Les grandes thématiques ont été choisies par le comité électoral et le CCN. Curieusement, le rapport ne mentionnait même pas les trois grandes thématiques retenues. Il semble y avoir eu un télescopage entre les thèmes politiques qui doivent être l’objet de débats collectifs et leurs traductions en messages et communications précises. Toutes les discussions sur la conjoncture et ses enjeux auraient sans doute trouvé un moyen de se concrétiser et d’enrichir les perspectives de Québec solidaire dans les prochaines élections. On aura sans doute l’occasion de revenir sur cette distinction essentielle,


Extrait du Rapport du Comité de Coordination Nationale

(Nous publions ici un extrait du Rapport du CCN, il place le cadre de la discussion qui a eu lieu en atelier)

"La conjoncture politique au Québec est caractérisée, tout d’abord, par une morosité économique qu’on traîne depuis la dernière crise financière de 2008. Ayant réussi, dans un premier temps, à éviter une récession grâce à l’interventionnisme actif du gouvernement fédéral et celui du Québec, nos gouvernements sont rapidement revenus à l’orthodoxie néolibérale, l’austérité, qui se traduit par une recherche obsessive du déficit zéro. En ce sens, le gouvernement péquiste issu des élections de septembre 2012 n’est pas différent du gouvernement libéral qu’il a remplacé. Tous les deux imposent des réductions substantielles dans les dépenses de l’État, ils procèdent à l’augmentation des tarifs des services publics et croient aveuglement à la « création de la richesse » par l’octroi de cadeaux fiscaux et autres avantages aux grandes entreprises privées. Dans ce scénario-là, les salarié-e-s du Québec, comme ailleurs, voient leur niveau de rémunération stagner ou se détériorer.

La première année du gouvernement du Parti québécois a été marquée par une série de reculs majeurs sur leurs promesses électorales et par un manque de cohérence dans l’action gouvernementale. La liste de reculs peut être longue, mais mentionnons seulement le recul sur la taxe santé, les compressions à l’aide sociale et dans les garderies subventionnées, l’abandon de la loi 14 sur le français ou encore le retrait sur la réforme de la fiscalité minière. Sous l’excuse d’être en situation de gouvernement minoritaire, ce gouvernement a manqué singulièrement d’audace, sinon de courage, pour affronter une opposition fragmentée qui de toute évidence n’était pas prête à affronter des élections générales. Nous constatons encore une fois le même comportement historique de ce parti : il clignote à gauche pendant les campagnes électorales et effectue un virage à droite une fois au pouvoir.

La Charte des valeurs

Depuis le début de l’automne, le gouvernement a dévoilé une série de mesures ayant un but électoral certain. Au-delà du contenu de ces déclarations d’intention dont les résultats restent à concrétiser, le pivot de l’action gouvernementale cet automne a été la question de la « Charte de la laïcité ». Ce sujet, croyaient-ils, avait le potentiel d’être au centre d’une campagne électorale automnale victorieuse effectuée sur le dos des minorités ethniques, en particulier les femmes musulmanes voilées.

Ce débat a été très mal engagé et il témoigne surtout d’un virage à droite et populiste du Parti québécois qui n’hésite pas à utiliser l’argument identitaire dans un but électoraliste. Dans ce contexte, Québec solidaire, en adéquation avec nos positions passées adoptées en congrès, a choisi la voie de la modération. Par le dépôt d’un projet de loi portant sur la laïcité au mois octobre dernier, nous avons affirmé la nécessité d’avancer vers une laïcisation accrue de l’État et de ses institutions, de baliser les accommodements, de la nécessité pour les citoyennes et les citoyens d’obtenir des services à visage découvert. Cependant, nous ne sommes pas d’accord sur la question de l’interdiction des signes religieux.

Nous refusons l’interdiction des signes religieux chez les fonctionnaires de la fonction publique et parapublique, à l’exception des personnes en position d’autorité (juges, policiers, président de l’Assemblée nationale, etc.). Nous avons également demandé le retrait du crucifix à l’Assemblée nationale. Ces positionnements politiques, exprimés dans notre projet de loi, sont fondés sur la conviction qu’il est possible d’avancer dans la laïcisation de l’État tout en privilégiant le droit au travail pour toutes et tous. Nous considérons que l’intégration au travail, en particulier dans la fonction publique, est un puissant outil d’émancipation, mais pas le seul, surtout pour les femmes issues des minorités ethniques.

