Édition du 26 novembre 2024

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Québec

L’injuste système d'éducation québecois

L’équité du système d’éducation québécois comparée à celle des autres systèmes d’éducation provinciaux en vertu de données inédites de l’enquête PISA.

Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) est un ensemble d’études menées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) visant à mesurer les performances des systèmes éducatifs des États membres et de certains pays non membres.

Basée à Paris, l’OCDE est une organisation internationale d’études économiques dont les 36 pays membres ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché. Le Canada en est membre depuis sa fondation en 1961. Comme la ségrégation scolaire affecte négativement la performance de plusieurs de ses membres, l’OCDE s’intéresse de plus en plus aux enjeux concernant l’équité des systèmes d’éducation. Ainsi, elle a publié en octobre 2018 un important rapport sur le sujet intitulé Equity in Education – Breaking Down Barriers to Social Mobility.

Comme la ségrégation scolaire affecte négativement la performance de plusieurs de ses membres, l’OCDE s’intéresse de plus en plus aux enjeux concernant l’équité des systèmes d’éducation. Ainsi, elle a publié en octobre 2018 un important rapport sur le sujet intitulé Equity in Education – Breaking Down Barriers to Social Mobility.

Ce rapport s’appuie sur les résultats de l’enquête 2015 du PISA qui s’est concentrée sur la performance en science. Les examens PISA sont réalisés à chaque trois ans. Les mathématiques, la lecture et les sciences sont évaluées, mais chaque édition analyse de plus près l’une de ces matières. L’évaluation 2018, qui sera rendue publique en décembre 2019, sera axée sur la lecture.

Distinguer équité et égalité

L’OCDE rappelle dans son rapport qu’en éducation, l’équité signifie qu’un système éducatif fournit les mêmes chances d’apprendre à tous les élèves : « Par équité, on n’entend pas l’obtention des mêmes résultats éducatifs par tous les élèves, mais plutôt l’absence de lien entre les différences de résultats entre les élèves et le milieu dont ils sont issus ou les facteurs économiques et sociaux sur lesquels ils ne peuvent exercer aucun contrôle. En éducation, l’équité signifie que des élèves issus de milieux socio-économiques différents atteignent des niveaux similaires de performance scolaire et de bien-être social et affectif, et ont la même probabilité d’obtenir un diplôme de l’enseignement postsecondaire. (1) » On peut donc dire qu’équité est synonyme de justice ou encore d’égalité des chances.

Le rôle de l’équité

L’OCDE définit clairement le rôle central que joue l’équité dans les systèmes d’éducation : « Le statut socio-économique a une forte incidence sur la performance des élèves, mais dans les systèmes d’éducation plus équitables, davantage d’élèves défavorisés sont performants (2) ». [nous soulignons] Partout dans le monde, les enfants défavorisés ont une tendance à réussir généralement moins bien. Dans un système équitable, comme en Finlande, cette différence de performance est fortement atténuée. À l’inverse, dans un système inéquitable comme celui du Québec, les inégalités à la ligne de départ se retrouvent quasiment telles quelles à la ligne d’arrivée.

Le Québec et la ségrégation scolaire

Ce qui différencie un système inéquitable d’un autre qui ne l’est pas, c’est le niveau de ségrégation scolaire. On peut définir la ségrégation scolaire comme la séparation des enfants dans des écoles ou des programmes différents, en fonction du revenu de leurs parents et/ou de leurs résultats scolaires. Or avec plus de 41 % de ségrégation scolaire au Québec [au secondaire : 21 % d’enfants choisis par le privé (3) et au moins 20 % (4) d’enfants triés par les écoles publiques sélectives], il ne faut pas se surprendre de nos résultats médiocres :

 Un quart des élèves du secondaire décrochent ;

 Les coûts pour le Trésor public du décrochage ont été évalués à 2 milliards de dollars annualisés par BMO en 2009 ;

 Un quart des enseignants quittent la profession durant leurs cinq premières années sur le marché du travail ;

 53 % des 16-65 ans ont des compétences faibles ou insuffisantes en littératie.

Et c’est sans parler de notre cohésion sociale mise à mal par cette compartimentation précoce des enfants : les plus favorisés se sentent de moins en moins concernés par le destin de l’ensemble de la société.

Les résultats « canadiens »

En plus de son rapport global sur l’équité en éducation, l’OCDE a publié une série de Notes par pays, dont une pour le Canada (5).

Cette note regroupe les résultats du Canada pour les principaux indicateurs d’équité. Globalement, le Canada y est décrit comme faisant partie du peloton de tête pour ce qui est de l’égalité des chances. La couverture médiatique locale est allée dans le même sens.

