Édition du 28 octobre 2025

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États-Unis

États-Unis : les mesures brutales de Trump en matière d’immigration

LA PLUPART DES AMÉRICAINS SONT D’ACCORD avec l’idée que les immigrants ont enrichi les États-Unis, mais considèrent qu’il faut une procédure d’immigration « ordonnée ». Ils croient généralement qu’il n’est pas juste que certains aient supposément court-circuité la mythique file d’attente.

Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
30 août 2025

L’invasion de Los Angeles par l’ICE et les arrestations massives ont conduit à des actions de solidarité. (Promise Li)

La réalité est que, depuis que le pays a mis en place des politiques d’immigration, celles-ci ont toujours été faites pour établir des discriminations. La première, la loi d’exclusion des Chinois (1882), a interdit l’entrée des travailleurs chinois pendant une décennie et a dénié tout droit à la citoyenneté à ceux qui étaient déjà présents sur le territoire.

La dernière modification que le Congrès a réussi à faire adopter est la loi Laken Riley, promulguée à la suite d’un meurtre sauvage commis par un immigrant. Sur la base de cette affaire, l’extrême droite a obtenu le soutien des deux grands partis pour faire adopter cette loi, qui impose la détention obligatoire des immigrants, y compris des mineurs, accusés de délits de faible gravité tels que le vol à l’étalage. En outre, elle permet aux procureurs généraux des États de lancer des poursuites contre le gouvernement fédéral en cas de politiques d’immigration qu’ils jugeraient néfastes.

Cette politique agressive en matière d’immigration n’est pas seulement un problème américain, mais depuis la crise économique de 2008-2009, elle affecte tous les pays du Nord. Ici, aux États-Unis, Trump attise les passions en qualifiant les immigrants de « terroristes » et de « violeurs » venus de « pays de merde ».

Sa solution ? Mettre fin à « l’invasion » en érigeant un mur autour du pays et en expulsant tous ces « criminels ». Il a signé une série de décrets pour mettre en œuvre son plan. Stephen Miller, chef de cabinet adjoint en charge des mesures à prendre à la Maison Blanche, a travaillé en étroite collaboration avec Trump pour fixer l’objectif d’expulser un million d’immigrants par an. Il a récemment exigé que les arrestations et les expulsions atteignent une moyenne de 3 000 par jour.

Au terme des 100 premiers jours du mandat de Trump, l’administration a affirmé avoir expulsé 140 000 personnes ; les experts estiment que le chiffre réel est deux fois moins élevé. Tricia McLaughlin, secrétaire adjointe du département américain de la Sécurité intérieure (DHS) [1], a déclaré lors d’une conférence de presse le 10 juillet que le DHS avait expulsé 253 000 personnes, mais cela semble également peu probable.

En juin, l’administration a déclaré avoir procédé à 100 000 arrestations, passant de 660 arrestations quotidiennes pendant les 100 premiers jours à 2 000 par jour. Il est difficile de savoir si elle considère ce chiffre élevé comme la nouvelle moyenne.

À titre de comparaison, Obama, qui a mérité le titre de « déportateur en chef », a procédé à 3,1 millions d’expulsions au cours de ses huit années au pouvoir. Le pic a été atteint en 2012, avec une moyenne de 34 000 expulsions par mois, soit un total annuel de 407 000.

Au cours de la dernière année de l’administration Biden, 271 484 non-citoyens faisant l’objet d’une décision définitive d’expulsion ont été expulsés vers 192 pays. Avec la fermeture quasi totale de la frontière sud imposée par Trump, moins de 5 000 immigrant.e.s la traversent chaque mois. Même si toutes les personnes étaient expulsées, cela représenterait moins de 160 par jour.

Cela revient à dire que pour atteindre l’objectif fixé par cette administration, les autorités fédérales doivent expulser les personnes qui vivent et travaillent déjà ici. Si certaines sont arrivées au cours des deux dernières années, d’autres sont des résident.e.s de longue date qui ont tissé des liens : voisin.e.s, collègues et familles.

