Édition du 23 avril 2024

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COP27

COP27 : L’URGENCE D’AGIR

COP27 : la responsabilité climatique des pays du Nord sur la table

Sur fond de tensions géopolitiques et dans un contexte de crise énergétique, Charm el-Cheikh, en Égypte, accueillera du 6 au 18 novembre la COP27. Le sommet international sur le climat devra s’atteler à un double défi : baisser drastiquement les émissions globales tout en répondant aux dommages irréversibles causés par le changement climatique dans les pays du Sud.

5 novembre 2022 | tiré de médiapart.fr | https://www.mediapart.fr/journal/international/051122/cop27-la-responsabilite-climatique-des-pays-du-nord-sur-la-table?utm_source=ecologie-20221109-182855&utm_medium=&utm_campaign=&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[ECOLOGIE]-ecologie-20221109-182855&M_BT=733272004833 | Photo : Un enfant face à un feu de forêt près de la ville marocaine de Ksar el-Kebir, dans la région de Larache, le 15 juillet 2022. © Photo Fadel Senna AFP

Mégafeux en Gironde comme au Portugal,inondationsmeurtrières au Pakistan ou en Corée du Sud, sécheresses hors-norme, mercure dépassant la normale partout sur le globe… l’été 2022 a été scandé par les désastres climatiques
.
Autant de catastrophes qui nous démontrent comment l’humanité est entrée de plain-pied dans un autre régime climatique. Un monde nouveau où, pour reprendre les mots du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), « le changement climatique s’accélère et s’intensifie ».

Les expert·es de l’ONU ont cette année, dans leur sixième rapport depuis 1990, alerté sur le fait que les dérèglements climatiques entraînent déjà des dommages irréversibles pour la nature comme pour les sociétés humaines. Et de souligner que la « réduction substantielle  » des énergies fossiles fait partie des moyens les plus efficaces pour limiter l’emballement du climat. Car si en 2020 la pandémie de la Covid-19 avait fait reculer nos émissions de gaz à effet de serre, en 2021 l’humanité n’a jamais émis autant de CO2.

À ce paysage climatique en ruine se sont greffés en 2022 des défis mondiaux multiples : la guerre en Ukraine, la crise du multilatéralisme, la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ou encore l’augmentation des niveaux d’endettement.

C’est donc dans ce contexte délétère que Charm el-Cheikh, en Égypte, accueillera du 6 au 18 novembre prochains la 27e Conférence internationale sur le climat – ou Conférence des parties (COP), qui réunit près de deux cents pays sous l’égide de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Sept ans après l’accord de Paris et après le fiasco qu’a été la COP26 de Glasgow, que faut-il attendre de ce nouveau sommet mondial ? Quels en sont les principaux enjeux ?

Maintenir le cap des +1,5 °C

Alors que la température moyenne mondiale a déjà augmenté de 1,1 °C, la pression s’accentue pour que la communauté internationale atteigne l’objectif climatique phare de l’accord de Paris de 2015, à savoir, limiter le réchauffement planétaire au mieux à 1,5 °C d’ici la fin du siècle.

À la COP26 de Glasgow (Écosse), les États s’étaient donné un an pour revoir à la hausse leur plan climat respectif appelé, en langage onusien, « contributions déterminées au niveau national » (CDN).

Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale.
António Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Toutefois, le 27 octobre dernier, le Programme des Nations unies pour l’environnement a rappelé que nous sommes encore bien loin de cet objectif. Les récents engagements climat pris par les États nous mettent sur une trajectoire de réchauffement de + 2,5 °C, voire + 2,8 °C à la fin du siècle – s’ils sont respectés, bien sûr. Face à la procrastination climatique des dirigeant·es, António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a mis en garde : « Nous nous dirigeons vers une catastrophe mondiale. »

La COP27 offrira donc l’occasion diplomatique et médiatique aux pays de s’engager à rehausser l’ambition de leur CDN. Mais plus le temps passe, plus la barre est haute : comme le recommande le Giec, pour atteindre l’objectif des +1,5 °C, nous devons réduire par deux nos émissions de CO2 d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2019.

100 milliards pour la justice climatique

En 2009, lors de la COP15 à Copenhague (Danemark), les États les plus riches se sont engagés à verser chaque année, et au plus tard dès 2020, 100 milliards de dollars par an à destination des pays du Sud.

Ce « fonds vert » a pour but d’aider les nations les plus pauvres à effectuer leur transition écologique, alors qu’elles sont les premières victimes du changement climatique et les moins émettrices de CO2.

Mais, selon les dernières estimations de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), ces financements n’avaient atteint que 83,3 milliards de dollars en 2020.

« D’autant que la qualité de ces financements pose question, puisque 70 % de ces sommes allouées sont des prêts, souligne Guillaume Compain, chargé de plaidoyer climat pour Oxfam France. Durant cette COP27, il faudra restaurer la confiance entre les pays du Sud, premiers impactés par les dérèglements climatiques, et les pays du Nord, émetteurs historiques de gaz à effet de serre. »

Depuis 1991, 79 % des décès enregistrés et 97 % du nombre total de personnes touchées par les conséquences des catastrophes climatiquesl’ont été dans les pays du Sud. Et à l’heure actuelle, les gouvernements africains consacrent déjà jusqu’à 10 % de leur PIB à l’adaptation au changement climatique pour une crise qu’ils n’ont pas provoquée.

Un des enjeux de cette COP27 sera de concrétiser cette promesse des 100 milliards de dollars par an, sachant que l’an dernier à Glasgow, les pays riches ont déclaré que ce « fonds vert » sera efficient dès 2023.

