Édition du 11 novembre 2025

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Féminisme

Les conditions de stages : qu’en pensent les stagiaires dans des programmes majoritairement féminins ?

La FFQ conduit une analyse de besoin sur les conditions de stages dans le cadre du projet La valorisation genrée des stages étudiants par de meilleures conditions, financé par Femmes et Égalité des genres Canada. Celle-ci vise à cerner les difficultés auxquelles sont confrontés les stagiaires qui étudient dans des domaines à prédominance féminine, où les stages sont obligatoires pour l’obtention du diplôme. Voici les principaux constats ressortant d’entretiens individuels et de groupe réalisés dans les derniers mois auprès de stagiaires provenant principalement de programmes universitaires ou collégiaux en relation d’aide, en éducation et en santé.

Principaux défis rapportés lors d’entretiens individuels

Durant l’été 2025, dix entretiens individuels ont été réalisés dans le but de faire ressortir l’expérience individuelle des stagiaires et de comprendre les effets des conditions de stage sur leur parcours étudiant et leur vie personnelle et sociale. Trois défis se dégagent de ces entretiens. Ceux-ci concernent : la qualité de la supervision, les conséquences de la non-rémunération et l’insuffisance de cadre, de clarté et d’uniformité des conditions de stage.

La supervision : une grande influence sur la qualité du stage

À la lumière de ces entretiens, la supervision reçue par le milieu de stage ou l’école est nommée comme étant le principal défi pour nos participantes (7 sur 10). La majorité d’entre elles indiquent avoir « manqué de soutien », avoir « trop d’autonomie » ou n’avoir pas suffisamment de rétroaction pour pouvoir s’améliorer. À ce sujet, une étudiante précise se sentir « plus dans un contexte de travail que d’apprentissage », alors qu’une autre révèle que sa superviseure avait l’attente qu’elle soit déjà intervenante et oubliait qu’elle était étudiante.

Plusieurs stagiaires rapportent aussi trouver difficiles de nommer leurs besoins ou difficultés à la personne qui les supervise en raison de la « position d’autorité » et « d’évaluation » de cette dernière. Elles craignent que ça joue dans la perception de leurs compétences et que ceci nuise à la complétion de leur stage. En outre, plus de la moitié de nos enquêtées révèlent avoir vécu des difficultés, des malaises ou des abus dans la relation avec leurs superviseur·e·s. Certaines ajoutent ne pas s’être senties à l’aise ou légitime d’intervenir en raison de leur statut de stagiaire.

Être non-rémunérée : un sentiment d’insécurité, de démotivation et d’injustice

Si la plupart des stagiaires ont bénéficié du Programme de bourses Perspective Québec, presque l’entièreté d’entre elles n’ont pas été rémunérées pour la réalisation de leur stage. Seules deux personnes affirment avoir reçu une petite compensation, n’équivalant aucunement au salaire minimum. En raison de la non-rémunération de leur stage, 7 participantes sur 10 indiquent vivre de la précarité ou de l’insécurité financière. De plus, considérant leurs stages très intenses, de nombreuses participantes jugent difficile de le concilier avec un emploi, leurs études et leur vie personnelle et sociale.

Ayant l’impression d’effectuer « un travail gratuit » et ne sentant pas que leur travail effectué dans leur milieu de stage soit reconnu à sa juste valeur, plusieurs stagiaires nomment également avoir un sentiment de « démotivation » ou de « dévalorisation » à l’égard de leurs études ou de leur profession. Enfin, des participantes trouvent injuste de ne pas être payées pour leurs stages comme c’ est le cas dans les programmes majoritairement masculins.

« J’ai l’impression qu’il y avait un manque de reconnaissance dans qu’est-ce qu’on doit faire dans notre stage et qu’on n’est pas juste là pour faire de l’observation […], on aide aussi au fonctionnement du milieu. »

Insuffisance de cadre : des conditions de stage variables, non-claires et précarisantes

Les entretiens réalisés mettent de l’avant le manque de cadre entourant les conditions de stage. Ces dernières seraient variables selon l’école et le type de milieu. Par exemple, les participantes rapportent que l’accompagnement qu’elles reçoivent et l’évaluation du stage varient souvent en fonction de la personne enseignante ou superviseure. De plus, la charge de travail est parfois différente selon le milieu de stage pour des étudiantes d’une même classe.

Par ailleurs, le manque de clarté sur les directives, les exigences et le fonctionnement des stages ressort des propos des participantes. Quelques-unes indiquent ne pas savoir où aller chercher l’information sur les politiques, les couvertures et les contrats concernant leur stage. D’autres nous informent que les attentes et les obligations entre le milieu de stage et leur intuition scolaire ne sont pas claires ou disent se sentir pris entre leurs exigences différentes.

