Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Brésil-dossier. Pour un Front de gauche pour les luttes et les élections

Editorial d’Esquerda Online

La tragédie qui ensanglante le Brésil doit prendre fin. La perpétuation de la tuerie des malades du covid [plus de 450’000 morts le 25 mai, apparation à São Paulo d’un variant spécifique P1], la lenteur de la vaccination [seuls 10% de la population ont reçu les deux doses], le retour de la faim, le chômage record, la radicalisation de l’extermination des Noirs et des pauvres, la destruction accélérée de l’environnement, le massacre des peuples indigènes ne sont pas tolérables. Il est nécessaire de mettre un terme à cela, immédiatement. Nous ne pouvons pas attendre les élections d’octobre 2022. Pour sauver des vies, Bolsonaro doit être renversé le plus rapidement possible. Telle est la tâche fondamentale et urgente. Rien n’est plus important.

27 mai 2021 | tiré du site alencontre.org
https://alencontre.org/ameriques/amelat/bresil/bresil-dossier-pour-un-front-de-gauche-pour-les-luttes-et-les-elections.html

La gauche doit concentrer ses efforts sur la campagne « Dehors Bolsonaro » (Fora Bolsonaro) et pour les revendications les plus ressenties par les masses laborieuses : de la nourriture sur la table, un vaccin dans le bras et un emploi avec ses effets dans le porte-monnaie. Il est temps de tester, avec toute la prudence requise, le retour dans les rues, comme l’a fait le mouvement noir le 13 mai, en répudiation du massacre dans la communauté de Jacarezinho [voir sur ce site l’article publié le 15 mai 2021 http://alencontre.org/ameriques/amelat/bresil/bresil-le-massacre-de-jacarezinho-la-normalite-des-massacres.html]. Car, sans mouvement populaire dans les rues, la capacité à faire pression pour la destitution de Bolsonaro diminue considérablement. Par conséquent, les mobilisations des 26 [mobilisation pour la vaccination et contre la faim] et 29 mai [mobilisation avec le slogan central : Dehors Bolsonaro], qui sont appelées par l’espace unitaire de la campagne Fora Bolsonaro, doivent être construites activement.

L’unité des luttes, pour faire tomber Bolsonaro, doit être la priorité numéro un des partis de gauche, des fronts de mouvements sociaux, des centrales syndicales, des mouvements noirs, féministes, LGBT, indigènes et étudiants. Nous ne devons pas sous-estimer l’ennemi. Bien qu’usé et acculé, Bolsonaro menace à nouveau, mobilisant sa base sociale d’extrême droite [organisation le 23 mai à Rio d’un large défilé de motards, aux côtés de l’ancien ministre de la Santé le général Pazuello, au moment d’une enquête parlementaire sur la gestion de la pandémie] et accentuant le discours du coup d’Etat. La gauche ne peut pas « croire » que Bolsonaro respectera les règles du jeu jusqu’en 2022. Plus il sera affaibli et harcelé, plus il se radicalisera.

Par conséquent, la force de la mobilisation sociale de la gauche est fondamentale pour contrer les menaces de l’extrême droite néofasciste. Nous devons faire pression sur le Congrès, qui a maintenant entre les mains les preuves rassemblées par le CPI (Commission d’enquête parlementaire) sur le covid, pour l’ouverture immédiate de la mise en accusation du président pour génocide. En ce sens, l’ancien président Lula, qui est en tête des sondages et jouit d’une énorme influence populaire, devrait mettre tout son poids politique dans la campagne visant à faire descendre dans la rue de larges secteurs sur le thème « Dehors Bolsonaro ».

Construire une alternative électorale unifiée de la gauche, sans alliances avec la droite

Outre le Front de gauche pour les luttes, il est important de préparer la bataille pour l’alternative politique au pouvoir, qui est déjà à l’ordre du jour. Bien que les élections soient lointaines, la succession de Bolsonaro fait déjà l’objet d’un large débat dans la société.

