Édition du 26 mars 2024

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Élections québécoises 2012

Au delà du vote stratégique, réinventer la démocratie

AU-DELÀ DU VOTE « STRATÉGIQUE », RÉINVENTER LA DÉMOCRATIE

Notre vote a des conséquences déterminantes et durables

Comme citoyennes et citoyens, membres d’une société démocratique digne de ce nom, nous devons aller dans nos démarches politiques au-delà du vote dit « stratégique » qui, en réalité, n’en est pas un. Ce n’est même pas de la tactique, car celle-ci fait partie des moyens mis au service d’une stratégie, d’un ensemble planifié d’actions coordonnées en vue de remporter la victoire d’une cause. En réalité, le vote dit « stratégique », que beaucoup de gens s’apprêtent à mettre en pratique le 4 septembre prochain, est un vote tragique. Le fait d’être obligé à voter pour « le moins pire » et pas être en condition de choisir le meilleur parmi les meilleurs ou du moins pouvoir choisir le parti qui nous représente le mieux, met en évidence un grave problème démocratique. Problème qui a des conséquences concrètes importantes et durables sur notre vie personnelle et collective à différents niveaux. En effet, ne pas avoir la possibilité de choisir le programme, et pas les personnes, d’un parti politique qui soit véritablement au service des citoyens et pas en fonction d’une élite de plus en plus avide et liée aux intérêts des transnationales sans foyer ni patrie a des conséquences importantes. Ne pas être en condition de faire élire une équipe qui a à cœur le bien commun, la justice sociale à la place d’une nomenklatura au pouvoir ou de rechange, qui est à la remorque de l’idéologie dominante, qui met leurs intérêts personnels et corporatifs et le profit au-dessus de la société et des citoyens a des conséquences graves. Ou bien la banalisation irresponsable du droit de vote en favorisant toujours le même parti par tradition, en votant selon l’allure ou la sympathie du candidat ou, pire, par opportunisme parce qu’une ou deux promesses pourraient nous bénéficier, sans évaluer ce que l’ENSEMBLE du programme dudit parti comporte. Agir ainsi a des conséquences déterminantes et durables autant pour celui qui vote sans bien s’informer ni réfléchir, comme pour ses concitoyens et la société. Les élections ne sont pas une course aux « spéciaux » des supermarchés : avec notre vote nous « achetons » le programme au complet du parti pour lequel nous votons.

Une démocratie au bord de la crise de nerfs

Notre démocratie, comme les personnages du fameux film de Pedro Almodovar dont le titre nous inspire, se trouve dans une situation de duperie télescopée.

La première illusion : aujourd’hui, la démocratie est devenue plus « le gouvernement de la bourgeoisie transnationale, par la bourgeoise transnationale et pour la bourgeoisie transnationale » que « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple comme a caractérisé Abraham Lincoln la démocratie dans sa célèbre définition. En effet, dans la démocratie représentative libérale, vieille de plus de deux siècles, nos mandataires sont devenus des « mandarins », l’État un serviteur des puissants et le gouvernement le laquais des grandes corporations.

Deuxième illusion  : le mode de scrutin actuel nous donne l’illusion d’être gouvernés par l’opinion majoritaire des citoyens exprimée par le vote libre qui porte au pouvoir un parti qui a recueilli la majorité des voix lors d’une votation. En réalité, au Québec et Canada un parti qui recueille autour de 35 % des voix peut avoir la majorité dans le Parlement... et imposer ses politiques au 65 % restant comme il peut se passer le 4 septembre !

Troisième illusion : devant la très grave et profonde dégradation de notre système démocratique et la nécessité urgente de réappropriation du pouvoir par le peuple, de replacer la souveraineté citoyenne à la base de la politique, aucun des trois grands partis n’a cet objectif clairement et prioritairement définis dans leurs programmes. Le Parti québécois a l’indépendance comme objectif, mais pas le retour de la souveraineté aux mains du peuple comme élément central de son programme. Seuls Québec Solidaire, en particulier, et Option Nationale, dont la plateforme de ce dernier est moins élaboré sur ce point, vont dans le sens de la réappropriation de la souveraineté par les citoyennes et les citoyens et vers l’indépendance de notre société, corollaire indispensable pour une société véritablement démocratique. Le recentrage démocratique, mieux encore, la réinvention de la démocratie que la dérive de la dégénérescence démocratique exige, que les défis économiques, écologiques et sociaux demandent, ne débuteront pas, malheureusement, aux prochaines élections avec la victoire d’un des trois grands partis.