En fait, près de quatre millions de personnes ont déposé une demande d’asile et sont en attente d’une décision judiciaire. Considérées comme présentant un « faible risque », elles ont le droit de vivre et de travailler ici jusqu’à ce que leur cas soit réglé.

Alors que le nombre total de juges chargés des affaires d’immigration est plafonné à 700, l’administration a licencié 65 des 600 juges actuels. De toute évidence, la résorption de ce déficit n’est pas une priorité. Même si la majorité des demandes d’asile est rejetée, un taux d’accepptation de 44 % est sans doute trop élevé pour Stephen Miller. Les agents de l’ICE patrouillent désormais dans les couloirs des tribunaux d’immigration pour arrêter les personnes dont les dossiers ont été rejetés. Auparavant, les débouté.e.s pouvaient faire appel ; aujourd’hui, il est beaucoup plus probable qu’ils ou elles soient arrêté.e.s et envoyé.e.s dans un centre de détention.

Comment fonctionne le système d’immigration

La loi sur l’immigration et la nationalité de 1965, puis la loi sur l’immigration de 1990, réglementent l’immigration en fonction de différentes catégories, notamment le regroupement familial, l’emploi ou les considérations humanitaires.

Les droits de l’homme ont été codifiés après la Seconde Guerre mondiale et ont fait l’objet d’un document signé par les États-Unis et d’autres pays. Les réfugié.e.s [2] y sont défini.e.s comme des personnes contraintes de fuir leur pays en raison d’une crainte fondée de persécution liée à leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques ou leur appartenance à un groupe social particulier.

En demandant l’asile, les candidat.e.s ne devraient pas être victimes de discrimination. De fait, ils et elles bénéficient de droits, notamment l’accès aux tribunaux, au travail et à l’éducation élémentaire. Ils et elles ne doivent pas être sanctionné.e.s pour leur entrée ou leur séjour « illégal » et ne doivent en aucun cas être contraint.e.s de retourner dans des pays où ils et elles risquent d’être persécuté.e.s.

Trump ignore les protocoles internationaux afin de présenter les immigrant.e.s comme des personnes qui prennent les emplois des citoyen.ne.s américain.e.s et qui sont culturellement différentes. Il met fin au statut de protection temporaire (TPS) destiné à aider les personnes originaires de pays en proie à la guerre, à la guerre civile ou à des catastrophes naturelles.Cette disposition protégeait près d’un million de personnes originaires de 17 pays différents. Trump a déjà annulé cette disposition pour un demi-million d’Afghans, de Cubains, d’Haïtiens, de Nicaraguayens et de Vénézuéliens. Bien que son décret ait été temporairement suspendu par un tribunal, il reste une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes.

Beaucoup de citoyen.ne.s américain.ne.s pourraient s’accorder à dire que, compte tenu de l’histoire des États-Unis, il est de leur devoir d’aider les personnes originaires de ces pays. Par exemple, les Afghan.e.s se sont vu promettre une protection contre les Talibans lorsqu’ils ont accepté de collaborer avec le gouvernement américain pendant l’occupation américaine. Compte tenu de la déstabilisation politique dans laquelle Washington a joué un rôle majeur, en plus de deux tremblements de terre dévastateurs, pourquoi le TPS devrait-il être annulé pour les Haïtien.ne.s ?Un autre programme temporaire, le dispositif DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals), offre une protection aux personnes arrivées dans le pays lorsqu’elles étaient enfants. Les sondages d’opinion montrent qu’il bénéficie d’un large soutien, mais il fait l’objet d’une contestation juridique.

Il s’agit là de statuts temporaires, tandis que les immigrant.e.s qui obtiennent le statut de réfugié sont en passe d’obtenir un permis de séjour permanent (carte verte) et la possibilité d’acquérir la citoyenneté américaine. Pourtant, Trump a gelé ces programmes. Les personnes qui avaient déjà été acceptées ont perdu le soutien des agences de réinstallation car leurs moyens ont été supprimés. Sur les 120 000 réfugié.e.s qui avaient été sélectionnés pour être admis aux États-Unis dans le cadre du Programme américain pour l’accueil des réfugié.e.s, 10 000 avaient déjà leurs billets d’avion lorsque le décret de Trump a interdit toute nouvelle admission.

