Nous connaissions déjà la ligne éditorial pro-péquiste de l’aut’journal. Malgré que le collectif SPQ-Libre ait été expulsé du parti par la chef actuelle du PQ, ses deux porte-paroles ont fait le choix de rester dans le navire. Ce choix, je le trouve inconséquent, mais je le respecte. Je le respecte, car il est celui de confrères du mouvement syndical avec qui je partage des valeurs et des ambitions progressistes.
C’est donc à titre de syndicaliste qui a fait le choix d’être le candidat d’un parti franchement affiché à gauche que j’ai été consterné de lire l’éditorial du 27 août 2012. J’ai fait le triste constat que l’aut’journal, qui ratisse large dans les rangs ouvriers, avait décidé de ne pas respecter mon choix comme j’avais respecté le leur.
En effet, l’éditorial soutient que Québec solidaire est « l’allié objectif des fédéralistes » et que le parti souhaite ouvrir « toutes grandes les portes du pouvoir au Parti libéral et à la CAQ, deux partis ouvertement antisyndicaux et antipopulaires. »
D’emblé, il semble logique que, lorsqu’on fonde un parti politique, c’est que l’on souhaite prendre le pouvoir. Donc, non, je ne souhaite pas l’élection du PQ, pas plus que celle du PLQ ou de la CAQ d’ailleurs. C’est la logique même. Si je souhaitais l’élection du PQ, je serais membre de ce parti. Il y a une série de raisons historiques et actuelles qui militent en faveur de la construction d’une alternative progressiste au PQ qui détient le record du nombre de lois de retour forcé au travail.
Cependant, sous-entendre que nous sommes pour la politique du pire, c’est-à-dire que nous nous réjouissons de la montée de la CAQ et de ses idées antisyndicales est d’une démagogie indigne de la qualité habituelle de ce qu’on retrouve dans le reste du journal.
Nous comptons dans nos rangs plusieurs syndicalistes qui, tout comme moi, ont décidé de mettre leur face sur un poteau pour défendre une amélioration du Code du travail, la création d’un régime universel de retraite et une hausse du salaire minimum ; des dossiers où nous sommes malheureusement seuls sur la patinoire.
Les auteurs de l’éditorial considèrent que le « principal objectif » de QS est la réforme du mode de scrutin. S’ils s’étaient donné la peine de lire la plate-forme et d’aller fureter sur le site de Québec solidaire, ils se seraient rendu compte que la réforme du mode de scrutin y figure, mais parmi plusieurs autres propositions tout aussi importantes.
Si les auteurs préfèrent rester dans le mode de scrutin actuel, qui soit dit en passant est hérité du colonialisme britannique, c’est leur choix. Mais pourraient-ils au moins avoir la décence de cesser de déprécier l’écrasante majorité de la gauche syndicale qui travaille encore à ce que la volonté démocratique des Québécois et Québécoises soit véritablement représentée à l’Assemblée nationale ?
En somme, à l’image de plusieurs commentaires venus des rangs péquistes durant la campagne où l’on se contentait de faire un ridicule appel du pied aux brebis progressistes égarées au lieu d’expliquer les bienfaits de son programme, l’éditorial de L’aut’journal fait abstraction d’une nouvelle réalité : Le mouvement syndical n’est plus un bloc monolithique attaché au PQ. En témoigne l’accueil plus que tiède d’une résolution déposée lors du dernier conseil général de la FTQ qui visait à appuyer le PQ. La résolution fut très largement battue.
Québec solidaire existe et ne s’excusera certainement pas de cet état de fait. La seule présence d’Amir Khadir à l’assemblée a permis de faire avancer des dossiers progressistes dont plus personne ne faisait le relais (gratuité scolaire, amiante, uranium, minières).
L’arrivée d’un deuxième mégaphone, celui de Françoise David, est une nouvelle réjouissante pour la gauche. Pour la suite des choses, j’émets le souhait que l’aut’journal redevienne le forum des syndicalistes progressistes de toutes les tendances qui débattent dans le respect et la solidarité.