Édition du 30 avril 2024

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Les Républicains veulent empêcher les membres de minorités et les jeunes de voter en novembre prochain

La lutte pour le contrôle du Sénat pourrait cette année mener à des poursuites en cours au sujet du droit de vote.

Mother Jones, 8 octobre 2014,
Traduction, Alexandra Cyr,

Tous les candidats et toutes les candidates sont en train de travailler dûr pour faire « sortir le vote ». Mais dans plusieurs États, les législatures travaillent tout aussi dûr pour rendre opérationnelles des restrictions au droit de vote adoptées antérieurement et qui pourraient empêcher plusieurs électeurs-trices tout simplement de voter. Cet état de fait aura une influence indéniable là où les courses sont les plus serrées et pourrait, en fin de compte, déterminer quel parti gagnera le contrôle du Sénat.

D’une certaine manière, on peut tenir M. Obama pour responsable de ce résultat. En 2008, son historique campagne a amené un nombre record d’électeurs-trices dans les bureaux de vote, du jamais vu depuis 40 ans. Cette spectaculaire augmentation a été le fait des gens de couleur, des Hispaniques et des jeunes qui ont voulu voter pour le parti Démocrate. Pas étonnant, que les gouverneurs-es et les législatures dominés par les Républicains-nes y ont vu un problème. Ils et elles ont introduit une foule de nouveaux obstacles au vote en visant ces minorités.
Selon le Brennan Center for Justice, 22 États ont adopté des mesures de restrictions du droit de vote depuis 2010. Dans certains États, comme la Floride, de telles mesures se sont appliqué avant l’élection (présidentielle) de 2012. On y a vu des files d’attentes si longues que plus de 200,000 personnes sont parties sans voter. Alors que le nombre d’inscrits-es avait augmenté de 8 millions nationalement, moins d’électeurs-trices ont effectivement voté en 2012 qu’en 2004. Les nouvelles restrictions s’appliqueront dans 15 États le 4 novembre lors de l’élection fédérale de mi-mandat.

La plupart de ces nouvelles lois ont pu être adoptées dans la foulée du jugement de la Cour Suprême de 2013, le jugement Shelby County contre Holde. Ce jugement, essentiellement, déclare que le racisme n’existe plus. Il a annulé une provision fondamentale de la loi sur le droit de vote, qui obligeait certains États, particulièrement dans le Sud, à demander l’approbation du Ministère de la justice (fédéral) pour modifier leur code électoral. Les États ayant une majorité républicaine, (l’opposition au niveau national n.d.t.) et une grande population appartenant aux minorités ont immédiatement commencé à introduire des législations restreignant le droit de vote, ce qu’ils n’auraient pu faire sous l’ancienne loi fédérale. Au cours des mois qui ont suivi ce jugement, 6 des États qui étaient soumis à l’ancienne loi, en ont adopté de nouvelles qui, selon les critiques, introduisent de réelles difficultés pour que les minorités puissent voter.

On y trouve une diminution des heures d’ouverture des bureaux de vote, des restrictions pour la validation de la qualité d’électeur-trice grâce au permis de conduire, l’exigence de produire une carte d’identité produite par un gouvernement, ou une preuve de citoyenneté. Toutes ces lois et règlementations ont été adoptées sous le prétexte de contrer la fraude électorale, d’assurer l’intégrité du vote mais sans que jamais aucune preuve de problèmes de cet ordre ait été présentée.

Elles s’appliqueront toutes à la prochaine élection de novembre. Plusieurs devraient être contestées devant les tribunaux. Mais comme les jugements ne sont pas prêts d’être déclarés, ces restrictions vont avoir une influence certaine là où les campagnes sont les plus serrées. Certains États, dont le Texas, l’Ohio, le Wisconsin, l’Arkansas, et la Caroline du Nord, ont des démarches en cour pour faire déclarer le caractère constitutionnel de ces législations même s’ils ont déjà mis à la poste les bulletins pour le vote anticipé ou sont sur le point de le faire. La Cour Suprême s’est déjà saisie de la cause de l’Ohio et on lui demande d’intervenir d’urgence dans celle du Wisconsin [1].

