Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Monde

Avec la Palestine et l’Ukraine contre la Russie, l’OTAN et Israël, Greta montre la voie !

Et pourtant, malgré l’actualité lugubre, malgré la barbarie galopante, malgré la déprime qui envahit tout, il y a encore de la lumière et de l’espoir ! Et cette lumière et cet espoir, ce sont les jeunes qui se battent en même temps sur tous les grands fronts où l’humanité se mesure à la mort dans sa lutte finale pour exister : sur les fronts de la catastrophe climatique et de l’injustice, de la Palestine et de l’Ukraine, sur les fronts de la lutte des pauvres, des opprimés et des humiliés de par le monde.

6 janvier 2024 | tiré du site du CADTM
https://www.cadtm.org/Avec-la-Palestine-et-l-Ukraine-contre-la-Russie-l-OTAN-et-Israel-Greta-montre

Et la représentante la plus emblématique de cette nouvelle génération qui résiste et contre-attaque est bien sûr la jeune suédoise citoyenne du monde, Greta Thunberg, qui dénonce et combat à la fois les génocidaires israéliens des Palestiniens et les envahisseurs russes de l’Ukraine, la Russie obscurantiste et impérialiste de Poutine, et l’OTAN militariste et tout aussi impérialiste. Et bien sûr, et surtout, les capitalistes et leurs gouvernements qui détruisent méthodiquement le climat de notre planète, préparant ainsi l’avenir le plus cauchemardesque pour le genre humain. Et tout cela contre le courant dominant, malgré la campagne de dénigrement et d’intimidation contre elle, luttant contre tous les impérialismes sans choisir un impérialisme contre un autre, un bourreau et sa victime plus qu’une autre. Et, surtout, en mettant systématiquement ses paroles en pratique, même si elles la conduisent souvent au commissariat ou en prison, menottes aux mains...

Et pour parler concret, voici ce qu’écrivait Greta il y a quelques semaines, sur les crimes israéliens commis contre le peuple palestinien, provoquant les anathèmes et les menaces ouvertes - même contre sa vie(!) - des génocidaires qui gouvernent Israël, et de leurs complices internationaux :

Plus de 15 000 personnes (au 8 janvier, on dénombre au moins 22 722 palestinien·nes tué·es par les attaques israëliennes, ndlr) dont au moins 6 000 enfants. C’est le nombre de personnes qu’Israël aurait tuées dans la bande de Gaza en quelques semaines – et ces chiffres continuent d’augmenter. Israël a bombardé des infrastructures sociales de base et des cibles civiles telles que des hôpitaux, des écoles, des abris et des camps de réfugiés. Israël a imposé un siège, empêchant aux 2,3 millions de Palestiniens et Palestiniennes piégé.e.s dans la bande de Gaza occupée, l’accès à la nourriture, aux médicaments, à l’eau et au carburant, une situation qui a conduit Oxfam à accuser Israël d’utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Des dizaines d’experts des Nations unies ont décrit la situation comme « un génocide en devenir », des centaines d’universitaires internationaux ont mis en garde contre un génocide en cours et l’éminent expert israélien du génocide, Raz Segal, l’a qualifiée de « cas d’école de génocide ». Mais la plupart des pays du monde, en particulier ceux que l’on appelle « le Nord », en détournent le regard.

Malgré l’évidence de ces horreurs, il y en a qui ont choisi de concentrer le débat public sur les tentatives visant à délégitimer les déclarations sur Gaza faites par les jeunes du mouvement pour la justice climatique. Contrairement à ce que beaucoup ont affirmé, Fridays for Future n’a pas été « radicalisé » et n’est point « devenu politique ». Nous avons toujours été politiques parce que nous avons toujours été un mouvement pour la justice. Notre solidarité avec le peuple palestinien et avec tous les civils concernés n’a jamais été en question.

Plaider en faveur de la justice climatique vient fondamentalement du souci des personnes et de leurs droits humains. Cela implique de s’exprimer lorsque des personnes souffrent, sont contraintes de fuir leur foyer ou sont tuées – quelle qu’en soit la cause. Cela procède de la même raison qui nous a amenés à organiser des grèves en solidarité avec des groupes marginalisés – ceux du Sápmi , du Kurdistan , d’Ukraine et de nombreux autres endroits – et avec leurs luttes pour la justice contre l’impérialisme et l’oppression. Notre solidarité avec la Palestine est du même ordre, et nous refusons de laisser l’attention du public se détourner des horribles souffrances humaines auxquelles le peuple palestinien est actuellement confronté.