Par la suite, deux décisions de tribunaux fédéraux ont stipulé que les personnes en possession d’un billet devaient être admises. Bien que l’administration ne conteste pas ouvertement cette décision, la suspension perdure, car le gouvernement affirme avoir besoin de temps pour rétablir le programme qu’il a démantelé.

Parallèlement à la suspension des demandes d’asile et à la menace d’annulation des programmes temporaires, des résident.e.s permanent.e.s ont été arrêté.e.s et mis.e. en détention par des agents du DHS. Parmi les titulaires de cartes vertes arrêté.e.s figurent des cas bien connus tels que Mahmoud Khalil et Mohsen Mahdawi, des étudiants diplômés qui s’étaient opposés à la complicité des États-Unis dans la guerre menée par Israël contre Gaza.

Lewelyn Dixon et Max Londonio, résidents de longue date, ont également été arrêtés à l’aéroport alors qu’ils rentraient de vacances à l’étranger. Il y a plusieurs années, tous deux avaient commis des délits sans violence, purgé leur peine et refait leur vie.

Stratégie d’arrestation et d’expulsion

Pour autant que nous puissions établir la méthode privilégiée par le DHS, on trouve tout en haut de leur liste l’arrestation des immigrant.e.s lorsqu’ils se présentent à leur audience au tribunal ou à un rendez-vous de routine. Les aéroports sont également des lieux où les gens sont détenus et interrogés.

Le cas de Max Londonio, arrêté à son retour des Philippines après avoir fêté son 20e anniversaire de mariage avec sa femme, est emblématique. Titulaire d’une carte verte et père de trois enfants, il avait été condamné pour vol alors qu’il était jeune adulte. Âgé de 42 ans, arrivé aux États-Unis à l’âge de 12 ans, il a été emprisonné dans un centre de détention pendant deux mois, dont un mois en isolement cellulaire, avant d’être libéré.

Sa famille, son syndicat (l’International Association of Machinists and Aerospace Workers Local 695) ainsi que son association communautaire, Tanggol Migrante WA, ont mené campagne pour que les charges soient abandonnées.

Ils ont organisé des conférences de presse et des manifestations devant le centre de détention de Tacoma, dans l’État de Washington. On a connaissance du cas d’au moins trois autres résidents permanents arrêtés, détenus- et finalement libérés- dans cet établissement, qui est géré par la société à but lucratif CoreCivic.

Voici comment la secrétaire adjointe du Département de la Sécurité intérieure (DHS) DHS, Tricia McLaughlin, a parlé du cas de Londonios à Newsweek :

« Maximo Londono a un casier judiciaire, notamment pour vol aggravé et usage de substances illicites. En vertu de la loi fédérale sur l’immigration, les résidents permanents en situation régulière condamnés pour ce type de crimes peuvent perdre leur statut et être expulsés. Si vous êtes étranger, le fait de vous trouver aux États-Unis est un privilège, et non un droit. Lorsque vous enfreignez nos lois, ce privilège doit vous être retiré, et vous ne devriez plus vous trouver dans ce pays. »

Alors que Trump et son équipe qualifient les immigrants de criminels, il ne fait aucun doute que certains ont commis des infractions, ont été arrêtés et ont purgé leur peine. Mais pourquoi devraient-ils perdre le seul pays qu’ils aient jamais connu ? Lue Yang, 47 ans, est actuellement détenu dans un centre de détention à Baldwin, dans le Michigan. Ingénieur dans l’industrie automobile et président de la Hmong Family Association of Lansing, Yang a été arrêté par l’ICE sur son lieu de travail le 15 juillet.Ce père de six enfants est né dans un camp de réfugiés au Laos et a été amené aux États-Unis lorsqu’il était bébé. Jeune adulte, il a été arrêté pour violation de domicile et a purgé une peine de 10 mois de prison.