Pertes et dommages

La grande question à l’ordre du jour de la COP27 sera celle dite des « pertes et dommages », c’est-à-dire, des dégâts irréversibles causés par les événements climatiques extrêmes liés au réchauffement.

Le meilleur exemple pour illustrer cette épineuse problématique est les inondations dramatiques qu’a vécues cet été le Pakistan – 1 400 morts, un tiers du pays sous l’eau et 1,7 million d’habitations détruites.

Les scientifiques ont estimé que le changement climatique aurait accru de 50 % ces précipitations tragiques. Or le Pakistan est responsable de moins de 1 % des émissions globales mais figure en huitième position des pays les plus menacés au monde par les phénomènes extrêmes.

Quote Les États riches redoutent des actions judiciaires de la part des pays du Sud.

Depuis 1991, les États les plus vulnérables aux dérèglements climatiques demandent la création d’un mécanisme de financement partagé pour ces pertes et dommages. L’an dernier, à Glasgow, ces pays et les ONG ont proposé un dispositif de solidarité financière. Mais les négociations ont été torpillées par les États-Unis et l’Union européenne (UE).

C’est qu’à peine une vingtaine de pays riches – dont la France, qui a été particulièrement active pour saboter ce dossier – sont responsables de la moitié de toutes les émissions historiques de CO2, et ces États redoutent des actions judiciaires de la part des pays du Sud, avec in fine d’importantes compensations financières à verser.

Seules l’Écosse, la Wallonie et l’Allemagne ont brisé le tabou en annonçant à la COP26 une enveloppe de plus de 10 millions d’euros pour les pertes et dommages causés par la crise climatique dans le Sud. Une somme modeste. Le coût des destructions liées au chaos climatique pourrait atteindre les 580 milliards de dollars par an d’ici 2030.

« Pourtant cet argent existe : les six premiers mois de 2022, les six plus gros producteurs d’énergies fossiles ont réalisé assez de profit pour couvrir le coût des principales catastrophes liées au climat dans les pays du Sud, tout en dégageant près de 70 milliards de dollars de bénéfices, pointe Fanny Petitbon responsable plaidoyer de CARE France. Les pays du Nord doivent arrêter de jouer la montre pour déployer un mécanisme financier alimenté par des taxes sur les énergies fossiles, sur les superprofits, sur les secteurs aérien et maritime. »

Une des pistes les plus concrètes qui s’esquisse pour fournir cette aide est une vaste réforme des systèmes financiers internationaux, comme l’appelle de ses vœux le V20 – groupe miroir du G20 qui réunit les pays les plus pauvres et les plus vulnérables du globe.

« L’idée qui émerge sur les pertes et dommages, c’est que les banques multilatérales de développement, comme la Banque mondiale, peuvent répondre à ce problème de financement suite à une réforme profonde de leur structuration », indique Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales.

Foire expo du « greenwashing »

Et la France dans tout cela ? Emmanuel Macron prendra la parole à la tribune de la COP27, le lundi 7 novembre. Bénéficiant auparavant de l’aura du succès de la COP21 de Paris en 2015, l’État français débarquera en Égypte en tant que pays doublement condamné pour inaction climatique de la part du Conseil d’État et du tribunal administratif de Paris.

Par ailleurs, la France, entre le premier semestre 2021 et celui de 2022, n’est parvenue à réduire ses émissions que de 0,6 % et s’est contentée de s’aligner sur les objectifs de réduction de l’UE, qui vise les – 55 % d’ici à 2030, alors que l’Allemagne s’est fixé comme but – 65 % ou le Danemark, – 70 %.

« En arrivant à la COP27 en berne de résultats sur ses baisses d’émissions, la France se range désormais du côté des contre-exemples, tance Clément Sénéchal, porte-parole climat de Greenpeace France. Sans compter qu’à rebours des recommandations de l’ONU et de l’Agence internationale de l’énergie, la France a redémarré cet été une centrale à charbon et lancé un nouveau terminal gazier fossile au Havre. »

Hill+Knowlton Strategies, qui a travaillé pour les géants pétroliers, gère la communication de cette COP27.
Mais l’ultime enjeu de la COP27 réside dans le dispositif même de ce grand raout international. Coca-Cola sera un des sponsors officiels de l’événement. La firme est la championne mondiale de la pollution plastique, une matière issue à 99 % de pétrole et de gaz fossile. Parmi les autres partenaires de la COP27, on retrouve la compagnie aérienne EgyptAir ou encore Microsoft.

De même, le cabinet américain de conseil en relations publiques Hill+Knowlton Strategies, qui a travaillé pour les géants pétroliers ExxonMobil, Shell, Chevron et Saudi Aramco, gère la communication de la présidence égyptienne de cette COP.

Par ailleurs, Amnesty International dénonce les violations des droits humains dans une Égypte sous le joug du régime autoritaire d’Abdel Fattah Al-Sissi : « Pour redorer son image à l’international, les autorités égyptiennes ont mis en place des stratégies que l’on pourrait qualifier de “human rights washing” en amont de la COP27. »

Pour terminer, depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Égypte est devenue un important fournisseur de gaz en Europe. Alors que la question des énergies fossiles ne fait paradoxalement pas partie du mandat des COP, beaucoup s’inquiètent que les intérêts gaziers et pétroliers seront très présents dans les couloirs du centre de conférence. Rien qu’à Glasgow, plus de cinq cents lobbyistes des énergies fossiles avaient été accrédités pour venir à la COP26.

Autant d’embûches pour que cette COP27 ne se mue pas en une vulgaire foire expo du greenwashing, comme l’a dénoncé l’activiste Greta Thunberg, qui ne se rendra pas en Égypte. Et cette dernière de rappeler : « Les COP ne sont pas vraiment destinées à changer le système. »
Mickaël Correia

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