En raison de l’attention qui ne cesse de se river sur nous, comme du nombre de mauvaises interprétations proposées de notre position , nous souhaitons une fois de plus la clarifier. Tous les groupes Fridays for Future sont autonomes et cet article ne représente le point de vue que de la FFF Suède.

Les horribles meurtres de civils israéliens par le Hamas ne peuvent en aucun cas légitimer les crimes de guerre commis par Israël. Le génocide n’est pas une légitime défense et ne saurait en aucun cas représenter une réponse proportionnée. L’on ne peut en outre ignorer que cela s’inscrit dans un contexte plus large – la population palestinienne vit sous une oppression suffocante depuis des décennies, soumise à ce qu’Amnesty International a défini comme un régime d’apartheid. Tout cela constituerait à lui seul une raison suffisante pour commenter la situation mais, en tant que mouvement suédois, nous nous devons également de nous exprimer en raison de la coopération militaire suédoise avec les sociétés d’armement israéliennes, ce qui rend la Suède complice de l’occupation et des massacres israéliens.

Nous assistons aujourd’hui à une forte augmentation des déclarations, actions et crimes haineux, antisémites et islamophobes, en Suède et dans le monde. Le chef du plus grand parti de la coalition gouvernementale suédoise parle de démolir les mosquées et le drapeau israélien a été brûlé devant une synagogue à Malmö. C’est inacceptable. Nous condamnons sans réserve toutes les formes de discrimination, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie. Toutes celles et tous ceux qui s’expriment sur cette crise ont la responsabilité d’opérer une distinction entre le Hamas, les musulmans et le peuple palestinien d’un côté ; et entre l’État d’Israël, le peuple juif et les Israélien.ne.s de l’autre.

Nous déplorons les vies perdues au cours des dernières semaines et nous désolons de voir ces chiffres continuer d’augmenter. Le taux de mortalité dans la bande de Gaza atteint un niveau historique, avec des milliers d’enfants tués en quelques semaines seulement. Une telle souffrance est incompréhensible et ne peut continuer. Lorsque les experts de l’ONU appellent le monde à agir pour prévenir un génocide, en tant qu’êtres humains, nous avons la responsabilité de nous exprimer.

Exiger la fin de cette violence inexcusable est une question d’humanité fondamentale, et nous appelons toutes celles et tous ceux qui le peuvent à le faire. Le silence est complicité. Nul ne peut rester neutre face à un génocide en cours. [1]

Bien sûr, Greta ne dit pas tout ça en privée, mais elle les crie haut et fort, non seulement en participant mais aussi en organisant des manifestations de solidarité avec les Palestiniens partout où elle se trouve. Comme d’ailleurs, elle manifeste partout et à chaque occasion sa solidarité avec le peuple ukrainien qui résiste à l’impérialisme grand-russe de Poutine. C’est ainsi que s’adressant au peuple ukrainien l’année dernière, elle avait déclaré que « tout ce que je peux dire, c’est que nous vous soutenons. Le monde entier a les yeux rivés sur l’Ukraine et sur la Russie en ce moment. Nous n’allons pas rester spectateurs, nous n’allons pas rester silencieux. Restez forts, nous sommes solidaires avec vous ».

Cependant, ce soutien aux Ukrainiens n’a pas empêché, ces jours-ci, la presse russe, entièrement contrôlée par le Kremlin, de faire de Greta... une alliée de la Russie contre l’OTAN. La raison de ce canular propagandiste est que Greta avait approuvée en public une photo de ses jeunes camarades tenant des pancartes avec le mot d’ordre « Non à la Russie - Non à l’OTAN - Non à la guerre ». En isolant le « Non à l’OTAN » des deux autres mots d’ordre contre la Russie de leur patron, les médias russes n’ont fait que ce que font tout le temps leurs collègues occidentaux, et aussi quelques gens de gauche pour le moins malhonnêtes : ils découpent les paroles et les actions de Greta en morceaux, soulignant ce qui convient à leurs intérêts et passant sous silence le reste qui est dirigé contre eux. Ainsi, les Occidentaux ont, par exemple, fait beaucoup de tapage autour de l’échange d’amabilités de Greta avec Poutine en 2019, lorsque celui-ci, réagissant au discours de Greta à l’ONU, a fait preuve d’un paternalisme pitoyable en la traitant de « gentille fillette » mal informée qui ne comprend pas à quel point le monde d’aujourd’hui est complexe !