Bien que l’État du Michigan ait purgé son casier judiciaire, l’ICE le considère comme un criminel. Avec 15 autres personnes d’origine hmong et laotienne aux histoires similaires, il risque d’être expulsé vers le Laos où il sera probablement emprisonné en tant que dissident.

En lisant certains rapports, j’ai remarqué que les agents de l’ICE préfèrent procéder à des arrestations dans des lieux publics, souvent lorsque la personne est dans une voiture ou à pied, plutôt qu’à son domicile.

Et même lorsque l’ICE a repéré le domicile, elle préfère procéder à l’arrestation en public.

Ce fait démontre aussi l’importance de l’entraide, qui peut réduire la vulnérabilité des immigrés. À nous de voir comment nous pouvons proposer de conduire les gens au travail et les ramener chez eux, accompagner les enfants à l’école et aux activités sportives, et veiller à ce qu’il y ait de quoi manger à la maison.

Maintenant que l’ICE subit une pression croissante pour atteindre et maintenir un objectif de 3 000 arrestations par jour, d’autres agences fédérales ont été sollicitées. Il s’agit notamment des douanes et de la protection des frontières (CBP, dont la mission est de garantir la sécurité aux frontières), du Bureau des alcools, du tabac, des armes à feu et des explosifs, de la Drug Enforcement Administration, du Federal Bureau of Investigation et de la Direction générale des impôts.

La mobilisation de la Garde nationale californienne sans en référer au gouverneur et aux autorités locales montre à quel point la déportation est au cœur du programme de Trump. Pourtant, il existe une contradiction évidente entre l’arrestation de travailleurs et le bon fonctionnement du pays. L’invasion de Los Angeles par l’ICE et les arrestations massives ont donné lieu à des actions de solidarité.

Arrestations massives

Au printemps dernier, 125 travailleurs ont été arrêtés dans une usine GE Appliance à Louisville, dans le Kentucky ; puis l’ICE s’est présentée dans une usine Kraft-Heinz à Holland, dans le Michigan. Les deux entreprises ont fait état du chaos qui s’en est suivi dans leur production. À l’usine de Holland, le reste du personnel a été contraint de faire des heures supplémentaires.

Ce sont sans aucun doute les raids massifs du 6 juin et l’occupation permanente de Los Angeles qui ont spectaculairement mis en lumière la détermination de l’administration à atteindre ses objectifs en matière d’expulsion. Le premier jour, l’ICE disposait de quatre mandats et s’est rendu à trois endroits, arrêtant au total 44 personnes, dont David Huerta, président du SEIU California. Les policiers ont affirmé qu’il perturbait les arrestations.

Le même jour, l’ICE a fait une descente dans une usine de conditionnement de viande à Omaha et arrêté 70 travailleurs.Pour mener à bien la descente à Los Angeles, la présence armée de l’ICE a été soutenue par d’autres agents fédéraux et protégée par la police municipale de Los Angeles. Trump a ensuite fait appel à près de 5 000 membres de la Garde nationale de Californie et demandé au secrétaire à la Défense Pete Hegseth de mobiliser 700 Marines.

Depuis lors, des agents fédéraux masqués se sont présentés dans divers magasins Home Depot, stations de lavage, restaurants et dépôts de ferrailleurs dans des voitures banalisées. Ils ont également fait une démonstration de force en défilant avec leur équipenment lourd de manière provocante dans le parc McArthur de Los Angeles.

L’opération menée à Los Angeles a coûté plus de 134 millions de dollars au cours des soixante premiers jours. Il s’agissait d’une manœuvre visant à terroriser la communauté latino-américaine de Los Angeles, dont les origines remontent à plusieurs siècles. Mais elle visait également les communautés immigrées à travers tout le pays. Les membres de la communauté ainsi que les militant.e.s pour les droits des immigré.e.s se sont immédiatement mobilisé.e.s pour protéger leurs voisins et ont protesté contre les détentions au centre fédéral. Cette défense s’est poursuivie grâce à l’entraide et à la pose d’affiches sur les poteaux téléphoniques et dans les magasins pour informer le public de ces disparitions.