L’extrême droite a déjà son candidat, qui, comme on le sait, veut réélire le capitaine génocidaire. Pour sa part, la droite traditionnelle et les partis dits du centre cherchent une prétendue « troisième voie » face à la polarisation entre Lula et Bolsonaro. Mais ils se retrouvent, pour l’instant, dans une grande difficulté pour avoir un candidat compétitif – João Doria [gouverneur de l’Etat de São Paulo, membre du PSDB], Ciro Gomes [ex-député fédéral, membre du PDT, candidat à l’élection présidentielle en 2018], Sergio Moro [ancien ministre de la Justice janvier 2019-avril 2020], Luciano Huck [homme d’affaires présent dans les médias] et Luiz Henrique Mandetta [ex-ministre de la Santé de Bolsonaro] obtiennent des résultats médiocres dans les sondages. La stratégie de la direction majoritaire du PT consiste à consolider le leadership électoral de Lula, tout en forgeant des alliances plus larges avec des secteurs du centre et de la droite.

Dans ce scénario, quelle devrait être la position du PSOL ? Nous considérons que la tâche principale du parti devrait être la lutte pour le Front de gauche également sur le terrain électoral. C’est-à-dire la construction d’une alternative qui implique tous les partis de gauche (PT, PSOL, PCdoB, PCB, Unidad popular pelo Socialismo-UP et PSTU), les mouvements sociaux, le mouvement noir, le mouvement féministe, les syndicats, le mouvement indigène et environnemental, entre autres secteurs populaires. Une alternative électorale unifiée qui représente et exprime la grande majorité du peuple brésilien.

L’unité de la gauche – dans les luttes et dans les élections – est une nécessité pour affronter et vaincre le danger néofasciste représenté par Bolsonaro. En ce sens, nous pensons que c’est une erreur de lancer la pré-candidature présidentielle du PSOL en ce moment, quel que soit son nom. Car cela, bien sûr, sera perçu comme un geste qui divise et affaiblit la gauche dans l’affrontement avec Bolsonaro.

Nous pensons, de plus, que l’unité nécessaire et urgente de la gauche ne doit pas s’étendre aux secteurs de la droite et du centre de la bourgeoisie brésilienne, comme le souhaitent la direction majoritaire du PT et Lula. Il est nécessaire de tirer les leçons du coup d’Etat parlementaire contre Dilma Rousseff en 2016. Essayer de rééditer des alliances avec des secteurs putschistes est une erreur qui pourrait être coûteuse à nouveau, à court et à long terme.

Dans l’immédiat, ces coalitions avec des segments de la droite, si elles sont réalisées, signifieront presque certainement un abaissement du programme à un niveau acceptable pour la classe dirigeante brésilienne. Un programme de gauche devrait, par exemple, défendre l’abrogation du plafonnement des dépenses [règle qu’a fait adopter Michel Temer] et l’abrogation des contre-réformes de la sécurité sociale et de la législation du travail ; l’instauration d’un revenu de base décent pour mettre fin à la pauvreté ; l’augmentation réelle du salaire minimum ; une augmentation significative de l’investissement public dans la santé, l’éducation, la science et la technologie ; la démilitarisation de la police ; l’imposition des grandes fortunes et des bénéfices des entreprises ; la réalisation d’un plan de travaux publics sociaux pour générer des emplois ; l’instauration d’une réforme agraire et urbaine pour donner des terres et des maisons à ceux qui en ont besoin… parmi les points concrets. Ces mesures seraient-elles acceptées dans une candidature Lula avec des secteurs de droite et des grands hommes d’affaires ? Nous ne le croyons pas.

En outre, les alliances avec les anciens putschistes représenteraient le risque, en cas de succès électoral, d’une nouvelle trahison (rappelons que Temer était le vice-président de Rousseff), de la mise en scène d’un nouveau coup d’Etat, dans le cas, par exemple, où Lula s’opposerait aux exigences de la bourgeoisie dans un contexte de crise. Par conséquent, les alliances avec la droite, au nom d’assurer plus facilement une victoire électorale, compromettent le programme de la gauche, en imposant un renoncement aux changements structurels progressistes. Elles placeraient la gouvernabilité entre les mains de ces secteurs perfides et peu fiables.

