Édition du 1er octobre 2024

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Le Monde

Amnistie internationale publie un rapport qui dénonce la démission face au drame des réfugiéEs

Crise mondiale des réfugiés : la conspiration de l'indifférence - Synthèse

En 2013, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le nombre de personnes ayant été contraintes de quitter leur foyer a dépassé les 50 millions. Depuis, des millions d’autres ont dû fuir à leur tour en raison de conflits et d’autres crises aux quatre coins de la planète. Un rapport d’Amnistie internationale condamne l’attitude des pays capitalistes avancés qui revient à démissionner face à la situation catastrophique des réfugiéEs, en particulier en Syrie.

En 2013, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le nombre de personnes ayant été contraintes de quitter leur foyer a dépassé les 50 millions. Depuis, des millions d’autres ont dû fuir à leur tour en raison de conflits et d’autres crises aux quatre coins de la planète.

Plus de la moitié de la population syrienne est déplacée. Avec quelque quatre millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont dû trouver asile à l’étranger, nous sommes en présence de l’une des plus graves crises de réfugiés de l’histoire. L’immense majorité – 95 % – de ces personnes vivent dans les pays voisins de la Syrie. Dans l’un d’eux – le Liban –, un habitant sur cinq est aujourd’hui un réfugié syrien.

Malgré ces arrivées massives, les pays d’accueil n’ont pour ainsi dire pas reçu de soutien international significatif. Au 3 juin 2015, l’appel de fonds des Nations unies pour venir en aide aux réfugiés syriens n’était financé qu’à hauteur de 23 %. Les appels lancés à la communauté internationale par les Nations unies en vue de la réinstallation de réfugiés syriens ne sont guère entendus. Au total, les États se sont engagé jusqu’à présent à accueillir moins de 90 000 réfugiés syriens, ce qui correspond à 2,2 % seulement des personnes présentes dans les principaux pays d’accueil.

La situation en Syrie ne va de toute évidence pas permettre aux réfugiés de rentrer chez eux dans un avenir proche, et les pays voisins de la Syrie atteignent le point de rupture. Certains ont pris des initiatives très inquiétantes, allant parfois jusqu’à refuser l’entrée sur le territoire à des personnes désespérées et à les renvoyer dans des zones en proie au conflit.

La crise des réfugiés syriens, si elle est la plus importante du monde actuellement, est loin d’être la seule. En Afrique, des centaines de milliers de personnes fuyant les conflits et/ou les crises politiques en cours dans des pays tels que le Soudan du Sud, la République centrafricaine et le Burundi sont venues grossir les rangs des populations réfugiées de longue date originaires de Somalie, d’Éthiopie, du Soudan et de la République démocratique du Congo (RDC). Il y a environ trois millions de réfugiés en Afrique subsaharienne. Dadaab, le plus grand camp de réfugiés du monde, se trouve au Kenya. Il a été monté en 1991.

Et pourtant la situation des réfugiés dans les pays africains ne suscite guère – pour ne pas dire pas du tout – l’attention de la communauté internationale. En 2013, moins de 15 000 personnes réfugiées dans un pays africain ont été réinstallées, et les appels de fonds des Nations unies pour l’assistance humanitaire restent largement sous-financés. Le plan d’action régional pour les réfugiés du Soudan du Sud n’est par exemple financé qu’à 11 %.

De nombreux pays africains ont ouvert leurs frontières à celles et ceux qui fuient le conflit, mais beaucoup de réfugiés et de migrants sont confrontés à la discrimination et à la violence dans les pays d’accueil. Les attaques xénophobes qui ont eu lieu en Afrique du Sud en avril 2015, par exemple, ont jeté hors de leur foyer de nombreux réfugiés et migrants présents dans le pays.

Des réfugiés et des migrants n’hésitent pas à risquer leur vie pour tenter d’échapper à des situations désespérées – la traversée périlleuse de la Méditerranée entre l’Afrique du Nord et l’Europe en est l’un des exemples les plus frappants. En 2014 et au cours des trois premiers mois de 2015, les personnes qui ont été signalées comme ayant tenté de traverser la Méditerranée par bateau pour rejoindre le sud de l’Europe étaient dans leur grande majorité des Syriens.

