Édition du 28 octobre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Au référendum de 1995, le FRAPRU avait activement mené une campagne pour l’indépendance

L’abondante couverture médiatique que les médias accordent aujourd’hui au 30ième anniversaire de la campagne référendaire du 30 octobre 1995 me rappelle certains souvenirs de cette intense période politique. Ça peut paraître surprenant aujourd’hui, mais le FRAPRU avait activement mené campagne pour l’indépendance, mais en dehors du Camp officiel du Oui dirigé par le premier ministre Jacques Parizeau. Pour le comprendre, il faut revenir six ans en arrière, alors que le débat sur ce qu’on appelle alors la question nationale reprend de plus belle, suite à l’échec de l’accord constitutionnel du Lac Meech. Je raconte cette histoire dans « Le Radical de velours » paru en 2012 chez M Éditeur.

« Alors qu’il ne s’était jamais prononcé sur la question nationale québécoise, c’est par une grande majorité que son assemblée générale vote en faveur d’une « indépendance progressiste ».

C’est la position que la délégation du FRAPRU défend, en janvier 1991, devant la Commission Bélanger-Campeau, formée à l’initiative de Robert Bourassa, après le rejet de Meech. Nous y prônons d’emblée la nécessité de l’indépendance, mais en nous empressant d’ajouter : « Mais le rapatriement par le Québec de l’ensemble des pouvoirs, s’il est nécessaire et, à notre avis, inévitable, est à lui seul insuffisant pour mener une lutte en profondeur contre l’oppression nationale et ses diverses manifestations, à moins qu’il ne s’inscrive dans un processus de rupture avec le capitalisme et en particulier avec les tendances actuelles au néo-libéralisme.. »

Nous nous démarquons aussi de « la tendance actuelle à l’unanimisme social, au grand consensus national, prôné par les Lucien Bouchard, les Jacques Parizeau et même les Robert Bourassa qui, au nom d’un soi-disant intérêt national supérieur, voudraient faire taire toutes les voix discordantes, niveler toutes les différences et faire marcher toute la société québécoise au même pas, celui des affairistes québécois ».

Nous esquissons enfin les grands traits du pays que nous voulons bâtir : un Québec qui lutte contre les inégalités sociales, reconnaît le droit à l’autodétermination des nations autochtones, représente une terre d’accueil respectueuse des droits de ses minorités, permet la plus complète égalité entre les femmes et les hommes, s’appuie sur des préoccupations écologiques majeures et élargit la démocratie.

Inutile de dire que notre mémoire est accueilli froidement, y compris par les souverainistes qui participent à la commission.

Cette position, le FRAPRU la défendra pendant six ans, y compris lors du référendum pancanadien du 26 octobre 1992 sur l’entente constitutionnelle de Charlottetown et celui du 30 octobre 1995 sur la souveraineté-partenariat. (…)

En 1995, après avoir à nouveau fait entériner sa position par ses instances démocratiques, il s’associe encore à d’autres groupes, cette fois sous le slogan « Oui, au-delà des partis ! » Une déclaration, rédigée par la militante Lorraine Guay et appuyée par plus de 300 individus et groupes, l’explique : « D’une certaine façon, nous devons faire la souveraineté malgré les partis politiques et, pour certains, contre eux. » Comme d’autres, j’arbore fièrement un macaron qui affirme : « Oui à la souveraineté. Non au PQ. »

Les groupes organisent quelques activités dont une assemblée publique et surtout une ligne de piquetage devant les bureaux du président de Bombardier, Laurent Beaudoin, qui a menacé de déménager son entreprise en cas de victoire du oui. Les dizaines de personnes présentes y marchent avec un bâillon sur la bouche pour montrer que la place démesurée prise par les gens d’affaires dans le débat référendaire réduit au silence les préoccupations du reste de la population.

Le FRAPRU organise aussi des activités sur ses propres bases, autour de la publication d’un Dossier noir montrant comment le gouvernement fédéral n’accorde pas son dû au Québec dans ses interventions en habitation. »(…)

Durant les dernières semaines de la campagne référendaire, alors que même Lucien Bouchard se met à parler de résistance à ce qu’il appelle le vent froid conservateur qui vient du reste du Canada, le oui semble voguer vers la victoire.

Le 27 octobre, à trois jours du référendum, je suis sur l’autoroute 417 en direction de Hull où je dois participer à une activité de mobilisation. Je vois passer des dizaines et des dizaines d’autocars et autres véhicules ornés d’unifoliés se dirigeant vers la Place du Canada, à Montréal, pour participer à un énorme « Love In » fédéraliste.

Quel qu’ait été l’impact de ce rassemblement, qui bafoue la Loi sur la consultation populaire, le non l’emporte, le 30, mais par à peine 45 000 votes.

Le premier ministre Parizeau y réagit avec un discours revanchard blâmant le « vote ethnique » et rapetissant le combat souverainiste au seul fait de la majorité francophone du Québec. Son successeur Lucien Bouchard, lui, l’abandonne carrément, en décidant de plutôt entraîner le Québec sur la voie du déficit zéro. C’est le début d’une longue période de déprime collective qui n’est même pas encore terminée.

Le prochain rendez-vous référendaire que plusieurs prévoyaient pour bientôt n’a pas eu lieu. Bien des individus et des groupes comme le FRAPRU se sont désintéressés de la question pour se concentrer sur d’autres préoccupations. C’est aussi mon cas. Je demeure souverainiste, mais il me faudra des années avant que j’y trouve à nouveau une source de motivation. »

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