Les activistes décrivent ces arrestations comme des enlèvements perpétrés par des hommes armés et masqués.

La même résistance s’est manifestée le 10 juillet lorsque des agents du Department of Customs Enforcement, accompagnés d’hélicoptères, ont fait une descente dans deux fermes Glass House. Situées au nord de Los Angeles, ces deux fermes produisent du cannabis sous licence de l’État.À mesure que la nouvelle se répandait, environ 500 personnes se sont rassemblées sur le site de Camarillo, à la recherche d’informations sur leurs proches et pour protester contre cette descente. Les autorités, équipées de casques et de masques, ont dispersé la foule en tirant des balles en caoutchouc et en lançant des grenades lacrymogènes.

Dans sa déclaration sur cette opération, l’United Farm Workers a annoncé que plusieurs travailleurs avaient été blessés. Des citoyens américains ont été retenus pendant plusieurs heures et, avant d’être libérés, ont été contraints de supprimer de leurs téléphones les photos et les vidéos prises lors de cette intervention.

La secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a réagi sur X en déclarant que cette opération était « en passe de devenir l’une des plus importantes depuis l’entrée en fonction du président Trump ». L’ICE affirme avoir arrêté 361 ouvriers agricoles, dont 14 enfants et quatre citoyens américains.Cette action a également entraîné le premier décès enregistré lors d’une opération de l’ICE. Alors qu’il se cachait, Jaime Alanis (57 ans) a fait une chute de 9 mètres depuis le toit d’une serre et a été transporté à l’hôpital. Deux jours plus tard, on lui a retiré son assistance respiratoire. Certaines petites entreprises ont déjà été contraintes de fermer. En effet, les employeurs ont besoin d’une main-d’œuvre stable. Alors que la saison des petits fruits bat son plein en Californie, la valeur des récoltes non cueillies diminue d’heure en heure. L’industrie agricole n’est pas la seule à être confrontée à une pénurie de main-d’œuvre : les secteurs de la construction et de l’hôtellerie, de la transformation de la viande et de la restauration le sont également. Malgré le nombre important de raids sur les lieux de travail, ceux-ci restent ponctuels.

Rentrez chez vous !

Même avec les 170 milliards de dollars alloués au budget des expulsions pour les quatre prochaines années, c’est l’auto-expulsion qui reste la solution clé. Tous les éléments du plan — de l’agrandissement des centres de détention au recrutement de nouveaux agents de l’ICE, en passant par l’installation de systèmes de surveillance et le refus d’accorder des prestations aux enfants issus de familles mixtes — visent à montrer aux immigrant.e.s qu’ils et elles sont pourchassé.e.s.

Les descentes massives sur les lieux de travail présentent le risque de mobiliser l’opposition, comme cela s’est produit en Californie du Sud. Du point de vue de Trump, ce sont les protestations des agriculteurs et d’autres associations professionnelles qui sont les plus préoccupantes. Les autorités estiment que plus de 40 % des personnes qui effectuent les récoltes sont « sans papiers », et probablement davantage dans l’industrie laitière. Une fois qu’une descente a lieu, on estime que 30 à 70 % de la main-d’œuvre reste chez elle. Quel que soit le statut juridique des personnes concernées, ces raids sont terrifiants pour toute personne de couleur susceptible d’être arrêtée.

Après avoir entendu les plaintes des propriétaires d’exploitations agricoles et d’hôtels, Trump a suggéré de suspendre les raids dans ces secteurs. Le 13 juin, le New York Times a rapporté que Tatum King, un haut responsable de l’ICE, avait envoyé une note aux services régionaux de l’ICE dans laquelle il demandait « à compter d’aujourd’hui, de suspendre toutes les enquêtes/opérations de contrôle sur les lieux de travail dans les secteurs de l’agriculture (y compris l’aquaculture et les usines de conditionnement de viande), de la restauration et de l’hôtellerie ».