Sauf qu’il n’existe pas de système d’éducation canadien, mais bien 10 systèmes d’éducation provinciaux distincts. Connaissant la situation du Québec en ce qui a trait à la ségrégation scolaire, le Mouvement L’école ensemble a voulu savoir comment le système d’éducation du Québec se comparerait à ceux des autres provinces en ce qui a trait à son iniquité.

Nous avons donc demandé et obtenu de l’OCDE les chiffres de chacune des provinces canadiennes. Les résultats provinciaux permettent de remettre en perspective l’équité du système d’éducation québécois. Nous avions peu d’espoir de voir le Québec faire bonne figure ; les résultats sont en fait lamentables.

Le rapport suivant présente donc pour la première fois une comparaison entre le degré d’équité du système d’éducation québécois et celui des autres systèmes d’éducation provinciaux en vertu de données inédites de l’enquête PISA.

Résultats

Plusieurs indicateurs permettent d’établir de quelle manière un système d’éducation promeut ou non l’égalité des chances. Sans les hiérarchiser formellement, l’OCDE compte sur quatre indicateurs principaux pour dresser un portrait le plus complet possible :

1. Variation de la performance associée à des différences de statut socioéconomique

2. Écart de performance entre élèves favorisés/défavorisés

3. Pourcentage d’élèves défavorisés dans des écoles favorisées/défavorisées

4. Écart de performance des élèves défavorisés selon qu’ils fréquentent une école favorisée/défavorisée

(...)

Conclusion et recommandations

Peu importe comment on choisit de considérer les faits consignés dans ce rapport, une seule conclusion s’impose : en matière d’égalité des chances, le Québec a le système scolaire le plus injuste au pays. Le Québec est bon dernier dans tous les indicateurs choisis par l’OCDE pour évaluer l’équité en éducation. Plus que partout ailleurs au Canada, c’est au Québec que le milieu dont sont issus les enfants a le plus de conséquences sur leurs résultats scolaires. Le système d’éducation québécois se contente de reproduire les inégalités sociales. Au Québec, l’éducation n’est pas un ascenseur social.

Les causes

Les résultats désolants du Québec en matière d’égalité des chances sont bien sûr la conséquence directe de sa politique officieuse de ségrégation scolaire. En votant le financement public des écoles privées il y a 50 ans, l’Union nationale a ouvert la porte au contournement de la carte scolaire par les parents favorisés. L’engouement pour le privé subventionné est allé s’accélérant jusqu’à nos jours, favorisant ainsi un écrémage constant des écoles publiques. Le cercle vicieux s’est renforci quand le réseau public a créé les écoles à projet particulier, manière d’aller concurrencer le privé sur son terrain, celui du tri des enfants.

Jamais l’Assemblée nationale n’a voté de loi faisant de la ségrégation scolaire la base de notre système éducatif. Pourtant, dans les faits, c’est bien d’une politique qu’il faut parler. Les réseaux privé subventionné, public sélectif et public ordinaire sont là pour nous le rappeler.

L’équité comme objectif et solution

Le tri des élèves ne donne de bons résultats nulle part. Rappelons le constat de l’OCDE : « dans les systèmes d’éducation plus équitables, davantage d’élèves défavorisés sont performants ». Plus de mixité sociale permet un système plus équitable, ce qui, en retour, augmente l’efficacité du système.

L’exemple finlandais est à cet égard éloquent. La décision d’intégrer le réseau d’écoles privées au réseau public prise dans les années 1970 découlait au départ d’un souci de cohésion nationale. Quand les premiers palmarès internationaux ont propulsé la Finlande au rang de superpuissance de l’éducation, les Finlandais ont été les premiers surpris ! C’est à ce moment qu’ils ont compris que l’équité était un vecteur d’excellence. En fait, leur système éducatif est efficace parce qu’il est équitable.

Les Québécois ont donc à portée de main un outil formidable : l’équité. La favoriser en éducation permet sans coûts supplémentaires de tirer vers le haut les résultats d’ensemble.

Recommandations

1. Mettre fin à tout financement public direct ou indirect des écoles privées.

2. Mettre fin à la sélection des élèves au public, au primaire comme au secondaire.

Ces changements permettront la création d’un nouveau réseau public unifié dynamisé par un afflux massif d’élèves performants provenant du privé subventionné et du public sélectif. Ce nouveau réseau permettra de mettre en place nos recommandations 3 et 4 :

3. Au sein d’une classe commune, maintenir l’enseignement différencié pour les élèves en difficulté et l’élargir aux élèves les plus performants.

4. Doter chaque école du nouveau réseau public unifié de son propre bassin scolaire. La carte des bassins devra être configurée pour garantir la plus grande mixité sociale possible. Comme la carte électorale, la carte scolaire sera reconfigurée à intervalles réguliers.

