Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Le gouvernement Legault dit Non à la discrimination positive

Refuser la discrimination positive est donc un signe claire d’une société peu soucieuse de ses minorités.

Une gestion pré-électorale de droite

Le gouvernement caquiste gère la crise sociale du raz le bol des mesures de protection contre la Covid au détriment d’une gestion de la crise de la santé. Résultat 1200 morts et une sixième vague sans contrôle. Mais il s’assure ainsi de n’avoir pas de vagues sociales à l’approche des élections...surtout s’il veut être réélu avec un mandat fort.

Le ministre Dubé présente son plan en santé : porte ouverte à un partenariat avec le secteur privé.

La question du tramway revient d’actualité pour mieux être court-circuité comme projet de transport collectif. Le troisième lien demeure le projet important sur la table en terme de transport pour la CAQ.

Des milliards en subvention au patronat et 500 $ pour les contribuables, somme bien insuffisante face à l’augmentation des prix dont le prix de la facture d’électricité alors que l’inflation dépasse le 5% et que les ménages canadiens sont endettés à 185%.

Le gouvernement de la CAQ prépare ses élections en reprenant à son compte ce qui a fait sa marque de commerce : les bonnes vieilles politiques néolibérales à saveur autoritaire et de droite de quoi faire compétition avec le Parti Conservateur. Le gouvernement Legault continue de défendre les intérêts patronaux dans toutes les sphères de la société.

Et cerise sur le sundae, il dénonce la discrimination positive dans un affichage de poste à l’Université Laval. Ce geste paraît un simple fait de l’actualité mais en fait démontre le conservatisme de la gestion caquiste. Que ce soit le Non clairement exprimer à reconnaître le racisme systémique, le boy’s club des conférences de presse sur la Covid, le refus d’augmenter le nombre de personnes immigrantes, toutes ces mesures reposent sur une notion d’un Québec identitaire et n’ouvrent absolument pas sur l’importance de la diversité sociale pour une société. La droite et l’extrême droite ne diraient pas mieux.

Refuser la discrimination positive est donc un signe claire d’une société peu soucieuse de ses minorités.

La discrimination positive

La discrimination positive n’est pas un caprice de groupes marginaux. Il représente une démarche claire vers l’acceptation de la diversité et vers le respect des autres et de leurs différences.

«  En droit international comme dans les nombreux pays où elle est pratiquée, la discrimination positive est l’instrument clé d’une politique de rattrapage entre différents groupes. Elle vise à promouvoir entre eux une plus grande égalité de fait, ou, à tout le moins, à garantir aux membres des groupes désavantagés une véritable égalité des chances. Elle s’inscrit dans une logique de comblement d’un écart de développement économique et social et suppose donc, plus qu’un simple traitement différencié, l’instauration d’un véritable traitement préférentiel. Par définition, celui-ci a vocation à disparaître lorsque le groupe ou les groupes concernés auront surmonté leur handicap et rattrapé leur retard par rapport au reste de la société. » (Gwénaële Calvès Dans La discrimination positive (2016))

La discrimination positive est une mesure d’égalité pour tenir compte des différences sociales créées par des processus d’oppression ou de discrimination. C’est parce que ces différents groupes sociaux : femmes, personnes racisées, Autochtones, handicapées, LGBT+++) ont été déjà écartés de la place publique citoyenne et du pouvoir que nous devons appliquer des mesures de redressement de la situation pour arriver à une société réellement diversifiée.

Mais c’est aussi et surtout une reconnaissance des privilèges des groupes sociaux dominants : homme blancs, riches ou en situation de pouvoir. Refuser la discrimination positive c’est refuser de remettre en question ces privilèges de domination.

La droite se déchaîne

Le gouvernement caquiste refuse de reconnaître le racisme systémique, alors à coups sûr il va dénoncer toutes les mesures de discriminations positives. À ses yeux, c’est la compétence qui compte pas le sexe ou la race.

Évidemment pour s’enrichir le Québec a besoin des meilleurs….quels meilleurs et quelle richesse ?

La pandémie nous a montré que le meilleur pour une société ce n’est pas dans les affaires que ça se trouve mais sur le prendre soin des uns, des unes, des autres. Et ce sont majoritairement les femmes qu’il l’ont fait à des salaires inférieurs aux hommes d’au moins 10% (Voir la publicité du gouvernement du Québec). Et malgré les belles paroles de monsieur Legault sur les « anges gardiens » (au masculin sic) le gouvernement n’a accordé que 2% d’augmentation salariale à la majorité des personnes salariées dans l’éducation et en santé tout en appliquant une stratégie de division syndicale en privilégiant certains titres d’emplois par bonification de l’offre salariale en la combinant avec l’équité salariale et en saupoudrant le tout de primes tardant à être payées et menaçant d’être arrêtées malgré la sixième vague. La discrimination salariale reste d’actualité dans le secteur public mais aussi dans le privé. Les récentes recherches sur les résultats de la loi sur l’équité salariale démonte des avancées mais indiquent surtout tout le chemin encore à parcourir pour les femmes. Qu’importe la discrimination, le gouvernement Legault ne s’inquiète pas pour si peu.

