Édition du 23 avril 2024

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Canada

Le Nouveau parti démocratique : le petit frère de gauche du Parti libéral du Canada

Le Nouveau Parti démocratique du Québec n’arrive pas à décoller au Québec ; il ne représente pas une alternative convaincante pour les électeurs et électrices québécois par rapport aux libéraux et aux conservateurs. Les causes de l’insuccès persistant du parti de gauche fédéral auprès des Québécois et Québécoises sont notoires mais toujours négligées par la direction de cette formation politique. C’est pourquoi il faut y revenir, encore et encore.

Une des conditions majeures pour que que le Nouveau parti démocratique (NPD) s’approche du pouvoir (qu’il forme l’Opposition officielle), et l’exerce éventuellement un jour réside dans une percée significative au Québec. Celui-ci, avec ses huit millions et demi de citoyens et son important réservoir de comtés est la province la plus peuplée au Canada après l’Ontario et ses quinze millions de d’habitants. Les responsables néo-démocrates devraient s’en aviser. C’est là que la bât blesse. Les gens le trouvent très sympathique mais peu crédible pour constituer un gouvernement, et ce pas seulement au Québec.

Pourtant, la cause du parti de gauche n’y est pas désespéré, pas plus qu’au Canada anglais. En fait, la majorité des néo-démocrates sont des libéraux de gauche, c’est bien connu, hormis une aile marxisante. Il s’est mis, surtout depuis l’élection de Jagmeet Singh à l’heure du multiculturalisme et il compte désormais une section "woke", bruyante à l’égard de laquelle le chef actuel se montre sinon complaisant, du moins compréhensif. Son attitude à l’endroit de ce groupe paraît ambiguë, ce qui le rend suspect du point de vue des Québécois et Québécoises. On n’a qu’à se rappeler ses louvoiements devant diverses déclarations hostiles au Québec ou au nationalisme québécois, comme celle du professeur Amir Attaran qui a qualifié le Québec d’"Alabama du Nord" ; ou encore ses réserves hostiles à l’égard de la loi 21, pourtant appuyée par une forte majorité de Québécois et de Québécoises. Il a par ailleurs refusé de rappeler à l’ordre son député de Hamilton-Centre dans la région de Toronto qui avait félicité Amir Attaran pour sa déclaration-choc. On pourrait citer d’autres exemples du genre au sujet de Singh.

Pourtant le succès de Jack Layton, chef du parti de 2003 à 2011 lors du scrutin fédéral de cette année-là prouve bien qu’il n’existe aucune incompatibilité entre le NPD et l’électorat québécois. Layton avait bien compris qu’une des clés de la victoire à Ottawa était le Québec. Il a travaillé patiemment le terrain électoral québécois durant des années et cette orientation a donné ses fruits en 2011 : il a obtenu au Québec 42.9% du vote et fait élire 59 députés dans la "Belle Province". Un résultat impensable quelques années auparavant encore. Pourquoi ?

Jusqu’à un certain point parce que Layton, contrairement à la plupart des anciens responsables du parti avait compris l’importance d’accepter sans arrière-pensée le nationalisme québécois. Il était d’ailleurs lui-même un anglo-montréalais. Hélas il est mort prématurément en 2011, alors que son parti se trouvait peut-être aux portes du pouvoir. Par la suite, Thomas Mulcair, un type de centre-droit et ancien ministre libéral de l’Environnement dans le cabinet de Jean Charest a été élu chef du parti dont il a recentré une partie de la plate-forme électorale dans le sens de la droite alors qu’ironiquement, Justin Trudeau le chef du Parti libéral du Canada adoptait une politique plus à gauche que ses prédécesseurs (on se rappelle son slogan lors du scrutin de 2015 : "les journées ensoleillées"), ce qui impliquait une plus grande intervention de l’État dans le domaine social. Le NPD au Québec connaît alors une chute vertigineuse : il descend de 49% du vote à 25% et se trouve réduit à quatre députés, ce qui coûtera son poste de chef à Mulcair. Jagmeet Singh le remplace en octobre 2017. Depuis cette époque, on note un divorce entre le Nouveau Parti démocratique et l’ensemble de l’électorat québécois. Au scrutin de 2019, seul se maintient le député de Rosemont-La-Petite-Patrie, Alexandre Boulerice. et le parti ne récolte qu’un maigre 10% du vote au Québec. La situation n’a pas changé depuis : en 2021, 10%, des voix et cette fois encore, Boulerice est réélu. Du sur place. Le NPD est redevenu marginal au Québec, comme avant 2011.

L’héritage légué par Jack Layton a été gaspillé.

Le NPD de Jagmeet Singh appuie pour l’essentiel les politiques interventionnistes et centralisatrices du Parti libéral de Justin Trudeau parce qu’elles correspondent assez largement à sa propre culture politique et aussi parce que Singh croit qu’elles tirent en avant le NP auprès le l’électorat progressiste. Les deux partis, libéral et néo-démocrate partagent en ce moment un multiculturalisme assez similaire. Mais les libéraux eux, ont l’avantage d’être un parti à tradition de pouvoir, contrairement au NPD. Le Parti libéral s’est fait surtout une réputation de défenseur attitré des intérêts canadiens-français à Ottawa, ce qui n’est pas le cas du Nouveau Parti démocratique. Rien donc pour rapprocher ce dernier de l’électorat nationaliste québécois, qu’il soit fédéraliste ou souverainiste.

On peut en conclure que le principal problème du NPD au Québec est de n’avoir presque jamais pu (ou même voulu) se connecter à une idéologie nationale franchement québécoise. La plupart des responsables néo-démocrates commettent la même erreur que beaucoup de socialistes et de sociaux-démocrates du monde entier vis-à-vis du nationalisme ; celle de croire qu’il ne s’agit que d’un discours de diversion destiné à égarer les classes populaires, à leur faire perdre de vue leurs "vrais problèmes", qui seraient avant tout d’ordre socio-économique. Cela n’empêche pas par ailleurs les néo-démocrates de défendre sans complexes le nationalisme "canadian". Le mauvais nationalisme est toujours celui des autres, n’est-ce pas...

Il faut bien constater que le Nouveau parti démocratique ne va nulle part sous Jagmeet Singh dont les défaillances du sens politique plombent la formation. La direction du parti semble avoir renoncé à percer au Québec. Il y a quelque chose d’exaspérant dans cette attitude, celle d’un fatalisme teinté de désabusement, sinon de mépris vis-à-vis des Québécois et des Québécoises. Tant que la direction néo-démocrate s’entêtera dans cette attitude, elle n’aura que les résultats qu’elle mérite au Québec, c’est-à-dire pas grand chose.

Jean-François Delisle

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