Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Pacte tactique dans la salle près de chez vous !

Telle qu’on nous l’a présentée, la question des pactes tactiques ressemble à un de ces mauvais films digne de l’usine à succès "hollywoodienne". Rien n’y manque, y compris les rebondissements qui terrorisent : Mr Khadir a dû approcher la moitié du caucus du PQ, deux députés du PQ ont approché le député solidaire... et ce, malgré tous les drames que vivent les travailleurs québécois.

Mais l’espoir demeure. Sur le devant de la scène, stupéfaite et concentrée comme dans un film catastrophe digne de Indépendance Day, la petite escouade des politiciens, les Charest, Legault et Marois veulent "Sauver le Québec ! ". Ce noble cri humanitaire et démocratique jaillit de toutes les poitrines politiques. Pour les acteurs directs du film, c’est-à-dire les riches et leurs servants, le tout se joue dans l’assemblée nationale l’antre par excellence de "l’opportunisme parlementaire".

Tournons notre regard sur les spectateurs de ce show, la foule désabusée qui entend comme un vacarme lointain les discours de ses politiciens. En se détournant de l’écran de cinéma pour considérer la masse invisible, celle que les élites traitent avec tant de condescendance, on comprend vite la mascarade politicienne. Le peuple ne croit pas dans les films catastrophes encore moins dans les dénouements en "happy ends". Pour lui, ce n’est qu’un leurre, mais bien sûr, il aura toujours des experts pour nous parler du cynisme ambiant...

Il n’y a donc rien de "réel" dans le discours politicien, tout ce qui importe c’est la prochaine élection et le nombre de députés élus. Face à cette échéance, Québec solidaire se doit d’avoir tant d’élus quitte a pactisé avec... je pense que cette position pose problème car QS se voulait être une alternative à ce spectacle désolant. Pour une fois qu’une partie se voulait portée par des idéaux plus importants que la simple rhétorique électoraliste...

Laissons au film comme métaphore sa force symbolique. Peut-on encore oser, face à la vie des gens qui le regardent vanter ce système qui remet l’organisation de la vie collective à la cupidité, la rivalité, l’égoïsme et d’autres pulsions encore plus basses ? Peut-on faire l’éloge d’une "démocratie" où les dirigeants sont si impunément les servants des puissances économiques ? Marx lui-même ne qualifiait pas les gouvernements comme "fondés sur le pouvoir du capital" ?

Face à ce constat, on peut bien sûr avoir des objections assez simples et connues de longue date : QS divise le vote progressiste. Comment peut-on considère le PQ comme progressiste alors que son discours néolibéral pousse les travailleurs à la résignation face à la toute puissance des entreprises et la domination de la finance mondialisée. La seule chose que QS aurait à gagner d’un pacte avec le PQ c’est un rôle de soutien comme "idiot utile" du capital. On espère de cette affaire qu’elle serve de leçon aux dirigeants de QS pour qu’il soit la voie du peuple québécois et non celui des banquiers, des gouvernements et des journaux qui les servent.

Pour se sortir de ce spectacle de mauvais goût, on doit effectuer un retour du réel. Une telle démarche se veut clairement politique. Comme le film l’a montré, le fétiche de "l’électoralisme" n’est qu’au service des forces du capital. Il convient donc de commencer à organiser une politique d’une nature différente. L’appareil qui peut remplir au mieux une telle mission n’est autre qu’un parti des travailleurs. Ce dernier sera sans doute longtemps à distance de la conquête du pouvoir d’Etat, mais qu’importe. Ce parti va être proche du réel des gens ordinaires.

Telle est la vision que je me fais de QS, une alliance pratique des gens les plus immédiatement disponibles pour inventer une alternative politique. Le moteur de ce changement, on peut le voir à travers ces travailleurs prolétarisés, qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs et des intellectuels héritiers des batailles politiques des dernières décennies.

Pour s’établir en tant que tel, QS ne doit avoir aucun rapport organique avec les partis existants souverainistes ou autre. Il doit être le porte-parole de ceux qui n’ont rien. Sa capacité politique et son potentiel de proposer de nouvelles idées vont la mener à la victoire.

Le second point qui me semble important dans ce retour au réel est celui des idéaux. Nous voyons très clairement aujourd’hui que cette prétendue polémique n’a d’autre réalité qu’un mot d’ordre électoraliste. Rien n’est plus important que de retrouver les idéaux supérieurs qui ont permis aux générations passées d’espérer transformer le monde. Au spectacle malsain que nous offrent nos politiciens, nous opposons le réel de l’existence d’un mouvement d’indignation internationale porté par la nécessité de changer les choses. Le désir d’une émancipation de l’humanité n’a rien perdu de sa puissance.

Mais, aujourd’hui, la disparition de cet idéal ne sert que les tenants de l’ordre, que les acteurs crispés de ce film de mauvais goût.

QS devrait se positionner en rupture totale avec cette mascarade que l’on nomme pacte tactique. Il doit renouer avec la politique inventée au ras du réel, la politique populaire : tout est là, pour nous sortir de ce film, à moins que Françoise David et Amir Khadir ne suivent le mot d’ordre de l’opportunisme parlementaire : " the show must go on "...

Mohamed A Brahimi Membre de la Tendance Marxiste Internationale
(Merci à Laurent Alarie et Nichola Gendreau Richer pour leur lecture critique d’une première version de ce texte, dont la version finale n’engage que son auteur.)

Mohamed A Brahimi

Mohamed-Amine Brahimi est doctorant en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, EHESS. Il travaille sur la pensée islamique contemporaine.

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