Édition du 30 avril 2024

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Israël - Palestine

Crever les sophismes

La justification officielle de l’opération militaire israélienne à Gaza est "d’éradiquer le Hamas". Le gouvernement de Benyamin Netanyahou assure d’autre part ne pas vouloir réoccuper le petit territoire, seulement écraser le Hamas et ses infrastructures.

photo : drapeau du Hamas

La plupart des classes politiques occidentales appuient cette distinction, même si les bombardements aériens et le blocus que Tel-Aviv impose aux Gazaouis multiplient les pertes civiles parmi ceux-ci. La Maison-Blanche est d’une particulière hypocrisie à cet égard.
On parle d’éradiquer le Hamas comme s’il s’agissait d’arracher une mauvaise herbe ou de neutraliser une simple bande de malfrats. Or, le Hamas n’est pas socialement isolé. Il possède de nombreuses et profondes racines dans la société gazaouie, ce dont témoigne le nombre de ses combatants et militants. Cela ne signifie pas que tous les Gazaouis partagent son idéologie réactionnaire islamiste ni sa volonté affichée de "détruire l’entité sioniste". Comme tout mouvement politique et idéologique d’envergure, divers courants de pensée cohabitent plus ou moins harmonieusement en son sein, cimentés certes par l’islamisme. Il cohabite avec le Djihad islamique, tant à Gaza même qu’en Cisjordanie où il a aussi d’importantes antennes. Prétendre faire une stricte distinction entre le gouvernement du Hamas à Gaza et la population relève donc de la malhonnêteté intellectuelle la plus crasse. La riposte israélienne particulièrement meurtrière va bien au-delà du "droit à l’autodéfense" invoqué par le gouvernement d’extrême-droite de Netanyahou. Elle est disproportionnée par rapport à ses objectifs officiels. Le cabinet Netanyahou soutient que le Hamas se sert des civils sous sa responsabilité comme boucliers humains, ce qui est interdit par le droit international.

En réalité le Hamas, à l’instar de tous les mouvements de guérilla "évolue comme un poisson dans l’eau" au sein de son peuple, pour reprendre une comparaison déjà utilisée par Mao Zedong en Chine du temps de la guerre civile. Il s’efforce de compenser son infériorité numérique et technologique par rapport à l’armée israélienne en se fondant dans la population et en utilisant (une spécificité de cette lutte) le vaste réseau de tunnels qu’il a creusés au fil des ans en prévision d’une offensive israélienne. Une tactique tout à fait légitime et de toute manière, inévitable vu le rapport de forces très inégal entre la toute puissante armée israélienne et les maquisards gazaouis.

Au vu des bombardements israéliens massifs sur les camps de réfugiés et les villes gazaouies, il apparaît évident que le gouvernement de Tel-Aviv et son état-major donnent priorité à la destruction du Hamas plutôt qu’à la sauvegarde de la population de Gaza. Le Hamas parle déjà d’environ 8,0000 victimes civiles causées par ces actions militaires. Même en supposant que ce chiffre soit gonflé, il ne fait aucun doute que le nombre de morts et de blessés gazaouis est beaucoup plus élevé que celui des victimes israéliennes causées par l’offensive menée par le Hamas le 7 octobre (1,400). On remarque là encore une continuité dans la politique à l’endroit de la Palestine pratiquée par Israël : la loi du talion. La réplique à toute attaque palestinienne d’envergure contre la population israélienne doit entraîner des pertes beaucoup plus élevées chez l’agresseur. On pourrait en fournir de nombreux exemples. Au mieux, on peut parler de négligence criminelle de la part des responsables militaires israéliens, au pire d’actions délibérées motivées par un désir de vengeance.
Par ailleurs, force est de constater que la plupart des gouvernements occidentaux laissent Netanyahou et consorts massacrer un nombre croissant de Gazaouis et de Gazaouies. Ils s’abstiennent de faire les pressions costaudes nécessaires pour qu’il cesse son offensive contre une population qui compte déjà parmi les plus pauvres au monde. Tout au plus, certains (comme celui d’Ottawa) l’incitent à "respecter les lois de la guerre", ce qui est d’une singulière insignifiance.

Le sinistre aboutissement auquel on assiste représente le résultat de la coupable complaisance occidentale à l’égard d’Israël laquelle entraîne un laxisme complice vis-à-vis de la colonisation juive éhontée de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. La responsabilité première de cet énième affrontement israélo-palestinien retombe sur les épaules des responsables occidentaux autant que sur celles du gouvernement raciste de Benyamin Netanyahou.
La paix entre Palestiniens et Israéliens ne deviendra envisageable que lorsque politiciens et politiciennes occidentaux dans leur ensemble cesseront de considérer qu’une vie palestinienne vaut moins que son pendant israélien.

Le conflit Israël-Hamas : la quadrature du cercle

Il faut éradiquer le Hamas, répètent à l’envi responsables israéliens et américains, pour faire disparaître la menace qu’il représente pour l’État hébreu.

Ce n’est pas si simple en réalité. On oublie en effet un "détail" : la force du Hamas est le résultat de la politique intransigeante du gouvernement israélien à l’endroit des Gazaouis, et non l’Inverse. Le Hamas est influent parce que le gouvernement israélien alimente le mécontentement des Gazaouis et des Palestiniens en général par sa négation de leur droit à l’autodétermination.

Les gouvernements d’Israël et des États-Unis ont adopté comme politique officielle dans ce dossier d’éliminer le Hamas depuis son attaque brutale du 7 octobre dernier dans le sud d’Israël. Le cabinet Netanyahou assure vouloir seulement le supprimer au moyen d’une campagne militaire au sol, puis ensuite retirer ses troupes de Gaza après cette "purge" qui transformerait inévitablement tout le territoire en un champ de ruines.

On ne se demande même pas ce qui arriverait ensuite. Les Gazaouis renoueraient avec leur marginalité et leur misère dans un territoire qui resterait encore une prison à ciel ouvert. Toutes les conditions se trouveraient donc réunies pour la renaissance d’une autre organisation radicale ou peut-être du Hamas lui-même qui ressusciterait de ses cendres en quelque sorte. Ce mouvement, quel qu’il soit reprendrait alors le flambeau de la résistance.
Tous les responsables du Hamas et beaucoup de ses maquisards seraient-ils tués au cours de la prochaine offensive israélienne sur le terrain en préparation que d’autres, tout aussi motivés leur succéderaient une fois parties les troupes israéliennes. Ce genre de mouvement ne se laisse pas anéantir aisément. Si les causes de l’antagonisme israélo-gazaoui (et plus largement, israélo-palestinien) demeurent, le conflit rebondira à coup sûr, peu importe les pertes subies par les Gazaouis.

Ce sont donc les motifs du mécontentement qu’il faut supprimer, non les mécontents.

Jean-François Delisle

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