Il utilise la caution intellectuelle de l’essayiste français Alain Finkielkraut pour établir une continuité douteuse entre l’antisionisme et l’antisémitisme, celui-ci défini comme "l’hostilité envers les Juifs, tous les Juifs, où qu’ils soient, moins pour ce qu’ils font que pour ce qu’ils sont, parce qu’ils existent tout simplement."
Ìl n’y a pas moyen de discuter du conflit israélo-palestinien pour ce qu’il est, c’est-à-dire la lutte d’un peuple dépossédé (les Palestiniens) par un autre, certains Juifs, au nom d’une prétendue antériorité qui remonterait à l’Antiquité. Les partisans de l’État hébreu ressortent toujours l’argument éculé de "l’antisémitisme" pour discréditer les partisans de la cause palestinienne.
Il faut le répéter encore et encore : les Juifs ne sont pas une ethnie (des "Sémites"), mais les adhérents à une religion et une philosophie spécifiques, l’un et l’autre ni plus ni moins respectables que les autres croyances. Une mauvaise foi (c’est le cas de le dire) ressort de cette accusation de racisme contre les Juifs et les Juives. Ces derniers forment pas davantage une ethnie que les chrétiens et les musulmans. Il vaudrait mieux parler d’antijudaïsme.
Evidemment, cela n’excuse nullement les persécutions dont Juifs et Juives ont longtemps été l’objet, mais cette situation ne légitime en rien l’établissement forcé de l’État hébreu au détriment de la population palestinienne vivant depuis toujours dans le pays qui allait devenir Israël.
Donc, n’en déplaise à Facal et Finkielkraut, il faut maintenir la distinction entre antijudaïsme et antisémitisme. Les antijudaïstes sont tous opposés par principe à l’État hébreu, mais les antisionistes ne sont pas hostiles aux Juifs, loin de là. Défendre le droit à l’autodétermination des Palestiniens et Palestiniennes, y compris s’il exerce par le recours aux armes, n’a aucun rapport avec la haine des Juifs. Certains de ceux-ci sont même antisionistes au nom de considérations religieuses, philosophiques (ils croient que le sionisme trahit l’authentique judaïsme) ou simplement démocratiques. Y aurait-il donc des Juifs antisémites ? Monsieur Facal a-t-il déjà entendu parler de PAJU (Palestiniens et Juifs unis) ?
Le sionisme est une idéologie nationaliste soutenant que les Juifs ont le droit de revenir s’établir sur la terre où auraient vécu leurs lointains ancêtres et dont ils auraient tous été chassés par les Romains. Les "Arabes", selon cette thèse, auraient alors comblé le "vide" ainsi créé. Outre qu’elle ne résiste pas à une analyse historique rigoureuse, elle néglige le fait que les "Arabes" avaient des droits acquis de longue date lorsque des Juifs d’origine européenne surtout, tenants du sionisme, ont débarqué en Palestine et commencé à la coloniser au début du vingtième siècle. Une entreprise qui a provoqué, comme on pouvait le prévoir, l’opposition et la résistance de la population locale, un phénomène bien compréhensible et qui dure encore. Comme on l’a déjà fait remarquer, il s’agit d’une nouvelle guerre de Cent ans, et qui ne paraît pas près de finir, vu l’expansionnisme israélien.
Facal et ses semblables reprennent toujours l’idée reçue du droit à l’autodéfense d’Israël devant la résistance palestinienne. Ils nient donc le droit à la lutte armée de la population palestinienne en Cisjordanie occupée et de celle en exil. Ils reprennent la vieille tactique qui consiste à délégitimer sa lutte de libération en la criminalisant. Ils passent sous silence que la notion de terrorisme est hautement partisane ; en effet, on est toujours le résistant ou le terroriste de quelqu’un, tout dépendant du point de vue. Au cours de l’Occupation en France, les nazis qualifiaient les maquisards de "terroristes".
Facal ne prend même pas la peine de se pencher sur tout le contexte qui a poussé le Hamas à lancer son offensive du 7 octobre 2023. Elle avait pourtant des motivations valables et considérées comme urgentes par les responsables du mouvement (élu en 2007). De toute manière, Nétanhayou (une "honte nationale" selon Facal) n’innove pas en ce qui concerne les tueries de Palestiniens, résistants comme civils. Il ne fait que reprendre une vieille tradition israélienne, qui remonte en réalité à l’époque où des organisations clandestines juives terrorisaient la population palestinienne pour la pousser à quitter sa terre natale, ce qui fut hélas, largement réussi. Cette violence israélienne antipalestinienne s’est poursuivie par la suite. L’actuel premier ministre israélien ne doit donc pas être vu comme le premier ni le seul responsable des massacres de Palestiniens.
Au cours de toutes ces décennies de guerres épisodiques, infiniment plus de Palestiniens ont perdu la vie ou ont été estropiés par les initiatives militaires israéliennes que l’inverse, ce qui n’a jamais empêché la plupart des classes politiques occidentales (et en particulier l’américaine) de continuer à appuyer cet État oppresseur.
On peut donc parler d’un racisme très réel celui-là, le racisme antipalestinien. Il se cachait (et se dissimule encore) derrière l’argument de la défense du "seul État démocratique du Proche-Orient". Il y en aurait long à dire sur ce jugement de politiciens et d’idéologues vis-à-vis de sociétés dont l’échelle de valeurs diffère de la nôtre. Ils présentent toujours Israël comme un bijou démocratique fiché dans une mer de boue arabe. Les dirigeants occidentaux soutiennent en fait le nationalisme sionisme et non la supposée démocratie israélienne.
On peut conclure de cet examen, plutôt sommaire j’en conviens, que ce qui alarme Finkielkraut, Facal et les autres sionistes occidentaux, est le retournement qu’on observe en Occident du côté des opinions publiques en faveur de la cause palestinienne ; même des classes politiques (comme au Canada, en France et en Grande-Bretagne) ne peuvent plus dissimuler leur embarras devant les excès commis par le cabinet Nétanyahou à Gaza. En Israël, une partie de l’opinion publique s’inquiète de la brutalité de la répression dont fait preuve son gouvernement, laquelle entraîne une baisse évidente de la sympathie des Occidentaux à l’endroit de leur pays. Cette montée de l’esprit critique à l’égard d’Israël pousse les sionistes comme Facal et Finkielkraut à dépoussiérer l’argument usé à la corde de "la haine des Juifs". En fait de malhonnêteté intellectuelle, on peut difficilement trouver pire.
Le retournement des opinions publiques occidentales en faveur des Palestiniens et Palestiniennes annonce peut-être un changement politique décisif.
Il faut plutôt attaquer la haine larvée qui a longtemps sévi chez beaucoup de gouvernements occidentaux à l’encontre de la nation palestinienne.
À quand un commentaire de Joseph Facal à ce sujet ?
Jean-François Delisle
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