Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Montréal

L'injuste stigmatisation de la nouvelle commissaire à la lutte contre le racisme

La stigmatisation et les politiques clivantes se portent bien et elles sont maintenant de bon ton dans les médias. Même Brian Myles, l’éditorialiste en chef du Devoir, y a ajouté sa contribution.

La Ville de Montréal a décidé de créer un nouveau poste de commissaire à la lutte contre le racisme. Une première, un nouveau poste qui a pour objet d’enquêter et de répondre au racisme systémique présent partout dans la société. Comme le mentionnait à juste titre Frédéric Bédard dans le journal Métro, Mohammed Hage possède-t-il autant de chances d’être convoqué en entrevue que Vincent-Alexandre Pitre-Tremblay ? Nour Awada trouvera-t-elle aussi aisément un logement que Nancy Beaudoin ? Dieudonné Adrien ne risque-t-il pas davantage d’arrestations policières arbitraires que Kévin Arcand ?

Le choix de Bochra Manaï tombe sous le sens. Une femme qui possède toutes les qualifications requises, un doctorat en études urbaines, deux maîtrises, dont une en relations interethniques, et une expérience sur le terrain remarquable.

Mais les opposants ne visent pas l’efficacité, aucun d’eux n’a apporté d’arguments concernant de meilleures candidatures pour effectuer ce travail. Non la question est strictement politique. On est encore dans le eux et nous. Le fait de s’être opposée à la loi 21 et d’avoir représenté un organisme qui s’y opposait en fait une cible. On tire sur la messagère. Pour prendre un exemple est-ce qu’on a fustigé les avocats qui ont défendu récemment des hommes accusés d’agressions sexuelles ? Est-ce qu’on fait des amalgames avec les personnes qu’ils ont défendues ? Bien sûr que non.

Dans le cas présent on a eu droit aux offensives de Jean-François Lisée qui avait utilisé la peur de l’islam à des fins politiques (des femmes portant la Burka pouvaient cacher des AK47), de Bernard Drainville, porteur du projet de loi portant sur la charte des valeurs, des différents défenseurs de la loi 21 dont le premier ministre Legault qui nie de surcroit l’existence du racisme systémique. Toutes des personnes qui se prétendent objectives.

On devrait en fait s’inquiéter des comportements islamophobes et des campagnes d’exclusion auxquels le monde fait face et dont le Québec ne fait pas exception.

Lors de la récente campagne électorale fédérale, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchette avait dû rappeler à l’ordre quatre de ses personnes candidates qui avaient tenu des propos racistes. L’une d’entre elles, Caroline Desbiens (Beauport—Côte-de-Beaupré—Île d’Orléans—Charlevoix) est actuellement députée et on a entendu bien peu de ceux qui aujourd’hui déchirent leur chemise, contester sa légitimité et son manque d’objectivité pour les fonctions qu’elle occupe. Elle disait craindre que les femmes soient bientôt obligées de se mettre un voile sur la tête pour aller faire des courses au IGA sous peine de se voir jeter en prison.Elle avait aussi vanté la leader de l’extrême droite en France, Marine Le Pen, qui défend des positions anti-immigration et islamophobes. Encore récemment le Bloc québécois a laissé entendre que le nouveau ministre canadien des Transports, Omar Alghabra, était associé au « mouvement politique islamique ».

Le PQ n’est pas en reste, Paul St-Pierre Plamondon s’inquiète de voir cette nomination « diviser » davantage la population. « Clairement, l’administration de la Ville a décidé d’utiliser des deniers publics pour imposer son idéologie, ce qui divisera davantage ».

À ceux et celles qui tentent d’effacer l’histoire il est important de rappeler que de nombreuses personnes et organismes avaient pris position publiquement contre le projet de loi 21 dont le Centre Justice et Foi, la Fédération des Femmes du Québec, la CSN , l’Association des juristes progressistes, la Commission des droits de la personne, la Ligue des droits et libertés, Amnistie internationale Montréal, la Fondation Paroles de femmes, le Conseil régional FTQ du Montréal métropolitain et Québec solidaire.

Safa Chebbi, de la Table de concertation contre le racisme systémique affirmait lors d’une conférence de presse que « la négation du racisme ou de l’islamophobie au Québec est un déni de la réalité de plusieurs Québécois et Québécoises. Et si on est arrivé ici aujourd’hui, c’est parce que l’islamophobie est devenue criante et acceptable dans notre société ».

Sans oublier Charles Taylor lui-même qui est revenu sur cette décision qu’on a appelé le compromis Bouchard-Taylor. « Les choses ont bien changé depuis, et ce n’est plus mon opinion », expliquait-il en février 2017, le contexte sociopolitique a changé depuis l’attentat commis à la grande mosquée de Québec, qui a donné lieu à une « explosion de solidarité et de reconnaissance mutuelle entre les Québécois de toutes origines ».

Ne pas contester juridiquement ne fait pas en sorte que ces personnes et organismes ainsi que des milliers d’autres comme moi aient abdiqué. Comme bien d’autres lois, la loi 21 est injuste en plus d’être discriminatoire, l’outil d’une politique clivante dont on voit les effets perdurer.

Ce procès d’intention public contre une femme de surcroit racisée, n’a rien à voir avec ses positions personnelles ou son passé. Il relève d’un positionnement politique dont les tenants n’acceptent pas qu’il soit contesté, dans ce monde où le racisme systémique, prétendent-ils, n’existe pas.

Tous et toutes avec Bochra !

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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