Ainsi, dans notre projet de loi, nous avons volontairement omis la question du financement étatique des écoles confessionnelles ou la question des exemptions fiscales pour les différentes religions au Québec, des pans essentiels d’un projet de laïcisation. Nous avons tenté d’établir un consensus large sur ce qui nous apparaît essentiel en ce moment et parce que nous croyons que la société québécoise est loin d’avoir entamé le débat de fond sur ces questions. Cela n’est que partie remise. Nous aurons sans doute l’occasion de mettre de l’avant notre proposition de retirer le financement étatique des écoles privées, dont les écoles confessionnelles.

Le débat sur la Charte des valeurs possède la particularité de faire voler en éclats les alignements politiques traditionnels (entre les fédéralistes er les souverainistes, entre la droite et la gauche, etc.). Des discussions animées, des véritables débats ont lieu dans toutes ies organisations et tous les partis politiques et nous trouvons cela sain pour la santé démocratique de notre société. Tout au long de l’automne, Québec solidaire a proposé un débat respectueux et serein visant • l’obtention de consensus larges portant sur la laïcité de l’État. Cette laïcité ne peut être créée par un processus rigide, coercitif, fondée ultimement sur le poids du nombre, imposée par la force de la majorité électorale sur la minorité, comme le propose le gouvernement du Parti québécois.

En l’absence d’une crise sociale avérée, en passant par la prétendue « islarnlsation de Montréal » invoquée par le ministre Drainville, l’utilisation électorale des droits des minorités nous paraît particulièrement déshonorante pour la démocratie québécoise.

Quels que soient les points de vue de chacun et chacune d’entre nous, on se doit de constater que les nombreux dérapages observés possèdent le potentiel d’endommager durablement le lien de confiance entre les communautés culturelles et la majorité issue de la nation canadienne- française. Dans ce sens, le positionnement du PQ par rapport aux communautés culturelles nous place dans une position unique en ce qui concerne l’accès à la souveraineté. Nous sommes désormais la seule formation souverainiste qui tend la main aux communautés culturelles en leur disant que la souveraineté ne pourra se réaliser que dans un projet dérnocratique, non partisan et inclusif. Jean Dorion l’a d’ailleurs bien souligné lors de notre assemblée publique qui a réuni près de 200 personnes à Montréal et qui concernait notre projet de loi.

D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si de nombreuses personnalités reconnues comme souverainistes considèrent cette charte comme un frein aux efforts effectués depuis plusieurs décennies afin de convaincre les minorités culturelles du bien-fondé de l’indépendance du Québec. L’exclusion de Maria Mourani du Bloc québécois a affaibli profondément ce lien avec ces communautés qu’il faudra retisser impérativement.

Et le pétrole ?

L’autre grand débat qui a marqué la période récente est de l’avenir énergétique, en particulier la question de l’arrivée du pétrole albertain et la possibilité d’exploitation pétrolière dans l’île d’Anticosti et le golfe du St-Laurent. Grâce entre autres à une campagne politique portant sur le sujet, QS a affirmé clairement la nécessité de sortir notre économie du pétrole et s’est distingué dans ce débat. Nous avons d’abord pointé l’incohérence du PQ de permettre l’arrivée du pétrole le plus sale du monde ou l’exploitation pétrolière dans des milieux naturels extrêmement sensibles alors même qu’ils avaient promis de réduire notre dépendance par rapport à cette énergie fossile. Le jupon a dépassé lorsque le ministre de l’Environnement a déclaré avoir un préjugé favorable au projet d’inversion du flux de l’oléoduc 9B de la société Enbridge. On a donc eu la preuve que ce gouvernement, qui s’est présenté comme un parti « environnementaliste » lors de la campagne électorale, est en fait un allié objectif du gouvernement conservateur lorsqu’il s’agit de transformer le Québec en État pétrolier.


Discussions en ateliers

Les discussions en ateliers visaient à faire le bilan du gouvernement péquiste et à esquisser des perspectives pour Québec solidaire dans ce contexte. Ces discussions en atelier devaient être précédées du Rapport de la coordination nationale. Cela était d’autant plus pertinent que ce dernier faisait une analyse de la conjoncture et dressait un bilan de la situation du parti en ce qui concerne la liaison avec les associations locales, régionales et les campus, de l’état de la mobilisation du parti, de la situation de la formation des membres du parti et des communications publiques qu’internes. Malheureusement, les aléas de l’ordre du jour firent que ce rapport se fit après les ateliers.