En l’espace de 10 jours en avril 2015, plus de 1 000 personnes sont mortes en tentant de franchir la Méditerranée. Au 31 mai 2015, le nombre de personnes ayant péri en mer depuis le début de l’année après avoir quitté l’Afrique du Nord pour rejoindre l’Europe s’élevait à 1 865, contre 425 pour la même période de l’année 2014. La hausse considérable du nombre de morts en Méditerranée en 2015 est due en partie à la décision de l’Italie et de l’Union européenne (UE) de mettre un terme à la fin de 2014 à l’opération de la marine italienne Mare Nostrum, pour la remplacer par une opération beaucoup plus restreinte de l’UE.

Le monde a assisté en mai 2015 à des scènes dramatiques en Asie du Sud-Est, où l’on a vu la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie refouler des bateaux de pêche chargés de réfugiés et de migrants du Myanmar et du Bangladesh. Des hommes, des femmes et des enfants désespérés ont été laissés sans nourriture, sans eau et sans soins médicaux pendant une semaine, avant que les Philippines, puis l’Indonésie et la Malaisie dans un deuxième temps, acceptent de les accueillir.

Les drames en Méditerranée et en Asie du Sud-Est ont mis en évidence la propension des gouvernements à fouler aux pieds leurs obligations juridiques et à faire fi des impératifs humanitaires. Dans des situations où l’on savait que la vie d’êtres humains était en jeu, ils ont choisi, pour des raisons politiques, de ne rien faire. Les hommes, les femmes et les enfants qui ont perdu la vie ne sont pas morts dans un conflit violent ou à cause d’une catastrophe naturelle inévitable. Dans la plupart des cas leur mort aurait parfaitement pu être évitée.

En Europe comme en Asie du Sud-Est, les passeurs et les trafiquants d’êtres humains sont accusés – à juste titre – d’envoyer des milliers de personnes à la mort. La lutte contre les criminels qui font leur proie d’êtres humains désespérés est indispensable, mais elle ne libère pas les États de leur responsabilité d’accorder protection aux réfugiés. La crise mondiale des réfugiés n’a pas à être redéfinie en problème de traite et de trafic d’êtres humains par des gouvernements qui cherchent ardemment à détourner l’attention de leurs propres manquements.

La crise mondiale des réfugiés, si elle trouve son origine dans les conflits et les persécutions, est aggravée par l’indifférence de la communauté internationale face à la souffrance de ces êtres humains. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale s’est unie pour donner naissance à la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, afin de protéger les personnes contre tout renvoi dans un pays où elles risqueraient d’être persécutées et de subir des violations de leurs droits fondamentaux. Il s’agit d’un mécanisme essentiel qui établit un cadre pour la protection de dizaines de millions de personnes.

La Convention relative au statut des réfugiés a également mis en place le principe de partage des charges et des responsabilités, c’est-à-dire l’idée que les membres de la communauté internationale doivent collaborer pour traiter les problèmes de réfugiés, afin qu’un pays, ou un petit groupe de pays, ne se retrouvent pas seuls face à une crise. Ce principe fondamental est aujourd’hui foulé aux pieds, ce qui a des conséquences catastrophiques : le système international de protection des réfugiés est battu en brèche.

 Aujourd’hui 86 % des réfugiés se trouvent dans les pays en développement. Certains de ces pays accueillent des centaines de milliers de personnes. La Turquie, le Liban et le Pakistan ont offert l’hospitalité à plus d’un million de réfugiés chacun. De toute évidence, un petit nombre de pays supportent une charge disproportionnée.

 Près d’un million de réfugiés ont besoin d’être réinstallés ou de bénéficier d’une autre forme d’admission à titre humanitaire dans un pays tiers – par ce mécanisme, les réfugiés les plus vulnérables présents dans un pays se verraient offrir un titre de séjour permanent dans un autre pays où ils peuvent bénéficier d’une meilleure prise en charge. Toutefois, les engagements des États pour l’année ne couvrent qu’un dixième de ces besoins.