Cependant, c’est avec le même ton paternaliste de procureur de pacotille, que le célèbre magazine allemand, Der Spiegel, a récemment attaqué Greta, la qualifiant de « naïve ou peut-être antisémite » lorsqu’elle a osé manifester dans les rues d’Amsterdam en solidarité avec les Palestiniens. Apparemment parce que, selon le bon magazine allemand, seules les personnes « naïves » et « antisémites » peuvent se sentir solidaires des civils palestiniens massacrés par l’armée israélienne. Encore plus grave, elle a subi des attaques hystériques, allant jusqu’à l’identifier à... la jeunesse hitlérienne ( !), lorsque Greta a osé scander, avec d’autres manifestants, le mot d’ordre Krossa Sionismen (écrasez le sionisme) devant l’ambassade d’Israël à Stockholm. [2]

Et tout cela sans oublier que des « libéraux » occidentaux sont allés jusqu’à la menacer... d’une « balle entre les yeux » [3] lorsque Greta les a dénoncés avec les mêmes mots que ceux qu’elle utilise contre Poutine et ses acolytes, car tant les uns que les autres s’obstinent à émettre toujours plus de gaz à effet de serre, commettant ainsi le plus grand des crimes contre la planète et ses habitants. D’ailleurs, lorsque Greta déclare que « pour sauver la planète, le monde doit se débarrasser du capitalisme », cette affirmation catégorique ressemble à une déclaration de guerre contre les uns et les autres, sans aucune exception…

Greta est donc emblématique de notre époque aussi pour une autre raison : parce qu’elle rallie contre elle la coalition la plus hétéroclite et sans précédent historique de tyrans sanguinaires, de capitalistes milliardaires, de grands bourgeois cossus et autres dictateurs frustes et démocrates assassins aux bonnes manières, lesquels se battent entre eux mais sont unis par leur commune passion du pouvoir et leur commune avidité pour des profits toujours plus grands. Mais en provoquant cette unanimité sans précédent et en ralliant contre elle tous ces destructeurs de l’humanité, Greta révèle aux yeux de tous l’essence des choses, les auteurs et les responsables de la crise historique généralisée d’aujourd’hui. D’ailleurs, comme elle est entièrement d’accord avec le grand prisonnier palestinien Marwan Barghouti (22 ans dans les prisons israéliennes !) qui se déclare « pacifique mais pas pacifiste », Greta apparaît comme l’ennemie jurée numéro un de « ceux d’en haut », et la principale source d’inspiration militante pour la multitude de « ceux en bas » et leurs avant-gardes révoltées. Quant à la gauche désorientée et confuse d’aujourd’hui, l’esprit clair de Greta pourrait lui être utile pour clarifier une fois pour toutes ses idées, ses priorités et ses orientations…

Notes
[1] Agence Medias Palestine : https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/12/06/nous-ne-cesserons-de-denoncer-les-souffrances-a-gaza-il-ny-a-pas-de-justice-climatique-sans-droits-humains/

[2] Voir aussi Pour que les horreurs du carnage de Gaza soient les derniers, Purger l’État d’Israël de ses fondements sionistes !

[3] Voir aussi La haine contre Greta : voici ceux, avec nom et adresse, qui la financent !

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Yorgos Mitralias

Journaliste, Giorgos Mitralias est l’un des fondateurs et animateurs du Comité grec contre la dette, membre du réseau international CADTM et de la Campagne Grecque pour l’Audit de la Dette. Membre de la Commission pour la vérité sur la dette grecque et initiateur de l’appel de soutien à cette Commission.

http://www.contra-xreos.gr

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