Édition du 16 avril 2024

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Élections fédérales 2011

Pourquoi je n’irai pas voter (cette fois-ci)

Hé oui désolé, mesdames et messieurs les bigots de l’isoloir et les grenouilles d’urnes-bénitiers, le 2 mai je vais rester bien tranquille chez moi. Je sais, pour vous, aller voter c’est sacré, et d’ailleurs je suis sûr que vos grands-parents parlaient de la même façon à qui refusait d’aller à la messe le dimanche.

Cette fois-ci l’épouvantail, c’est Harper et ses conservateurs. Il parait que je ne me rends pas compte. Que je suis inconscient, qu’ils vont passer, qu’après tout sera foutu et que ça sera de ma faute ! Pourtant si on dépasse l’idée que la démocratie se résume à aller mettre un bout de papier dans une boîte à tous les 4 ou 5 ans, quelques remarques s’imposent :

1. Le système est uninominal à un seul tour. Dans ma circonscription ? En 2008, 52% pour le candidat bloquiste et 7% pour la candidate du parti conservateur. Entre les deux on a les libéraux et les néo-démocrates, tous deux loin derrière. Mais de toute façon : au Canada, que tu fasses 2% ou 31%, peu importe, tu n’existes que si tu arrives premier. Parlez-en au Parti Vert ! En tout cas, c’est pas là que je vais pouvoir « bloquer les conservateurs ». Ils le sont déjà !

2. « Oui mais, si on allait tous voter on pourrait faire élire le NPD, et alors là, on serait sauvés ! » Ah bon ? Mais les amis, aujourd’hui les partis ça se vend comme des tubes de pâte à dent. Les campagnes sont montées par des marketteux et des publicitaires. Rappelez-vous, Obama élu « Marketer of the year » devant Apple et Nike. La belle étiquette « centre-gauche » du NPD vous y croyez vraiment ? Voyez ce qu’ils font lorsqu’ils prennent le pouvoir dans les provinces ces dernières décennies : le conservatisme fiscal de Bob Rae en Ontario, l’augmentation des frais de scolarité et les coupures budgétaires en Nouvelle-Écosse. Même votre messie, « Msieur Clayton » vous le dira : entre lui et le Parti Libéral, aucune différence majeure (voir la toute fin de l’entrevue). Comment expliquer sinon les retournements de veste si fréquents de ses membres.

3. Et là, c’est le moment où je vous rappelle ce qu’est le Parti Libéral du Canada et ce qu’ils ont fait quand ils étaient au pouvoir. Enfin, en ai-je besoin ? Allez, on va même passer sur les coups de couteau dans le dos des souverainistes, et même du Québec au complet (qui l’a bien cherché à force de ne pas savoir se décider), et allons-y passons aussi sur la corruption et le scandale des commandites. Parlons des vrais dossiers, des gros dossiers. Comme le réarmement du Canada. L’oeuvre de Harper ? Certainement pas. Il n’a fait que continuer l’oeuvre que Chrétien et Martin avaient commencée. La guerre en Afghanistan ? Idem. Vous me direz que le NPD, lui, s’y opposé… mollement et toujours prêt à faire des coalitions avec le PLC pourtant clairement pro-guerre. Les sables bitumineux ? Le démantèlement des programmes sociaux ? L’inaction face à l’évasion fiscale ? Quant à l’opposition à toute émancipation politique du Québec, NPD, PLC ou PCC, ils sont tous d’accord.

4. Alors il nous reste le Bloc Québécois. Dont l’argument principal est quand même de bloquer la route à Harper, pour donc laisser passer le PLC ou le NPD. Pourtant ils n’étaient pas trop gênés de discuter coalition avec lui à l’époque de Paul Martin. Mais même comme souverainiste, quand je regarde leur programme j’aurais du mal à voter pour eux autres. Pour le « libre échange », pour des lois répressives (soi-disant « anti-gang ») et pour ainsi dire pro-guerre également (au mieux on parle d’un « réalignement » de la mission). De toutes manières, le Bloc ne gouvernera jamais le pays alors son impact est plus que limité.

Dans tous les cas, il faudra bien que l’on cesse de se leurrer un jour ou l’autre : les orientations politiques majeures ne se décident pas à l’aide d’élections, et pour une raison très simple : les gouvernements agissent essentiellement en fonction des pressions qu’ils subissent. Ainsi aux États-Unis, Richard Nixon, un président républicain, allait-il pratiquer des politiques sociales et environnementales dont l’ampleur ferait pâlir les partis les plus à gauche que l’on peut voir aujourd’hui. Mais c’était au début des années 1970 et la contestation sociale était à son plus fort sur tous les fronts.

Contrastez cela avec l’exemple du Parti Travailliste de Tony Blair en Grande-Bretagne, ou du Parti Socialiste en France, pourtant tous deux historiquement à gauche et qui tous deux ont pratiqué les pires politiques néo-libérales, voire carrément internationalement criminelles lorqu’ils ont été au pouvoir. Ce qui coïncide très bien avec l’affaiblissement des mouvements sociaux et syndicaux dans ces pays depuis le milieu des années 1980. En leur absence qui peut bien influencer et faire pression sur les gouvernements, non pas juste au moment des élections mais au jour le jour, à part les gens qui ont une place importante dans le système économique. Comment s’étonner alors de toutes les faveurs qui leurs sont accordées depuis une bonne vingtaine d’années, que ce soit par des gouvernements de gauche ou de droite ? Mais pour nous autres ? Rien. Et peu importe pour qui on vote, ça restera pareil tant qu’on restera à chialer assis sur nos canapés.

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