« Les cinq professions qui affichent la plus grande parité sont toutes de niveau professionnel ou degestion (figure 7b). Si ces dernières sont généralement bien rémunérées, certaines d’entre elles, comme juges, avocates ou avocates et notaires, présentent des écarts de revenu entre les femmes et les hommes pouvant dépasser 15 000$ annuellement (tableau 3). Enfin,les cinq professions où l’on observe les plus faibles proportions de femmes sont toutes de niveau technique (figure 7c) et présentent des écarts de revenu entre les sexes de l’ordre de10 000$ ou plus, sauf le métier d’électricien ou d’électricienne où l’écart est de 500$.  » https://csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/portrait-quebecoises-2020-economie.pdf

Les personnes racisées, noires, immigrantes, Autochtones et LGBT+++ vivent aussi des discriminations beaucoup plus importantes.

«  En ce qui concerne le taux d’emploi chez les immigrantes, il est largement inférieur à celui des immigrants en 2019, soit un écart de 11,4 points de pourcentage. Pour l’ensemble des personnes immigrantes*, le taux d’emploi a connu une forte croissance depuis 2009, tant chez les femmes que les hommes, mais cette hausse est encore plus marquée chez ces derniers  » https://csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/portrait-quebecoises-2020-economie.pdf

« La rémunération horaire des immigrantes* est inférieure à celle des immigrants, soit 23,8 contre 27,26$, ce qui représente un écart de 3,42$ (tableau 5). En comparaison, la différence entre la rémunération des Québécoises nées au Canada et celle de leurs homologues masculin est de2,79$. »
https://csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/portrait-quebecoises-2020- economie.pdf

« Chez les populations autochtones du Québec, 30% des femmes déclaraient, en 2017, avoir au moins une incapacité17, et plus de la moitié d’entre elles (15%), une incapacité sévère ou très sévère (figure 19). Les hommes autochtones sont proportionnellement moins nombreux à avoir déclaré au moins une incapacité (24%, dont 10% une incapacité sévère ou très sévère) (Statistique Canada, 2021c). À titre indicatif, une forte proportion de femmes inuites aurait affirmé n’avoir aucune incapacité (84%) (Statistique Canada, 2021c) » https://csf.gouv.qc.ca/article/2022/02/07/portrait-des-quebecoises--edition-2021/

En 2016, le revenu annuel total médian des femmes autochtones du Québec = 24 473$ contre 28 607$ pour les femmes non autochtones et 30 254$ pour les hommes autochtones )Ce qui correspond donc à environ 85 % de celui des femmes non autochtones.
CSF https://csf.gouv.qc.ca/article/publication/portrait-des-quebecoises-edition-2018/

«  Pourtant, de 2015 à 2019, le nombre de crimes haineux ciblant l’orientation sexuelle ou de genre commis sur le sol canadien contre les personnes LGBTQ+ a augmenté de 86 %.
….
Selon un sondage Léger réalisé en mars 2021 à l’échelle du pays, 55 % des Québécois disent d’ailleurs avoir été témoins d’actes homophobes et transphobes, dont des moqueries, des insultes, de l’humiliation, du harcèlement, de la violence psychologique ou des agressions physiques. »

(Plusieurs personnes LGBTQ+ portent leurs couleurs sans le vouloir La Presse le 17 mai 2021 Laurent Breault directeur général de la Fondation Émergence
https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-05-17/plusieurs-personnes-lgbtq-portent-leurs-couleurs-sans-le-vouloir.php

Lutter contre toute ces discriminations et exiger des mesures compensatoires seraient une offense à la blanchitude majoritairement mâle ? Un racisme antiblanc ? Ben voyons donc. L’odieux c’est de refuser de voir tous les mécanismes de discriminations et les groupes touchés.

C’est refuser de voir la situation privilégiée que les personnes blanches occupent dans notre société. C’est refuser d’accorder concrètement l’égalité à l’autre qui est différent, différente. Et surtout c’est masquer le tout sous la question des compétences. Les personnes blanches n’ont pas le monopole de la compréhension de la diversité et de la compétence.