 La Convention relative au statut des réfugiés a été ratifiée par 145 États, mais il reste des régions du monde où très peu de pays l’ont fait. C’est le cas notamment de la plus grande partie du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud et de l’Asie du Sud-Est. Dans ces pays, les réfugiés ne bénéficient en règle générale que de droits restreints. Dans certains cas ils ne sont même pas officiellement reconnus réfugiés.

 Dans bien des pays, les discours xénophobes et racistes se sont banalisé, et certains organes de presse et responsables politiques désignent les réfugiés et les migrants comme responsables des problèmes économiques et sociaux.

La crise mondiale des réfugiés ne pourra être résolue que lorsque la communauté internationale reconnaîtra qu’il s’agit d’un problème mondial et le traitera en tant que tel. Par définition, les réfugiés sont des personnes qui ne bénéficient plus de la protection de leur État, parce que celui-ci ne veut pas, ou ne peut pas, les protéger. Ce sont des personnes qui ont fui un conflit armé, des persécutions, des violences et de graves violations des droits humains.

Cette synthèse se penche sur la crise mondiale des réfugiés – du Liban au Kenya, de la mer d’Andaman à la Méditerranée. Elle souligne la nécessité d’une réponse globale face à ce qui est devenu l’un des défis majeurs du XXIe siècle. Les approches mises en oeuvre actuellement pour faire face aux multiples crises de réfugiés dans le monde sont des échecs, et le bilan humain, en nombre de morts et de vie fracassées, est bien plus élevé que celui de nombreux conflits armés. Un changement radical est maintenant nécessaire. Amnesty International lance un projet en vue de redonner vie au système de protection des réfugiés et du partage des charges entre les États.

Ce changement de cap en matière de protection des réfugiés passe par huit actions essentielles de la communauté internationale, estime Amnesty International :

 Un sommet international sur la crise mondiale des réfugiés axé sur le renforcement du partage des charges et des responsabilités.

 Ratification au niveau mondial de la Convention relative au statut des réfugiés.

 Mise en place de systèmes solides en matière de protection des réfugiés au niveau des États : les États doivent disposer au niveau national de procédures équitables d’examen des demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié, et doivent garantir aux réfugiés l’exercice de leurs droits fondamentaux et l’accès à des services tels que l’éducation et les soins de santé.

 Un engagement ferme à sauver en priorité la vie des gens : les États doivent faire passer le sauvetage des personnes en détresse avant la mise en oeuvre de leur politique d’immigration. Dans les situations où des personnes sont en danger de mort, notamment (mais pas uniquement), dans le cas des personnes qui prennent la mer, les États doivent mener des opérations de recherche et de sauvetage et venir immédiatement en aide aux personnes en détresse. Aucune considération liée aux contrôle des frontières ne doit intervenir dans le respect de cet impératif.

 Lutte contre la traite : les États doivent prendre des mesures efficaces pour enquêter sur les réseaux de trafic d’êtres humains et poursuivre en justice les personnes impliquées. Les États doivent offrir assistance et protection aux victimes de la traite et veiller à ce qu’elles aient accès à une procédure de détermination du statut de réfugié et/ou à une possibilité de réinstallation.

 Un engagement à satisfaire à tous les besoins de réinstallation identifiés par le HCR : près d’un million de réfugiés ont besoin d’une réinstallation ou d’une admission à titre humanitaire dans un pays tiers, et ce nombre va augmenter au fil des années. Amnesty International estime à 300 000 le nombre de réinstallations ou admissions humanitaires nécessaires chaque année durant les cinq années à venir.

 Lutte contre la xénophobie : les gouvernements ne doivent pas se livrer eux-mêmes à la xénophobie, par exemple en laissant entendre ou en disant directement que les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants sont responsables des problèmes économiques et sociaux. Ils doivent aussi mettre en place des politiques efficaces pour s’atteler à la question des violences à caractère xénophobe.

 Création d’un fonds mondial pour les réfugiés : ce fonds financerait tous les appels des Nations unies pour l’aide humanitaire aux réfugiés dans les situations de crise. Ce fonds permettrait aussi d’apporter un soutien financier important aux pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés, pour leur permettre de fournir des services aux réfugiés et aux communautés

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