07 mai 2025 | tiré du site viensur.info
1. Contexte : Pour être candidat à la présidence, Mulino devait être désigné par une convention. Il était initialement candidat à la vice-présidence aux côtés de l’ex-président Martinelli, qui a été déclaré inéligible à la présidence à la suite d’une condamnation définitive pour corruption, prononcée par un arrêt de la Cour suprême en février 2024. Selon le Code électoral panaméen, les candidats à la vice-présidence ne peuvent remplacer un président que s’ils ont été élus. Mulino a pu être candidat grâce à un pacte d’impunité passé avec Gaby Carrizo, ancien vice-président du pays. La décision de la Cour suprême, publiée la veille des élections, justifiait son arrêt par le maintien de la "paix sociale", sans fondement constitutionnel et en violation du Code électoral.
2. Mulino a tenu ses engagements envers Gaby Carrizo et d’autres, preuve du pacte d’impunité qui lui a permis d’accéder à la présidence : aucun d’eux n’est poursuivi. Il est en revanche plus délicat d’accorder une amnistie à Martinelli, car s’il était libéré, Mulino devrait gouverner avec lui.
3. Mulino a remporté l’élection avec 34 % des suffrages exprimés, soit à peine 27 % des électeurs inscrits, en promettant le "chen chen", un retour à la prospérité en matière d’emploi qui avait marqué le gouvernement Martinelli (2009–2014), avec pour slogan "Mulino est Martinelli, Martinelli est Mulino". Ce double manquement – envers celui qui lui a apporté les voix et envers sa promesse de créer des emplois – combiné à son comportement élitiste et autoritaire typique des gouvernements d’extrême droite, lui laisse comme seul socle social les chambres patronales et les forces répressives, qui ont voté pour lui en raison des privilèges et de l’impunité dont il a bénéficié lorsqu’il dirigeait le ministère de la Sécurité sous Martinelli.
4. Ce gouvernement ne survivrait pas à un soulèvement national comme celui contre la société minière. Et dès la deuxième semaine de grève des enseignants, des signes évidents laissent entrevoir une explosion sociale : la répression continue, loin de décourager la lutte, attise l’indignation et élargit encore plus la protestation nationale.
5. Les actions répressives et les arrestations d’enseignants ont considérablement accru le nombre d’écoles rejoignant la grève et les mobilisations. Même dans les établissements où les enseignants n’avaient pas encore rejoint le mouvement, les élèves se sont mobilisés, parfois à l’initiative des parents. Des mobilisations d’élèves en uniforme ont déjà commencé dans les provinces de l’intérieur, et se propagent à la capitale. Chaque jour, école après école, se tiennent des assemblées et des manifestations de soutien à la grève, avec des déclarations de parents refusant d’envoyer leurs enfants en classe, dans tout le pays.
6. Ce mouvement extraordinaire revendique l’abrogation de la loi 462, qui réduit de moitié le montant des futures pensions, augmente l’âge de la retraite, et met en péril la sécurité sociale en confiant la gestion des fonds à des personnes nommées directement par le gouvernement et à des entreprises privées. D’autres exigences sont également portées : ne pas rouvrir la mine dont l’exploitation avait été stoppée par le soulèvement national de 2023, et annuler le mémorandum d’entente avec le gouvernement Trump, qui autorise le passage gratuit des navires de guerre américains par le canal de Panama et prévoit la réinstallation de trois bases militaires américaines dans le pays. Cette soumission du gouvernement Mulino est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour la population.
7. Ce qui s’est passé à Santiago de Veraguas, où le maire (du MOCA, parti dont le candidat est arrivé deuxième à la présidentielle) et les autorités locales ont rejoint le mouvement malgré les instructions présidentielles de faire payer 1 000 balboas pour la libération de chacun des 32 enseignants arrêtés lors d’affrontements avec la police, pourrait, si cela se reproduit dans d’autres villes et villages, entraîner une fracture institutionnelle majeure.
8. La participation croissante des élèves du secondaire au soutien de la grève, les efforts de mobilisation de Sal de las Redes sans ignorer la lutte contre la loi 462 – qui a été approuvée par 10 députés de la coalition Vamos –, les manifestations étudiantes organisées depuis les centres régionaux et les facultés ayant poussé le recteur Flores à appeler à la mobilisation, ainsi que la réapparition sur la scène politique de candidats comme Ricardo Lombana, Martín Torrijos, José Isabel Blandón, ou encore du leader de Vamos Juan Diego Vásquez, sans oublier la force des mobilisations du 1er mai, sont autant d’éléments qui montrent que nous nous rapprochons d’une situation similaire à celle de 2023.
9. Ni le recteur Flores, ni les candidats, ni le dirigeant de Vamos n’osent exiger ouvertement l’abrogation de la loi 462. Flores, sans doute dans l’espoir mal avisé de calmer les attaques du gouvernement contre l’université, n’est pas à la hauteur du rôle joué par la commission des professeurs de cette institution dans la défense de la sécurité sociale. Martín Torrijos évite le sujet car c’est son propre gouvernement qui a provoqué la faillite du régime solidaire il y a vingt ans. Quant à Lombana et aux députés de Vamos, leurs bancs ont voté pour la loi 462. Lombana ne s’est même pas exprimé publiquement à l’époque pour marquer son désaccord, tandis que Juan Diego Vásquez a soutenu les 10 députés de Vamos ayant voté avec le gouvernement, contrairement aux 10 autres, emmenés par Walkiria Chandler et Alejandra Brenes, qui ont voté contre. En revanche, le refus de Sal de las Redes de répondre à l’invitation présidentielle, dont l’objectif était de diviser les protestations entre "bonnes" et "mauvaises", renforce la voie vers un large mouvement de participation citoyenne, comme en 2023.
10. Le climat de lutte dans la Comarca Ngäbe-Buglé annonce de probables blocages imminents, qui pourraient déclencher d’autres fermetures dans tout le pays, à partir des mobilisations actuelles et de l’indispensable implication des communautés dans cette dynamique.
11. La tâche essentielle est de maintenir la grève et la mobilisation quotidienne, qui continue de croître dans les régions de l’intérieur. Il faut aussi préparer des actions juridiques préventives contre les retenues sur salaire et les menaces de non-paiement, car c’est par là que le gouvernement tente de briser la grève des enseignants.
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