Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de la présidente de la CSQ

Le premier ministre et les relations de travail ne font pas bon ménage

C’est la goutte qui fait déborder le vase. Ce vase qui est déjà pourtant bien plein. François Legault, premier ministre du Québec, se mêle encore une fois d’un conflit de travail qui, premièrement, ne le regarde pas et, deuxièmement, relève d’une tout autre juridiction. Je parle bien entendu du conflit de travail qui oppose les 3 200 travailleuses et travailleurs du Canadien National (CN) à leur employeur.

Des droits ? Quels droits ?

Les travailleuses et travailleurs du CN (une entreprise fort profitable qui rogne depuis des années sur les mesures de sécurité et sur les conditions de travail de son personnel, soit dit en passant) ont décidé démocratiquement de déclencher une grève pour forcer leur employeur à négocier de bonne foi le renouvellement de leur convention collective. C’est leur plein droit qui est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. C’est un droit confirmé encore et encore par le plus haut tribunal au pays. Qu’à cela ne tienne, François Legault n’en a que faire des droits des gens.

Notre premier ministre ne semble pas être capable de s’empêcher de se mêler de relations de travail et de prendre systématiquement parti contre les travailleuses et travailleurs. C’est ainsi chaque fois ! Que ce soit dans le cas qui opposait ABI à ses personnes salariées, dans sa contestation du jugement confirmant le droit de grève des juristes de l’État ou dans ses déclarations concernant les négociations du secteur public, le premier ministre a un parti pris. Ce parti pris est antisyndical et, surtout, anti-travailleuse et anti-travailleur.

Ça part bien mal

On peut dire que ça part mal. Bientôt, le gouvernement devra négocier avec nous : les travailleuses et travailleurs de l’éducation, de la santé, de l’enseignement supérieur et de l’ensemble de la fonction publique québécoise. Les conventions collectives des quelque 500 000 personnes salariées de l’État québécois arrivent à échéance. Nous avons presque tous déposé nos demandes. Les différents comités patronaux de négociation ont nos documents entre les mains et doivent bientôt nous faire part de leur réponse.

Je ne vous le cacherai pas, l’appétit des membres de la CSQ pour du changement en éducation, en santé et en enseignement supérieur est grand ! Oui, un rattrapage salarial après des années de disette est au menu de nos demandes, mais ça ne s’arrête pas là. Nous sommes tous aux prises avec les conséquences de plusieurs années d’un mode de gestion toxique qui a rendu invivable l’organisation du travail dans nos milieux. Il nous manque de ressources pour bien accomplir notre travail auprès de la population.

Les changements que nous demandons sont profonds, importants et nécessaires. Nous sommes bien conscients que cela ne passera pas comme une lettre à la poste, nous devrons nous mobiliser et peut-être même recourir à la grève pour faire pression sur le gouvernement, qui est aussi notre employeur. Or, quel message lance notre premier ministre lorsqu’il réclame cavalièrement une loi spéciale pour bafouer les droits des employées et employés du CN ?

Le rôle d’un premier ministre

Un premier ministre, c’est l’arbitre de dernière instance lors d’une négociation. C’est la personne vers laquelle on se tourne lorsque tous les efforts de conciliation et de médiation ont échoué à la table. C’est la personne qui devrait, en bout de piste, calmer le jeu et permettre de dénouer les impasses. J’écris « devrait » parce que dans le cas de François Legault, cette option semble être écartée d’emblée.

La paix industrielle s’effrite au Québec. Depuis 2011, le nombre d’arrêts de travail (grèves et lockouts) est passé d’environ 60 à plus de 220 l’an dernier et ces conflits sont de plus en plus longs, passant de 70 à 136 jours civils. À cela, il faut ajouter que plus d’une convention collective sur dix a été conclue à la suite d’un arrêt de travail, c’est quatre fois plus que dans les quatre années précédentes (15,7 % contre 3,9 %) !

Dans ce contexte, il serait bon que l’entourage politique de François Legault lui rappelle ses responsabilités et lui fasse comprendre que gouverner, ce n’est pas imposer sa vision personnelle des choses. Un premier ministre doit calmer le jeu, pas jeter de l’huile sur le feu !

Sonia Éthier

Présidente de la CSQ (2018-...)

Elle siégeait sur l’exécutif de la CSQ depuis 2015 à titre de première vice-présidente. Enseignante en adaptation scolaire auprès d’élèves en difficulté d’apprentissage, elle a été présidente du Syndicat de l’enseignement du Bas-Richelieu durant neuf ans. Elle milite au sein du mouvement syndical depuis plus de 30 ans.

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