Mais cette suspension a été de courte durée. À peine trois jours plus tard, les services de l’ICE ont été informés qu’ils pouvaient reprendre leurs activités.

Les fondements rationnels de la diffusion de la terreur

L’administration Trump dépense 3 millions de dollars en publicités pour encourager l’auto-expulsion. Le coût moyen d’une expulsion s’élevant à plus de 17 100 dollars, il est avantageux de payer le billet d’avion et d’offrir une prime de 1 000 dollars à la personne lorsqu’elle arrivera chez elle. Ils promettent également de manière mensongère que ceux qui s’auto-expulsent pourront revenir pour « vivre le rêve américain ».

La campagne d’auto-expulsion incite les gens à éviter l’humiliation. Cet argument est particulièrement efficace dans les centres de détention surpeuplés où les individus n’ont pas accès à un avocat.

Conscients qu’ils seront détenus pendant des mois dans une « boîte noire », comme les décrit le Washington Office on Latin America, certains ont choisi d’accepter ce qui est présenté comme un départ « volontaire ».

Avec la signature du One Big Beautiful Bill Act (OBBBA) de Trump, 170 milliards de dollars ont été alloués au programme d’expulsion. Il s’agit de remodeler un système déjà discriminatoire et de remettre en cause le droit légal de chaque personne à un procès équitable.

Comme l’a fait remarquer Trump, « nous ne pouvons pas accorder le bénéfice d’un procès à tout le monde, car cela prendrait, sans exagération, 200 ans ». Et dans la mesure où l’administration parvient à contourner le droit à un procès équitable, Trump aura fait un pas de plus vers la mise en place d’un État autoritaire.

Détention des immigrantsTrump a décrété que toute personne « illégale » devait être placée en « détention obligatoire », ce qui signifie qu’elle ne peut être libérée sous caution.

Au début de l’administration Trump, l’ICE pouvait détenir environ 40 000 immigrants dans divers établissements à travers le pays. Actuellement, au moins 55 000 personnes sont en détention. Certaines sont obligées de dormir sur des matelas posés à même le sol, avec 40 à 50 personnes pour chaque WC et douche.

L’accès aux soins médicaux, en particulier dans le cas de maladies chroniques, est insuffisant. Jusqu’à présent, 10 décès ont été enregistrés cette année.

Les centres de détention sont principalement gérés par GEO Group et CoreCivic, qui exploitent également des prisons privées. GEO Group, dont la direction compte une demi-douzaine d’anciens responsables de l’ICE, surveille également 185 000 autres immigrant.e.s grâce à un système de localisation GPS.

À l’époque où de nombreuses expulsions avaient lieu à la frontière, les immigrant.e.s étaient convoqué.e.s à des audiences et libéré.e.s ou expulsé.e.s relativement rapidement. Mais l’administration Trump prévoit de détenir jusqu’à 100 000 personnes à la fois et a signé neuf nouveaux contrats avec ces deux sociétés. Toutes deux ont de grands projets d’expansion, car elles engrangent des bénéfices records.

Un exemple de réaction rapide est la réaffectation par GEO Group de la prison pour mineurs qu’elle avait fermée à Baldwin, dans le Michigan, il y a trois ans. Le centre de North Lake, qui est aujourd’hui le plus grand centre de détention du Midwest avec une capacité de 1 800 lits, devrait générer un chiffre d’affaires annuel de 70 millions de dollars.

En principe, dix centres répartis dans tout le pays sont destinés au traitement des immigrants. Le plus central est situé près de l’aéroport d’Alexandria, en Louisiane. Les autorités utilisent l’établissement de 400 lits situé à proximité pour trier les immigrants et les transférer, dans un délai de 72 heures, vers l’un des huit centres de détention voisins, ou les expulser. Selon un article du New York Times du 31 juillet, environ 40 000 détenus, menottés et enchaînés, transitent par l’aéroport d’Alexandria comme s’ils étaient autant de colis Amazon. Deux autres centres très en vue méritent d’être mentionnés :

• Le tristement célèbre centre de détention Alligator Alcatraz, géré par l’État de Floride. Il accueille 900 immigrants et prévoit d’en accueillir 4 000. Comme ce centre situé dans les Everglades est géré par l’État, il a pu contourner les réglementations environnementales fédérales. Les groupes environnementaux qui ont stoppé la construction d’un grand aéroport dans cette région il y a plusieurs années contestent son aménagement en invoquant les dommages causés aux espèces menacées, les problèmes liés à l’eau et la fragilité de l’écosystème.