Alors, qu’en reste-t-il du vote dit « stratégique » face aux défis démocratiques si importants ?

Dans notre perspective, le seule vote véritablement stratégique est le vote pour les partis qui représentent le mieux nos intérêts citoyens, les intérêts du 99% des citoyens, de la véritable souveraineté citoyenne, c’est-à-dire le vote pour Québec Solidaire ou Option Nationale, même avec leurs manques et points faibles actuels, normal dans les nouveaux partis. Et quant au vote tragique ? Pour ceux et celles qui voudraient absolument barrer la route au pouvoir aux deux partis clairement au service des élites argentées, il y aurait une place pour ce vote du désespoir dans le cas où ces deux conditions sont présentes : des différences dans les intentions de vote entre le Parti québécois et le Parti libéral ou la CAQ, qui pourraient faire pencher le résultat à faveur du Parti québécois ; et que le candidat de votre choix n’a aucune chance d’être élu. Sa seule utilité serait d’empêcher le pire, c’est-à-dire, d’éviter que le Parti libéral ou la CAQ gagne. Et cela est tragique, car nous sommes pris depuis trop longtemps dans ce cercle vicieux qui nous emprisonne dans une contradiction avec nous même et avec le sens profond de la démocratie, à savoir : choisir le meilleur pour la majorité, pour notre société.

Comment s’en sortir ? Se retrousser les manches pour réinventer la démocratie

Au Québec, avant tout, nous devons considérer un facteur primordial : la lutte du peuple québécois pour sa souveraineté. On touche ici un élément fondamental, intrinsèque, irremplaçable aux peuples. La souveraineté est aux peuples ce que la liberté et les droits sont aux personnes. Alors, notre vote au Québec, pour qu’il soit stratégique dans le sens profond et approprié du terme, doit tenir compte de cette exigence capitale à notre condition de peuple, dont on ne peut faire l’économie.

En fait, avoir le contrôle plein de notre État de toutes les institutions et les outils politiques, économiques et culturels, bref ÊTRE INDÉPENDANT, c’est la condition indispensable pour faire face à la mondialisation néolibérale qui met en danger non seulement notre économie qui est de plus en plus aliénée aux mains des grandes corporations étrangères, mais qui affaiblit aussi notre État national, notre culture nationale, notre économie nationale et gruge les acquis sociaux de nos concitoyennes et concitoyens, des travailleuses et des travailleurs, précarise la vie de retraités et de nos aînés et condamne les jeunes qui veulent étudier à payer cher pour leurs études, à travailler et à vivre dans l’insécurité croissante des jobs temporaires, mal payés et dans des conditions inadéquates.

Compétitivité et mondialisation obligent, disent les bonzes néolibéraux ! Alors, souveraineté et justice sociale sont aussi les réponses obligées du peuple québécois devant les défis imposés par les politiques antinationales et antisociales de la mondialisation transnationale ! Et pour cela, nous devons aller bien au-delà du vote « stratégique » et réinventer la démocratie depuis sa base, depuis le peuple même, car les véritables changements ne viennent que des peuples qui luttent pour la liberté, la justice, pour être maître chez soi, bref les changements profonds viennent des peuples qui luttent pour leur souveraineté et leur indépendance ! Soyons stratégique, engageons-nous pour les intérêts stratégiques du peuple québécois : souveraineté citoyenne, justice sociale et indépendance nationale ! Retroussons-nous les manches pour réinventer la démocratie au Québec, celle qui vient du peuple ! Et cela, est bien au-delà du vote « stratégique et combien plus emballant. »

Victor H. Ramos
Citoyen

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