Voici des exemples de courses chaudement disputées où les lois restrictives sont encore contestées devant les tribunaux mais où elles pourraient jouer un rôle important voire déterminant sur la manière dont les élections se passeront cette année [2].

La Caroline du Nord : Cet État a adopté les lois parmi les plus restrictives au pays. Elles visent, de toute évidence, à empêcher les Afro-Américains-es et les pauvres de voter. Au cours de l’été, les législateurs-trices républicain-es ont rassemblé pratiquement toutes les mesures restrictives votées ailleurs dans le pays pour bloquer le vote des minorités, en ont fait un paquet et les ont adoptées en une seule loi. Cette loi comporte des provisions limitatrices quant à l’identification des électeurs-trices, des restrictions pour le vote anticipé, et des limites à l’inscription. Elle met fin à l’inscription le jour du vote et étend les possibilités données aux « surveillants-es » des bureaux de vote de harceler les électeurs-trices à propos de leur éligibilité. Plus de la moitié des résidents-es de l’État et 70% des électeurs-trices afro-américains-es s’y sont prévalus-es du vote anticipé en 2008 et 2012. Lors des dernières élections de mi-mandat, 200,000 personnes ont voté au cours des sept jours de vote anticipé. Cette provision est maintenant éliminée. 20,000 autres s’étaient prévalues de l’inscription le jour du vote.

La League of Women Voters et des groupes de défense des droits civiques poursuivent l’État afin que cette loi ne puisse s’appliquer à l’élection de cette année. Ils invoquent que la loi discrimine les Afro-Américains-es et la loi fédérale sur le droit de vote ; qu’elle crée des difficultés inconstitutionnelles au droit de vote. Le ministère de la justice (fédéral) est intervenu en faveur des groupes de défense des droits civiques.

La course électorale est particulièrement serrée cette année. Un siège à sa cour suprême doit être comblé. Le siège de l’ancien représentant démocrate, M. Mel Watt’s est en jeu ce qui n’est pas arrivé depuis longtemps. Et la course pour le siège sénatorial entre la démocrate en place, Kay Hagan et le candidat républicain Thom Tillis, en ce moment président de la Chambre des représentants de l’État qui a appuyé la loi sur les restrictions au droit de vote l’an dernier, est on ne peut plus serrée.

Les Afro-Américains-es représentent 15% de l’électorat de Caroline du nord. Donna Brazile, vice-présidente du comité démocratique pour l’enregistrement des électeurs-trices, soulignait récemment qu’un seul point de pourcentage dans le vote pourrait déterminer la victoire ou la défaite de Mme Hagan.

En août, un juge a décidé, après un procès, que la loi devait s’appliquer. Mais le premier octobre, une cour d’appel fédérale a rétabli la possibilité de l’inscription le jour du vote mais a maintenu les restrictions au vote anticipé. Elle a aussi indiqué qu’il ne s’agissait pas là d’une réponse finale, que les groupes responsables de la poursuite pourront défendre leur point de vue plus fondamentalement dans un procès à venir.

Le Wisconsin : Les poursuites contre la loi restreignant le droit de vote sont en cours. Cela pourrait influencer les chances du gouverneur Scott Walker de se faire réélire. En 2011, la législature républicaine de cet État a adopté une loi exigeant que les électeurs-trices présentent une carte d’identité émise par un gouvernement pour pouvoir voter. En 2008, la Cour Suprême avait approuvé une loi semblable en Indiana arguant que cela n’empêcherait aucun électeur-trice de s’inscrire. Ce jugement a déclenché l’adoption d’une série de lois semblables dans d’autres États.

L’American Civil Liberties Union (ACLU) et d’autres groupes pour les droits civiques ont poursuivi le Wisconsin en contestant la loi de 2011 sur les preuves d’identité. Lors d’un procès, preuve a été faite que plus de 300,000 électeurs-trices ne possédaient pas les cartes d’identité requises principalement parmi les minorités. En avril dernier, une juge d’une cour fédérale de district, a statué que cette loi viole la loi fédérale sur le droit de vote et que le nombre de personnes qui n’ont pu s’inscrire faisait le poids face aux possibilités de fraude qui pouvaient d’ailleurs être prévenues. La preuve de telles fraudes n’a pu être établie à la satisfaction de la juge. Elle avait aussi statué que cette loi ne pouvait être appliquée avant les élections de cette année.