La discussion porte un message assez précis. Le bilan du gouvernement péquiste est désastreux : refus de l’abolition de la taxe santé, hausse des tarifs d’électricités, coupures dans l’éducation et la santé, tournant visant à faire du Québec un État pétrolier. Bon ententisme avec le gouvernement Harper sur le terrain du pétrole... sans parler de la marginalisation totale du combat souverainiste. Il essaie encore de se faire passer pour un parti vert, mais ses politiques environnementales sont de moins en moins vertes. Mais son projet d’électrification se base sur l’électrification du transport individuel et du transport autoroutier pour les marchandises. Une solution utopique qui ne répond pas aux nécessités d’une véritable transition énergétique. Le tournant néolibéral du gouvernement péquiste est maintenant clairement assumé. Mais pour ce qui est des réformes démocratiques, le gouvernement Marois demeure totalement fermé : refus du vote proportionnel, loi sur les élections à date fixe qui n’en est pas une....

Le nationalisme identitaire conduit le PQ à libérer la parole xénophobe et nous devons nous distinguer clairement de cette dangereuse dérive. Il faut sur ce terrain également nous distancier du PQ, car si les points d’accord semblent exister, on ne peut comprendre la démarche péquiste en se limitant au texte du projet de loi péquiste.

Il faut au contraire voir la dynamique que le dépôt de ce projet de loi induit dans la société québécoise pour voir qu’un monde nous sépare tant en ce qui concerne notre compréhension de la nation que du sens que nous donnons à la lutte pour un Québec inclusif. De plus, le gouvernement péquiste n’hésite pas à instrumentaliser le mouvement des femmes dont il favorise la division pour s’attaquer aux femmes de minorités ethniques.

Les échanges sur la charte des valeurs du gouvernement péquiste ont été nombreux. Mais, le soutien aux positions publiques de Québec solidaire était très largement assumé, si ce n’est la nécessité d’exprimer l’ensemble des positions de Québec solidaire sur la laïcité, soit en plus de ce qui est signalé dans le projet de loi soumis par QS, la fin aux subventions aux écoles privées. Mais il y a une volonté de ne pas se laisser piéger par ce débat même si on ne peut l’éviter. On doit y intervenir en posant la question de la lutte pour la souveraineté et comment créer les meilleures conditions pour ce combat essentiel. Dans ce cadre, la perspective de constituante ouvre sur la nécessité d’une approche démocratique et inclusive de la lutte pour l’indépendance, tout le contraire de la politique actuelle de division du gouvernement péquiste. Il est important de défendre une telle approche citoyenne, démocratique et participative. C’est le contraire de la politique de division du gouvernement Marois.

Des déléguéEs ont souligné la nécessité de traduire les thèmes nationaux de Québec solidaire au niveau régional. Chaque région doit élaborer des plates-formes régionales, car c’est ainsi que la population des régions pourra voir que Québec solidaire est préoccupé par les problèmes concrets vécus par les gens. C’est ainsi que Québec solidaire pourra s’enraciner dans différentes régions du Québec et devenir une véritable alternative.

La discussion sur les modalités de fonctionnement de Québec solidaire.

Le dimanche va être l’occasion de discuter de parité hommes/femmes, de la démarche des ajouts et des modifications du programme et de l’élection des porte-parole : des questions importantes qui construisent une culture d’un parti d’un type nouveau... questions sur lesquelles il faudra un jour revenir et les inscrire dans le cadre des conditions d’un fonctionnement démocratique...

En somme...

Le Conseil national de Sherbrooke de QS aura été un CN important. Il ne l’a pas été par le nombre de ses participantEs. Il a réuni à peine 120 personnes, mais une proportion plus grande de jeunes qu’à l’habitude cependant. Si les débats sur l’analyse de la situation ont été souvent riches, des débats sur des bilans précis et des perspectives politiques concrètes n’ont pas toujours été menés. La majorité populaire au Québec, comme ailleurs, fait aujourd’hui face à une offensive généralisée des classes dirigeantes. Dans cette situation difficile pour la majorité populaire, Québec solidaire aura des défis important à relever. Sa cohérence dans sa lutte contre l’oligarchie sera l’axe de sa construction.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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