Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Lettre à la Première ministre Pauline Marois

Évaluation environnementale et consultations publiques pour toute nouvelle mine au Québec

Madame la Première ministre,

Les membres de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine sont
vivement préoccupés par le fait que la grande majorité des
projets miniers échappent toujours à la procédure
d’évaluation des impacts sur l’environnement et de consultations
publiques, telle que prévue par les articles 31.1 et suivants de la Loi sur
la qualité de l’environnement du Québec (LQE), à cause
d’un seuil d’assujettissement règlementaire trop
élevé (7000 tonnes par jour). Nous sommes également
très préoccupés du fait que tout projet d’expansion
minière échappe aussi à ladite procédure.

Nous jugeons cette situation hautement inappropriée et nous vous demandons
d’intervenir dès maintenant, sans attendre la fin du processus
d’étude du projet de loi sur les mines (projet de loi 43), afin
d’assujettir toute nouvelle mine à une évaluation
environnementales et à des consultations publiques menées, en bonne
et due forme, par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement
(BAPE) du Québec. Sans une intervention rapide de votre part, de nombreux
projets risquent de débuter l'exploitation sans évaluation et
sans consultations publiques.

Un règlement trop permissif

Il est en effet incongru, voire aberrant, que des projets miniers et des projets
d’usines de traitement métallifère ne soient pas
automatiquement assujettis à la procédure d’évaluation
environnementale et de consultations publiques, alors que des projets
d’éoliennes et d’aires protégées – pour ne
nommer que ces deux exemples – le sont. L’exploitation minière
occasionne pourtant des risques et des impacts majeurs pour l’environnement
et les populations, lesquels justifient pleinement une évaluation publique.

L’examen public par le BAPE facilite également la paix sociale, alors
que l’absence d’un tel cadre provoque fréquemment de fortes
réactions qui ne trouvent pas d’enceinte pour s’exprimer.

Votre gouvernement a l’occasion de corriger, une fois pour toute, cette
situation incongrue en modifiant le Règlement sur l’évaluation
et l’examen des impacts sur l’environnement. Votre parti
s’était d’ailleurs engagé à modifier rapidement ce
règlement lors de la dernière campagne électorale, tout comme
s’y était engagé le Parti libéral dans le cadre du
projet de loi sur les mines précédent (projet de loi 14
amendé).

Le principal problème réside dans le fait que le règlement
actuel est beaucoup trop permissif en fixant un seuil d’assujettissement trop
élevé, à 7000 tonnes par jour pour les mines de métaux
(équivalent à 2,5 millions de tonnes par année). Notre
récente analyse des 23 mines actuellement en opération au
Québec révèle que seules 2 mines (Canadian Malartic et Lac
Bloom) ont été assujetties à la procédure
d’évaluation environnementale et à des consultations publiques
du BAPE, soit à peine 10% des mines en exploitation. Pire encore, depuis la
mise en place des lois environnementales québécoises à la fin
des années 1970, seulement 4 projets miniers (sur une quarantaine) ont
été assujetties à ladite procédure. En comptabilisant
les 5 autres mines qui ont été assujetties à la
procédure d’évaluation pour les mines nordiques (territoires
conventionnés), c’est donc dire qu’à peine 30% des mines
actuelles ont été assujetties à une procédure
d’évaluation publique. De toute évidence, le règlement
actuel est beaucoup trop permissif et doit être rapidement modifié
afin d’assurer une plus grande protection de l’environnement et des
populations affectées.

Un large consensus

Rappelons que la très grande majorité des intervenants ayant
participé aux consultations sur la réforme minière ces
dernières années (projet de loi 79 en 2009, pl-14 en 2011 et pl-43 en
2013) appuient l’assujettissement obligatoire de toute nouvelle mine à
une évaluation publique menée par le BAPE. Votre gouvernement, autant
que celui précédent, libéral, ainsi que le parti Québec
solidaire, affirment tous soutenir cette mesure. Dans le cadre des consultations
récentes sur le projet de loi 43 (août-septembre 2013), nous avons
identifié pas moins de 90% des intervenants qui appuient ou qui ne
s’opposent pas à cette mesure. Parmi les appuis, notons ceux de
pratiquement tous les élus locaux et régionaux, des grands syndicats,
du Barreau du Québec, des groupes citoyens et environnementaux, voire
même de représentants de l’industrie minière. Il y a
manifestement un large consensus sur la nécessité de cette mesure au
Québec.

À vous d’agir

Votre gouvernement se doit d’agir là où les gouvernements
précédents n’ont pu, ou n’ont su agir.

Face à la probabilité d’un long processus d’adoption du
projet de loi 43 (des mois, voire plus d’un an), et face aux rumeurs
persistantes de déclenchement d’élections
québécoises d’ici les prochaines semaines (ce qui ferait mourir
au feuilleton le projet de loi 43), nous vous prions d’agir dès
maintenant en modifiant le règlement, comme vous l’avez fait cet
été en modifiant le règlement visant le resserrement des
garanties financières à la restauration des sites miniers – une
mesure qui faisait aussi consensus et que nous avons saluée.

À brève échéance, nous sommes particulièrement
préoccupés par le projet Matamec au Témiscamingue, qui
pourrait devenir la première mine de terres rares au pays, mais qui risque
également d’échapper à la procédure
d’évaluation environnementale québécoise (voir la lettre
transmise au ministre Blanchet à ce sujet ; voir également la lettre
du député Chapadeau).

Somme toute, le statu quo est très préoccupant et ne peut plus durer.
Il vous faut agir pour assurer une plus grande protection de l’environnement
et des populations affectées, tout en facilitant une plus grande paix
sociale et une stabilité face aux développements miniers au
Québec.

Tout comme la vaste majorité des intervenants, nous proposons de modifier le
Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur
l’environnement afin d’assujettir toute nouvelle mine et toute nouvelle
usine de traitement métallifère à la procédure
prévue aux articles 31.1, et suivants, de la Loi sur la qualité de
l’environnement du Québec.

Nous proposons également que tout projet d’expansion minière et
projets d’expansion d’usines de traitement soient aussi assujettis
à ladite procédure.

Soulignons en terminant que nous appuyons les quelque 4000 à 5000
signataires des trois pétitions qui circulent actuellement au
Témiscamingue (10-20% de la population), pétitions qui demandent
notamment la tenue d’un examen public du BAPE pour le projet de mine de
terres rares Matamec. Des copies de ces pétitions vous ont été
acheminées très récemment par les groupes citoyens de la
région (voir notamment la lettre de l’APART et celle de
SaveKipawaLake).

En souhaitant vivement que le règlement soit modifié dès les
prochaines semaines.

Merci de l’attention que vous porterez à la présente,

Salutations distinguées,

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