Mais début septembre courant, une cour d’appel fédérale a renversé ce jugement. Cette dernière décision a créé un véritable chaos dans tout l’État ; environ 12,000 bulletins de votes par anticipation avaient déjà été expédiés sans aucune mention d’exigence quant à la carte d’identité. L’ACLU a inscrit une demande de jugement d’urgence à la Cour Suprême en vue de bloquer l’application de cette loi à l’élection de novembre prochain.

L’OHIO : En 2004 cet État est devenu célèbre pour ses longues files d’attente d’électeurs-trices debout sous la pluie pendant des heures pour pouvoir voter. Pour résoudre le problème l’État a publicisé le vote par anticipation, a étendu la possibilité du vote en cas d’absence le jour des élections et d’autres réformes. En 2008, la plupart des problèmes étaient résolus et l’élection de cette année là s’est passée sans remous.

Mais ces nouvelles dispositions ont attiré une nouvelle fraction d’électeurs-trices : des jeunes gens, des membres des minorités, des pauvres. Jusque là, explique l’ACLU, c’étaient des électeurs-trices de la classe moyenne et supérieure qui connaissaient cette possibilité et s’en prévalaient. C’étaient des gens plus âgés, plus proche de la droite du centre. Personne n’y voyait de problème. Mais en 2008, soudainement, les politicien-nes ont décidé que le vote par anticipation était problématique, toujours selon l’ACLU.

En 2011, la législature de l’État a adopté une loi pour mettre fin à ce qui est désigné comme la « semaine dorée ». C’était une période durant laquelle les citoyens-ennes pouvaient s’inscrire sur la liste électorale et voter le jour même. Les groupes d’opposition à cette loi ont réussi à inscrire son renversement sur la liste des référendums mais l’État a retiré sa loi avant que le référendum ne soit tenu. Plus tard en 2012, le secrétaire républicain de l’État, M. Jon Husted, a réduit de trois jours la période du vote par anticipation sauf pour les militaires. L’administration Obama a poursuivi l’État et réussi à rétablir ces trois jours.

Cette année, la législature sous majorité républicaine a encore adopté une loi bannissant la « semaine dorée » et M. Husted a en plus imposé des restrictions sévères à ce qui reste du vote par anticipation. (Entre autre le bannissement du vote les dimanches). Ces restrictions ont été contestées en cour par l’ACLU et d’autres groupes luttant pour les droits civiques. Début septembre dernier, une cour a rétabli la fameuse semaine et ce jugement a été renforcé par une cour d’appel fédérale le 25 septembre. Mais, quatre jours plus tard, la veille du début de la « semaine dorée », la Cour Suprême est intervenue en y mettant fin de même qu’au vote le jour même de l’inscription au moins d’ici à ce qu’une audition en cour ait lieu.

Cela signifie que le résultat de l’élection du 4 novembre, en Ohio, n’est pas du tout assuré. Mais une chose est claire : si ces restrictions sont en vigueur, un grand nombre de personnes ne pourront pas voter. En 2012, 150,000 personnes s’étaient prévalues du vote par anticipation. L’enjeu dans cet État, cette année est de voir avec quelle majorité les Républicains-nes vont gouverner. En ce moment, la majorité absolue leur est acquise mais seulement avec une seule voix de majorité.

Les artisans de ces législations invoquent qu’il n’y a aucune partisannerie dans leur action. Mais pour l’ACLU, l’argument ne tient pas : quand des États comme l’Ohio et la Caroline du Nord adoptent des lois qui facilitent l’exercice du vote puis les annulent après que les populations s’en soient prévalues, cela nous rends tous suspicieux-euses.


[1Elle a invalidé les restrictions du Wisconsin au cours de la semaine du 12 octobre.

[2Aux États-Unis, les États sont responsable de l’administration de toutes les élections, même les fédérales. N.d.t.

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