Finalement, nous constatons le manque de protection en cas de conflits ou difficultés durant les stages. Plusieurs stagiaires ignorent à qui se référer lorsqu’un problème survient. Beaucoup de participantes nomment aussi avoir l’impression que leur bien-être n’est pas considéré durant leur stage.

« On se faisait dire ‘’fais attention tsé, il ne faut pas trop nommer ça [les difficultés vécues dans le milieu de stage], parce que ça pourrait mettre en péril ton stage’’. »

Constats d’entretiens de groupe faisant ressortir des éléments intersectionnels

Afin de bonifier nos réflexions sur les conditions de stage et de faire ressortir des éléments intersectionnels, chose qui manquait dans la littérature, nous avons réalisé 3 entretiens de groupes composés de : 1. stagiaires en situations de handicap  ; 2. stagiaires racisées et/ou issues de l’immigration  ; 3. stagiaires parentes et/ou proches aidantes. Les analyses de ces entrevues sont en cours, mais nous vous proposons, dans les prochaines lignes, un bref survol de certains constats préliminaires.

Ne pas divulguer sa situation de handicap pour ne pas être vue comme un fardeau durant le stage

Il ressort du groupe composé par des stagiaires en situation de handicap que ces dernières n’osent pas toujours demander d’accommodement à leur institution pour ne pas être perçues comme un « fardeau » ou par peur de la « stigmatisation » associée à leur situation. De plus, s’il semble avoir une certaine « acceptance théorique » associée à leur diagnostic, il est plus difficile pour les participantes de sentir que leurs besoins réels et l’impact du diagnostic sur leurs comportements soient bien compris par leurs milieux de stage. Ce faisant, il est ardu pour leur équipe de travail de bien s’adapter à leurs situations.

« J’aurais pu m’essayer de faire un aménagement, mais il aurait fallu que j’explique une longue liste de troubles puis considérant quand ça m’a pris beaucoup de temps trouver un stage, puisque j’avais peur de le perdre et que je n’avais pas envie d’être un fardeau […]. »

Des domaines d’études peu accessibles pour des personnes racisées et/ou issues de l’immigration

Les participantes du groupe représenté par les personnes racisées et/ou issues de l’immigration indiquent également que leurs domaines d’études sont peu accessibles pour elles car leurs stages sont non rémunérés. En effet, ces stagiaires disent ne pas pouvoir bénéficier des mêmes outils que les autres étudiantes puisqu’elles reçoivent peu de soutien de la part de leurs parents ou parce que ces derniers sont peu scolarisés. Une participante dit, d’ailleurs, ressentir un sentiment d’imposture comme première personne faisant des études supérieures dans sa famille, tout en ayant la pression de bien performer, parce que l’avenir des enfants est souvent un projet migratoire des parents immigrants.

« Depuis le début de mon parcours scolaire, que ce soit au baccalauréat ou que ça soit au début de mon doctorat et pendant les stages, je trouve que c’est très inaccessible en fait comme milieu pour les personnes racisées étant donné la non-rémunération, le fait que tu es très occupé et que tu ne peux pas faire d’autres choses. »

Difficile conciliation travail-famille-étude pour les stagiaires parentes et/ou proches aidantes

Du côté du groupe formé par les stagiaires parentes et/ou proches aidantes, celles-ci nomment que les stages diminuent leur temps disponible pour s’occuper des personnes à leur charge. De plus, leurs contraintes d’horaire ne sont pas toujours prises en compte lors de l’arrimage à un milieu de stage. Plusieurs de ces participantes affirment se sentir très fatiguées, en raison de la surcharge de travail.

« J’ai des enfants avec un conjoint en arrêt de travail, je n’ai pas les mêmes conditions que les autres étudiants. Moi, j’arrive chez moi, il y a une deuxième job qui m’attend, mes études à faire, etc. »

Suite du projet : sondage, recommandations et stratégie déployée

Pour compléter les entretiens individuels et collectifs, un sondage auprès d’acteurs et d’actrices occupant des emplois reliés aux stages étudiants est en cours.

Par la suite, des recommandations seront émises en concordance avec les résultats de nos différentes méthodes de recherche. Ces recommandations serviront de base pour la création d’une stratégie qui sera mise en place au sein d’établissements d’enseignement, à l’aide d’une concertation d’actrices et d’acteurs clés.

Vous êtes intéressé·e·s à faire partie de cette concertation  ? Contactez : concertationstage@ffq.qc.ca

Vous souhaitez en savoir plus sur l’analyse de besoin ? Communiquez avec : recherchestage@ffq.qc.ca

Plus de détails sur la recherche viendront dans les prochains mois, restez à l’affût via notre infolettre et nos réseaux sociaux !

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