Mise en oeuvre

Ces recommandations mèneront à une transformation majeure du système d’éducation au Québec. Voici des précisions pour le législateur : Au sujet de la fin du financement du privé par les contribuables En nous basant sur le modèle ontarien, nous devrions assister à une fonte des effectifs du privé de 21 % à 5 % des élèves du secondaire à cause des frais de scolarité qui augmenteront. Les écoles privées verront leur modèle d’affaires s’écrouler. Elles auront alors à réaliser une étude de marché pour déterminer si leur territoire contient suffisamment de parents capables et intéressés à payer des frais de scolarité élevés.

Certaines écoles privées auront un marché suffisant pour maintenir leurs opérations sans subventions des contribuables, mais la plupart devront trouver un nouveau modèle pour continuer leur mission d’enseignement. Dans les commissions scolaires en manque de locaux pour accueillir les élèves en provenance du privé, la plupart de ces anciennes écoles privées pourront être acquises par le Ministère de l’Éducation et intégrées au nouveau réseau public unifié avec leurs employés. Cette transition ressemblera en fait à celle à laquelle on assiste depuis 25 ans, c’est-à-dire le transfert des établissements des congrégations religieuses à des OBNL. Rappelons que ces OBNL n’ont pas payé pour les établissements et n’ont qu’un rôle de fiduciaire de la mission d’enseignement. Elles ne pourraient donc pas vendre « leur » établissement à un promoteur qui voudrait en faire autre chose : elles doivent maintenir la mission d’enseignement. C’est donc dans le cadre d’un réseau public unifié que les anciennes écoles privées subventionnées continueront leur travail. Notons qu’il n’est donc pas question d’interdire le réseau privé.

Au sujet de la fin de la sélection au public

La fin de la sélection au public couplée à la fin des subventions au privé donnera naissance à un « vrai privé » et à un « public unifié » ; ce dernier sera dynamisé par un afflux massif d’élèves performants provenant du privé subventionné et du public sélectif. Il s’agira donc d’un changement d’image complet pour le public (et son école ordinaire) qui ne sera donc plus perçu par la population comme un réseau pour les perdants. Retenir enfants, parents et enseignants sera donc beaucoup plus simple. Les bénéfices pour les résultats scolaires sont évidents, mais ce sera aussi le cas des coûts en ressources humaines : il faut prévoir une baisse marquée des épuisements professionnels et du nombre d’enseignants qui quittent la profession.

Il faut aussi prévoir que nous assisterons à une nouvelle sorte de concurrence entre les écoles. Non plus une guerre pour les meilleurs élèves, mais plutôt un nivellement par le haut. Comme les écoles publiques seront désormais à armes égales, pour ainsi dire, elles n’auront plus à se défendre contre des concurrents qui viendraient « voler » leurs élèves. S’ensuivra une nouvelle culture de collaboration dans laquelle l’échange de bonnes pratiques se fera sans arrière-pensée.

Au sujet de l’offre d’enseignement enrichi

Plusieurs parents retirent actuellement leurs enfants de l’école publique ordinaire parce qu’ils anticipent que la cadence d’apprentissage sera trop lente. Le nouveau public unifié, en accueillant 76 % des élèves du privé (en se basant sur un vrai privé qui ne serait plus fréquenté que par 5 % des élèves du secondaire) et 100 % des élèves des projets particuliers, verra une hausse immédiate du rythme scolaire. Le taux d’élèves performants bondira et celui des élèves en difficulté diminuera.

Mais le Mouvement L’école ensemble croit qu’il faut aller un peu plus loin. C’est pourquoi nous demandons qu’en parallèle à l’aide aux élèves en difficulté soit développée une aide aux élèves plus performants. Nous croyons qu’il sera ainsi plus facile d’obtenir l’appui des parents aux changements que nous proposons.

Au sujet des projets particuliers

Les projets particuliers sélectifs sont aujourd’hui passés dans les moeurs. On peut légitimement se demander si le simple fait d’instruire les élèves ne devrait pas être une mission suffisante pour l’école québécoise, mais il s’agit d’un débat parallèle à celui sur la ségrégation scolaire.

Les écoles qui voudraient maintenir des projets particuliers pourront le faire sans sélectionner et sans exiger de frais. Il est à prévoir qu’en perdant leur avantage comparatif (un environnement exclusif), les projets particuliers verront leur popularité décliner progressivement.

