Sol Zanetti a bénéficié du ralliement des indépendantistes du parti — notamment des ancien·nes militant·es d’Option nationale — ainsi que de figures comme Ruba Ghazal, qui partage avec lui une vision d’une indépendance ouverte et inclusive. La majorité des membres qui ont voté pour Sol Zanetti y ont sans doute vu un moyen de réaffirmer le projet indépendantiste comme préoccupation essentielle du parti.
Cette élection se traduira donc par un renforcement de la place de l’indépendance dans le profil et la communication de Québec solidaire. Dans le contexte des élections à venir et de la perspective d’un éventuel référendum, le choix des membres visait à replacer Québec solidaire au centre d’un champ politique redéfini par la question nationale.
Son discours d’inauguration
Le discours inaugural de Zanetti a insisté sur l’indépendance comme projet démocratique, social et inclusif, ouvert aux personnes immigrantes et aux nations autochtones, rompant ainsi avec la tradition souverainiste du PQ, fondée sur une conception plus fermée de l’identité québécoise. Ruba Ghazal a repris cette ligne et a formulé une critique bien sentie des propos de PSPP sur la prétendue responsabilité des personnes migrantes dans les maux vécus par la société québécoise.
Ces interventions ont déjà provoqué un conflit ouvert avec le Parti québécois, sur le terrain même de l’indépendance. PSPP a accusé Québec solidaire de chercher à diviser la société québécoise et de nuire à la cause indépendantiste. De nombreux péquistes ont relayé ces attaques sur les médias sociaux.
En même temps, cette première escarmouche réintroduit la centralité de la question de l’indépendance du Québec dans le discours de Québec solidaire, après plusieurs années où elle avait été marginalisée au profit d’enjeux sociaux souvent définis de manière étroite. La campagne électorale de 2022 avait pratiquement écarté la question de l’indépendance.
Ce porte-parolat Ghazal–Zanetti peut-il redéfinir la politique et le profil de Québec solidaire ?
L’enjeu pour le nouveau porte-parolat sera de transformer le discours sur l’indépendance en un projet politique concret, articulé à la transition écologique, à la justice sociale, à la refondation démocratique et à la rupture avec l’impérialisme. Cela nécessitera une vision stratégique claire, une démarcation sans concession face au projet péquiste et une capacité à se lier aux différents mouvements sociaux antisystémiques.
« Un Québec indépendant devra aligner ses politiques économiques et militaires sur celles des États-Unis, malgré la guerre tarifaire menée par Donald Trump », croit Paul St-Pierre Plamondon. Contrairement au premier ministre canadien, Mark Carney, le chef péquiste ne compte pas tourner le dos au voisin américain en cas de victoire du Oui. D’une part pour « favoriser la stabilité » du nouvel État indépendant, d’autre part en raison de sa situation géographique. « Il y a un contexte géopolitique et nos intérêts, au Québec, sont alignés sur ceux des États-Unis », a-t-il déclaré jeudi en dévoilant les premiers éléments de son Livre bleu sur un Québec souverain. [1]
L’indépendance proposée par PSPP n’est pas une indépendance véritable : le Québec demeurerait assujetti aux politiques de l’empire américain et à celles de l’État canadien. Ce serait une indépendance croupion.
À l’inverse, une indépendance pleine et entière devrait s’enraciner dans la souveraineté du peuple, non seulement sur le plan constitutionnel, mais aussi sur les plans économique, écologique, démocratique et culturel. Elle devrait affirmer le droit à l’autodétermination des nations autochtones, rompre avec les logiques néolibérales et impériales, et ouvrir la voie à l’institution d’une république démocratique, solidaire, écologiste et décoloniale — une république du peuple pour le peuple, libre des tutelles du capital et des empires.
Conclusion : un tournant à saisir
Le choix de Sol Zanetti par les membres de Québec solidaire traduit une volonté de réorientation stratégique afin de remettre le projet d’indépendance au centre de la stratégie politique du parti et de replacer celui-ci au cœur d’un champ politique où la question nationale redevient un enjeu essentiel. Mais ce tournant ne prendra sens que s’il s’accompagne d’une repolitisation du parti lui-même : formations sur les enjeux de l’indépendance, explication de la nécessité que la lutte pour une majorité indépendantiste soit portée par un projet de société égalitaire, féministe, écologiste et décolonial.
Le nouveau porte-parolat de Québec solidaire devra relever un défi crucial : rendre le projet solidaire clair, intelligible et convaincant, en démontrant sa nécessité face au projet péquiste d’une indépendance croupion — une indépendance qui ne remettrait pas en cause le Québec néolibéral ni son intégration au cadre géopolitique nord-américain actuel. Il s’agira donc d’affirmer une alternative nette : s’opposer à cette indépendance sans rupture réelle et défendre un projet de société porteur d’une véritable libération nationale, fondée sur la souveraineté populaire et la justice sociale. Il faudra également redéfinir clairement la stratégie de lutte pour une majorité indépendantiste et le caractère essentiel de la perspective de constituante, qui a été remise en cause par l’abandon d’une option claire de sa mise en place lors d’une élection au suffrage universel au dernier congrès. Le pire abandon serait de faire croire qu’une victoire du PQ pourrait constituer une voie royale vers le référendum et vers l’indépendance. Il est des illusions qu’il faudra éviter de nourrir. Reconstruire la pertinence du projet de Québec solidaire pour l’indépendance impliquera de surmonter une série d’obstacles. Comme l’a rappelé Sol Zanetti dans son allocution au congrès : « Il n’y en aura pas de facile. »











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