Par conséquent, nous sommes en faveur d’une candidature unifiée de la gauche, sans alliance avec les putschistes et avec un programme de transformations structurelles qui renverse l’héritage du coup d’Etat et réponde aux revendications les plus ressenties des masses laborieuses et des opprimé·e·s, à commencer par la garantie de la vie, de l’emploi, des salaires et du logement. Selon nous, le PSOL doit s’engager dans cette bataille : l’unité de la gauche pour renverser Bolsonaro dans les rues et lors des élections, en présentant une alternative de pouvoir pour et avec la classe ouvrière et les pauvres. (Editorial du site Esquerda Online, organe du courant Resistencia du PSOL, 20 mai 2021 ; traduction rédaction A l’Encontre)

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Le 29 mai : exprimer l’indignation de la majorité dans la rue

Editorial d’Esquerda Online

Plus de 450 000 personnes ont perdu la vie à cause du covid, et la pandémie n’est toujours pas enrayée. La vaccination est encore lente. La faim est revenue dans les foyers de millions de Brésiliens. Le pays compte le taux de chômage le plus élevé jamais enregistré. Les jeunes hommes noirs continuent d’être exécutés – et en nombre croissant – dans les bidonvilles et les banlieues. L’Amazonie et le Cerrado [région de savanes] sont en proie aux flammes, et les peuples indigènes sont massacrés. Le pays est en train d’être détruit.

Bolsonaro est plus mortel que le virus lui-même. C’est pourquoi il est temps de retourner dans la rue, avec toutes précautions sanitaires. Nous ne pouvons pas vivre avec le gouvernement de la mort jusqu’aux élections d’octobre 2022. Pour défendre la vie, il est nécessaire de renverser Bolsonaro le plus rapidement possible. Descendre dans la rue pour chasser les génocidaires au pouvoir est une tâche essentielle. Allons, tous ensemble, aux mobilisations de samedi 29 mai (protégés par un masque et du gel hydroalcoolique) pour faire pression pour la chute de ce gouvernement meurtrier !

L’usure du gouvernement s’accentue, mais Bolsonaro répond par la radicalisation

Au début de cette année, la deuxième vague de la pandémie a commencé à se développer avec plus d’intensité, encore plus forte et plus meurtrière que la première, rendant évidentes les irresponsabilités et les crimes de Bolsonaro dans la gestion de la pandémie. A cette crise sanitaire s’est ajoutée la crise économique et sociale, avec l’aggravation des inégalités, du chômage et de la pauvreté, générant une énorme détresse sociale, notamment dans les grands centres urbains.

En cette période d’usure croissante du gouvernement Bolsonaro, grâce aux initiatives de la campagne nationale « Fora Bolsonaro », il a été possible d’unifier un calendrier de luttes, qui a repris avec des actions dans tout le pays en début d’année, avec des actes symboliques et des rassemblements dans la rue pour réclamer des vaccins, une aide d’urgence de 600 reais et le mot d’ordre « Fora Bolsonaro » !

En ce mois de mai 2021, la pandémie a progressé à pas de géant. Et Bolsonaro, même avec un fort rejet populaire, qui s’exprime dans tous les sondages, conserve encore le soutien d’un secteur de masse, bien que minoritaire. Il a démontré la capacité de mobilisation de sa base avec des actes néofascistes continus depuis le 1er mai.