Au sujet du financement direct et indirect de l’école privée au Québec par les contribuables

Dans son rapport de 2014 (8) (le « rapport Champoux-Lesage », du nom de l’ex- Protectrice du citoyen qui présidait le groupe), un groupe d’experts réunis par le Ministère de l’Éducation démontre noir sur blanc que le chiffre couramment employé pour évaluer la part du financement étatique des écoles privées (60 %) n’est pas valide. Pourquoi ? Les élèves du public coûtent plus cher. D’abord parce qu’ils sont proportionnellement plus nombreux à être en difficulté d’apprentissage. Ensuite parce que l’école publique doit desservir tout le territoire ; il faut donc payer des enseignants même là où les classes comptent très peu d’élèves.

Pour comparer des pommes avec des pommes, les experts ont comparé des élèves équivalents dans des écoles de même densité de population. Ils en sont ainsi arrivés à des taux de subventionnement de 74,8 % au secondaire, 63,9 % au primaire et 63,6 % au préscolaire. Mais ce n’est pas tout. À ces taux, il faut également ajouter le financement indirect, c’est-à-dire par les crédits d’impôt (pour service de garde et pour dons de charité). Un rapport (9) commandé à l’économiste Valérie Vierstraete de l’Université de Sherbrooke par la Fédération des commissions scolaires du Québec en 2014 montre bien le coût pour les contribuables de ces crédits d’impôt.

En se basant sur le modèle ontarien où 5 % des élèves fréquentent le privé (non subventionné), on peut estimer qu’environ 20 000 élèves québécois fréquenteront le privé non subventionné. Ces élèves ne coûteront plus rien aux contribuables. Cette économie est en fait plus importante que le surcoût lié à l’arrivée des trois quarts des élèves du privé subventionné : l’économie pour les contribuables serait de 14 M$ annuellement.

Pour consulter le rapport.

Notes

1- OECD (2018), Equity in Education : Breaking Down Barriers to Social Mobility, PISA, OECD Publishing, Paris. https://doi.org/10.1787/9789264073234-en

2- PISA à la loupe, n° 89, L’équité en éducation peut-elle favoriser la mobilité sociale, octobre 2018, read.oecd-ilibrary.org/education/l-equite-dans-l-education-peut-elle-favoriser-la-mobilitesociale_c6d9bb42-fr#page2.

3- Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, bdso.gouv.qc.ca.

4- Le Ministère de l’Éducation ne rend public aucun portrait détaillé de la fréquentation des projets particuliers sélectifs. Dans un avis de 2007 [cse.gouv.qc.ca/fichiers/documents/publications/Avis/50-0454-01.pdf], le Conseil supérieur de l’éducation estimait la proportion d’élèves dans des projets particuliers à 20 % en qualifiant ce chiffre de conservateur. Le ministre actuel a avoué en commission parlementaire n’avoir aucun portrait de la situation et s’est engagé à l’obtenir de son ministère [lapresse.ca/actualites/education/201904/09/01-5221577-programmes-particuliers-roberge-nest-pluscertain-de-plafonner-les-frais.php].

5- OECD (2018), Equity in Education : Breaking Down Barriers to Social Mobility – Country Note : Canada, PISA, OECD Publishing, Paris. www.oecd.org/pisa/Equity-in-Education-country-note-Canada.pdf

8- Rapport du comité d’experts sur le financement, l’administration, la gestion et la gouvernance des commissions scolaires, Québec, mai 2014, p. 128. education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/document/PSG/politiques_orientations/rapport_comiteCS_mai2014v3p.pdf

9- Le financement public de l’enseignement privé, Fédération des commissions scolaires du Québec, juin 2014. fcsq.qc.ca/fileadmin/medias/PDF/Financement_public_de_l_enseignement_prive/Etude-Finacement-Public-Enseignement-Prive.pdf

Mouvement L’école ensemble

Le Mouvement L’école ensemble est né à Gatineau en mai 2017. Il mène campagne pour une nouvelle vision de l’école publique : une école commune, équitable, sereine et efficace. L’objectif du Mouvement est d’inciter les partis politiques à inclure trois grandes mesures dans leur plateforme en vue des élections d’octobre 2018 :

 Mettre fin à tout financement public direct ou indirect de l’école privée.

 Mettre fin à la sélection des élèves au public, au primaire comme au secondaire.

 Au sein d’une classe commune, consolider l’aide aux élèves en difficulté et développer une offre d’apprentissage enrichie pour les élèves les plus performants.

Pour y arriver, le Mouvement

 recueille les appuis des citoyens et groupes à sa pétition ;

 explique les conséquences de la ségrégation et propose des solutions ;

 sollicite vos témoignages sur les dysfonctionnements causés par la ségrégation ;

 effectue des représentations auprès des partis politiques québécois en vue des élections d’octobre 2018.

http://www.ecoleensemble.com/

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