Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet du 24 août

Le retour des carrés rouges

Mardi à Montréal, on était plusieurs dizaines de milliers dans la rue pour faire le 22 du mois, comme d’habitude. Il y avait la multitude bigarrée des derniers mois, avec une nette dominante étudiante. Dans plusieurs assemblées étudiantes en effet, on a eu l’intelligence d’accepter la pause, mais sans capitulation ni reniement et donc en appelant les étudiants à participer massivement aux mobilisations. Quant à la confrontation directe avec le gouvernement, c’est tout simplement « partie remise ».

Une bataille comme celle des carrés rouges ne se mène pas sur une ligne droite, n’en déplaise à quelques sectes qui se présentent toutes plus « radicales » les unes que les autres. Une bataille, c’est un chemin sinueux. Ce sont des moments d’avancées, mais aussi de reculs. Les dominés savent que les dominants sont puissants et que très souvent, on les a à l’usure, en calculant, en sachant quand et où frapper. Excusez le langage « militaire », mais la lutte sociale, c’est un peu comme une guerre. Des gens parfois bien intentionnés pensent qu’on se bat toujours pour le tout pour le tout. On voit cela dans la pensée de Francis Dupuis-Déry par exemple, par ailleurs un jeune homme fort intelligent pour qui l’idée d’une pensée stratégique et cohérente est dangereuse.

En soi, la défaite n’est ni inévitable ni héroïque. La défaite par ailleurs n’est pas toujours la faute des autres, des dominants. La défaite vient aussi de mauvais choix, d’une incapacité souvent de trouver le bon chemin, ce qui implique de réconcilier les divers intérêts qui existent au sein des dominés (au lieu de les exacerber). La lutte, c’est l’art de démêler tout cela et d’identifier le chemin escarpé et changeant. Parlant d’art, les militantEs étudiants de la « génération de 2012 » en sont passéEs maîtres.

Ce qu’il y a d’exaltant dans le moment présent est que ces mobilisations convergent avec toutes sortes de revendications sociales et avec ce qu’on pourrait appeler une « sensibilité », une atmosphère de changement. Dans cela, les carrés rouges occupent une place très importante. Pour autant, les mobilisations ne sont pas surgies comme un lapin d’un chapeau. Elles résultent de mouvements et de processus organisationnels en cours depuis plusieurs années. Ce n’est pas de dénigrer les carrés rouges que de dire cela.

Également, l’atmosphère actuelle relève d’autres espoirs et revendications, dans des secteurs comme l’environnement par exemple. Il ne fait pas sous-estimer par ailleurs le travail de fourmi de Québec Solidaire, qui dépasse les 10 000 membres maintenant, et qui pourrait faire une percée, surtout si tout le monde se met ensemble. Le 5 septembre pourrait ouvrir un nouveau cycle, relancer les luttes. Si la droite s’empare du pouvoir (PLQ ou CAQ c’est du pareil au même), il faudra leur faire face et on pourra s’attendre à des confrontations très dures.

Mais le mouvement semble avoir assez de profondeur pour résister. Si le PQ gagne, on souhaite bonne chance à Pauline Marois qui promet tout et son contraire, mais qui n’est pas capable de rompre avec le point de vue « lucide » qui domine ce parti depuis longtemps. À ce moment, le mouvement social pourra reprendre le flambeau et ne pas attendre de vagues promesses pour la semaine des 4 jeudis. Avec des députés solidaires à l’Assemblée nationale, on aura des appuis et des porte-voix de talent. Le lendemain matin, on sera encore dans la rue avec nos carrés rouges.

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