Les partis politiques

Tous les partis d’opposition, selon les médias, ont approuvé le gouvernement dans la dénonciation de l’affichage de poste de l’Université Laval.

Le Parti Libéral se sent interpellé, trouve que ce n’est ps la bonne approche et que ça va trop loin ( LeDevoir Hommes blancs ne pas postuler, Isabelle Porter p. A8 31 mars 22)

Le Parti Québécois y va d’un complètement inacceptable, dénonce ce type de financement du fédéral obligeant des critères pour recevoir les subventions et ne veut pas de ce modèle de société (IDEM)

Les médias ont inclus aussi Québec Solidaire dans ce soutien gouvernemental. Gabriel Nadeau Dubois a refusé pourtant de condamner l’Université Laval :

« M. Bossé (Olivier) : L’Université Laval qui réserve une chaire de recherche pour des minorités, des femmes, des autochtones, donc qui exclut les hommes blancs, est-ce que vous êtes d’accord ?
M. Nadeau-Dubois : Nous, à la dernière campagne électorale, ce n’est pas ce qu’on proposait. Je pense, c’est important d’avoir des cibles de représentation de la diversité puis des minorités dans les institutions publiques. C’est important que ces cibles-là soient contraignantes, mais il y a des manières plus progressives d’atteindre ces cibles-là, puis nous, c’est ce qu’on proposait, à Québec solidaire. Nous, c’était une embauche sur quatre jusqu’à l’atteinte de la cible pour l’organisme en question, donc, c’est important d’avoir des cibles. C’est important que nos institutions soient plus représentatives de la société, mais notre manière d’y arriver, notre proposition pour arriver à cette représentativité-là, c’est une manière plus progressive.
M. Laforest (Alain) : On ne parle pas de ça, là, on parle de l’Université Laval. Vous en pensez quoi, de cette offre d’emploi là ? C’est correct, pas correct, acceptable ?
M. Nadeau-Dubois : Ce que je dis, c’est que sur l’objectif d’avoir des institutions plus représentatives, je pense que c’est absolument essentiel. Sur les moyens pour arriver à cette représentation-là, nous, l’approche qu’on préfère, c’est une approche plus progressive, comme en témoignent les propositions qu’on a faites lors de la dernière campagne électorale.
M. Gagnon (Marc-André) : Donc, l’approche de l’Université Laval, ce n’est pas la bonne ?
M. Nadeau-Dubois : Nous, on préfère une approche plus progressive où on fait...
M. Gagnon (Marc-André) : Non, on vous questionne sur l’approche de l’Université Laval.
M. Nadeau-Dubois : Oui, je vous dis que, nous, on préfère une approche plus progressive.
Une voix : Donc, ce n’est pas la bonne.
M. Nadeau-Dubois : Selon nous, une approche plus progressive est préférable, c’est-à-dire, nous, ce qu’on proposait, là, c’est une embauche sur quatre jusqu’à l’atteinte de l’objectif de représentation dans l’organisme en question. C’est...
M. Gagnon (Marc-André) : ...vous ne voulez pas condamner l’approche de l’Université Laval dans ce dossier-là.
M. Nadeau-Dubois : Nous, on a une approche différente de celle-là, et nous, on pense que, la bonne approche, c’est une approche plus progressive que celle de l’Université Laval. »

mais il a aussi refusé de les appuyer en parlant de mesures progressives... lesquelles ? En ne se prononçant pas clairement sur la discrimination positive, en hésitant, il permet ainsi aux médias d’ interpréter sa position et de l’assimiler aux autres oppositions gouvernementales.

Il a aussi perdu une belle occasion de dénoncer tous les discours de la droite contre la diversité.

De son côté le gouvernement en ralliant toute l’opposition, s’assure de n’avoir pas à reconnaître les différentes discriminations et surtout à ne rien faire pour contrer le tout.

Conclusion

Les discriminations positives sont des politiques essentielles pour reconnaître dans un premier temps les désavantages vécues par différents groupes sociaux et par conséquent les privilèges de certains autres. C’est ensuite des moyens mis en place pour régler cette discrimination en favorisant les personnes opprimées.

Et si ces mesures rencontrent un si grand désaveu c’est qu’elles touchent le coeur du système capitalopatriarcal à savoir l’efficacité et la productivité d’une main d’oeuvre compétente, sous payée et flexible. Le cheap labour est essentiel aux profits et le cheap labor a un sexe, une couleur, une orientation et des races.

Lutter pour des discriminations positives c’est refuser ces inégalités sociales et l’exploitation qui en découle.

Chloé Matte Gagné

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