Édition du 26 mars 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet du 18 octobre

L’envers de la corruption

Régulièrement dans nos sociétés éclatent des scandales mettant en jeu des décideurs économiques et politiques pourris. Quand la soupe est trop chaude, on a une commission d’enquête, soi-disant pour nettoyer l’écurie. Des voyous et des mécréants sont exposés sur la place publique et éventuellement ils sont punis (pas tous). Et puis on passe à autre chose. Jusqu’au prochain scandale.

Certes il est satisfaisant pour les payeurs de taxes que nous sommes de voir dénoncer quelques sales gueules. Les gens qui s’occupent de surveiller et de punir les corrupteurs et les corrompus sont souvent honnêtes et confiants dans leurs capacités de mettre de l’ordre dans le désordre. Pensons au juge Gomery par exemple. Quelques fois des pratiques inacceptables sont sanctionnées, ce qui contribue à assainir l’administration publique. Il y a donc des choses positives.

Mais regardons l’autre côté du miroir. La pourriture existe parce que le système est pourri. Le système est pourri parce qu’il est basé sur la prédation à la base du capitalisme. Les « bons » capitalistes ou les « mauvais » capitalistes sont contraints de fonctionner dans un système où par définition, le gros doit manger le petit, sinon le gros est lui-même mangé. La pression est très forte pour non seulement bousculer tout le monde, mais pour passer à travers les mailles du filet et trouver des avantages comparatifs permettant de battre la concurrence. Une fois dit cela, tous les entrepreneurs ne sont pas de mauvaises gens. Il y en a qui croient à leurs travaux et à leurs employéEs et qui essaient de les protéger. Mais en faisant cela, ils se mettent à risque.

Cette recherche pathologique de l’accumulation pour l’accumulation conduit naturellement aux pires excès. Ces excès peuvent être vénaux, comme les firmes d’ingénierie et de construction ou les firmes de marketing qui ont été les grandes amies des Libéraux à Ottawa et à Québec. Mais ces excès peuvent être tout à fait « légaux », en conformité avec les normes et les lois votées par des législations au service des dominants. Le cas le plus flagrant me semble-t-il est celui des banques. On le sait depuis longtemps, les banques ont des pratiques prédatrices qui agressent les salariéEs, via les cartes de crédit. On parle ici de centaines de millions de dollars, ce qui en comparaison fait de Tony Accurso un très petit voleur.

À une échelle encore plus gigantesque, les institutions financières nous arnaquent dans leurs opérations spéculatives qui au bout de la ligne nous explosent dans la face. Comme lorsque la Caisse de dépôts et de placement (qui gère l’argent des QuébécoisEs) a perdu la modique somme de $40 milliards dans la louche affaire des « papiers commerciaux ». Wall Street par ses « produits dérivés » et autres trappes à souris pour les investisseurs empoche d’autres milliards, au su et au vu de tout le monde, sans que ses activités n’aient généré aucun produit ni service. Les compagnies pétrolières, depuis des années, nous volent des sommes immenses en s’entendant sur les prix à la pompe. Les mêmes Shell, Exxon et autres, pillent, volent, extorquent les ressources naturelles aux quatre coins de la planète, protégés par l’armée états-unienne avec leurs mercenaires de service qui osent s’appeler des gouvernements. On pourrait continuer la liste, mais est-ce nécessaire ?

Les scandales de corruption parlent rarement de ces choses là. Dans un sens, les opérations de nettoyage remplissent souvent une fonction de détournement de sens. Elles donnent l’impression aux gens qu’on s’occupe de leurs biens alors que dans la réalité, elles tournent en rond autour des mini requins pendant que les gros dévorent tout ce qui bouge. C’est un peu la même chose que la police qui court après les petits dealers en sachant très bien que les responsables du drame sont inatteignables. Souvent aussi, les scandales et les commissions d’enquête font le jeu de la droite qui se fait alors le grand accusateur du secteur public et de l’État, ce qui détourne l’attention des voleurs systémiques qui opèrent en toute impunité.

Une fois dit cela, personne ne va regretter les arnaqueurs du PLC qui ont détourné les fonds publics pour saboter le dernier référendum. Amir a fait un bon travail en identifiant quelques-uns des minables qui en coulisses à Québec et à Montréal fonctionnent avec leurs copains du PLQ. Mieux encore, il a débouté un gros requin tout à fait « légal, nul autre que l’ex PDG de la Caisse de dépôts, Henri-Paul Rousseau. On s’entend que la gauche doit monter au créneau pour identifier les voleurs, les petits comme les gros, et aussi et surtout, expliquer pourquoi ils prolifèrent dans notre monde gangrené.

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