D’autre part, la commission d’enquête parlementaire (CPI Covid-19) a été instaurée au Sénat et a produit encore plus de distance face au gouvernement. Mais c’est l’action violente et lâche de la police de Rio de Janeiro dans la favela de Jacarezinho, écrasant une décision du Tribunal fédéral suprême lui-même, un jour après la visite de Bolsonaro au gouverneur de Rio, qui a provoqué une reprise des mobilisations de rue. Les actes de solidarité avec la communauté de Jacarezinho, coordonnés par la Coalition noire, ont déclenché un signal d’alarme pour l’ensemble du mouvement, faisant comprendre plus clairement que les rues doivent être occupées contre un gouvernement qui est plus mortel que le virus lui-même. Les mobilisations du 13 mai (par la Coalition noire) ont ainsi ouvert la possibilité de convoquer des mobilisations nationales plus importantes sur le thème « Fora Bolsonaro ».
Il est nécessaire de montrer que Bolsonaro est aussi une minorité dans les rues

Le 29 mai est l’occasion pour le mécontentement populaire majoritaire enregistré dans les sondages de s’exprimer dans la rue, même si ce n’est que dans un premier temps. Il est important de noter que les grèves générales en Colombie, ainsi que les processus de mobilisation victorieux au Chili [résultats qui se sont exprimés dans le vote pour la Constituante], servent d’exemple du fait que par la lutte il est possible de remporter des victoires. Les manifestations du 29 mai ne seront probablement pas des manifestations de masse, avec des centaines de milliers de personnes dans les rues. Mais il pourrait s’agir d’actions impliquant des dizaines de milliers de militant·e·s, ouvrant la voie à des actions plus importantes dans un avenir proche.

Cela dit, une préoccupation doit être soulignée. La dynamique de présence réaffirmée dans la rue, avec des mobilisations plus nombreuses, ne sera possible que si nous renforçons la « campagne nationale Fora Bolsonaro » en tant que Front unique de tous les mouvements sociaux et partis de gauche. Cela signifie que les directions des mouvements et partis ne peuvent pas vaciller, et encore moins placer tous leurs atouts sur la bataille électorale de 2022. Ce serait une grave erreur d’abandonner la stratégie « Dehors Bolsonaro maintenant » ! Sans mobilisations importantes dans les rues, le processus d’impeachment ne sera guère pris en considération par le Congrès national dominé par le Centrão [le conglomérat de partis qui gère ses avantages matériels avec l’appareil d’Etat]. Sans impeachment, il y a la possibilité que Bolsonaro puisse regagner en popularité plus tard, s’il y a une croissance économique, pouvant ainsi arriver en force aux élections présidentielles.

Un autre élément que nous voulons souligner est l’importance d’éviter la fragmentation des initiatives de lutte contre l’extrême droite. La lutte politique et idéologique dans le pays n’a pas encore produit un rapport de forces qui permette une offensive immédiate de la classe ouvrière. En outre, nous ne pouvons pas oublier que l’ennemi auquel nous sommes confrontés est une extrême droite néofasciste, avec un soutien considérable dans les milieux militaires, policiers et économiques, qui descend dans la rue en appelant à un coup d’Etat militaire et à la criminalisation de la gauche. Cela signifie que nous devons combattre toutes les attitudes qui visent à affaiblir le Front unique des mouvements sociaux et des partis de gauche pour vaincre Bolsonaro.

Allez aux actes avec courage et attention

Il est nécessaire d’aller dans les rues avec toutes les précautions sanitaires et aussi avec une attention maximale face aux actions violentes possibles de la police contre les protestations. La coordination des mobilisations dans chaque ville doit guider et assurer l’utilisation de masques appropriés, la distanciation physique et l’utilisation du gel hydroalcoolique. Les équipes de communication doivent être vigilantes pour enregistrer les éventuels abus d’autorité des forces de sécurité et l’autodéfense doit être de plus en plus organisée à partir de maintenant, pour protéger les mobilisations des éventuelles provocations des bolonaristes.

Le moment exige du courage, comme nous a prévenus Guimarães Rosa [1908-1967] dans son œuvre Grande Sertão Veredas :
« Le flux de la vie enveloppe tout.
La vie est ainsi faite : elle se réchauffe et se refroidit,
il se serre puis se desserre,
il se calme et se détend.
Ce qu’il attend de nous, c’est du courage. » (Editorial d’Esquerda Online publié le 26 mai 2021 ; traduction rédaction A l’Encontre)

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