• Trump a évoqué la possibilité d’héberger jusqu’à 30 000 détenus à Guantánamo, à Cuba. Il a déclaré que cette installation serait un endroit idéal pour les criminels endurcis. Alligator Alcatraz et Guantánamo sont toutes deux des centres isolés qui rendront difficile la communication avec les avocats. Il sera également nécessaire d’acheminer par avion des approvisionnements, notamment de l’eau potable, pour assurer le fonctionnement de ces installations. Le coût en sera énorme.

Pour la mise sur pied de procédures de réaction à plus grande échelle

Bien que bon nombre de ces différents protocoles d’immigration aient déjà été expérimentés, les plus récents et les plus innovants incluent le rejet de la citoyenneté par droit de naissance, la tentative de contraindre des pays à accueillir des personnes qui ne possèdent pas leur nationalité (expulsion vers un pays tiers), le recours à la terreur pour forcer les personnes à retourner dans leur pays sous l’emprise de la peur, et enfin, le renvoi massif de personnes ayant des racines profondes aux États-Unis.

Toute cette liste témoigne de la nature hargneuse d’une administration désireuse de punir ceux et celles qui osent immigrer.

Pour les socialistes et les militants pour les droits des immigré.e.s, que nous travaillions dans une entreprise syndiquée ou non, dans une grande ou une petite entreprise, que notre patron soit favorable ou non à l’ICE, nous devons impulser des discussions parmi les salarié.e.s et mettre en place un dispositif pour réagir en cas d’intervention de l’ICE.

Sur de nombreux lieux de travail, des procédures ont été mises en place au cours du mandat de Barack Obama et quelques syndicats y ont ajouté des clauses contractuelles pour aider les personnes arrêtées par l’ICE. (Voir les brochures « Right to Know » publiées par le National Immigration Law Center et Arise.)

Nous avons vu que lorsque des travailleurs syndiqués sont arrêtés, leur syndicat – et souvent aussi une organisation communautaire – les défend, organise des conférences de presse et manifeste devant les centres de détention. Le travail accompli par Sheet Metal Local 100 pour demander aux syndicats de travailleurs du bâtiment de médiatiser le cas de Kilmer Abrego Garcia à l’aide de banderoles et de groupes de cortèges lors des manifestations du 1er mai a été particulièrement impressionnant. D’aucuns soulignent le caractère contradictoire de cette politique d’expulsion brutale, car les experts estiment que plus d’un million de jeunes immigrant.e.s sont nécessaires chaque année pour maintenir l’économie américaine à son niveau actuel. Du point de vue du système capitaliste, il serait préférable que le gouvernement fixe des conditions strictes liant les immigrant.e.s à un emploi et à une période déterminés. Ils et elles devraient venir pour travailler, mais leurs familles devraient rester chez elles. En réalité, en 2024, les agriculteurs ont obtenu des visas H-2A pour plus de 375 000 travailleur.euses étrangères. D’autres programmes, notamment pour les travailleur.euses hautement qualifié.e.s, portent le total à environ un million de visas de travail. Si les titulaires de visas sont licenciés ou quittent leur emploi, ils sont passibles d’expulsion. Qu’ils soient payés au salaire minimum ou à des salaires correspondant à des emplois de pointe, ces immigrant.e.s sont fondamentalement enchaîné.e.s à leur employeur.

Il est évident que de telles exigences empêchent les travailleurs de lutter pour de meilleures conditions de travail ou d’adhérer à un syndicat. Partout dans le monde, de plus en plus de travailleurs sont des immigrants qui ont peu de droits juridiques ou politiques. Le capitalisme transnational prospère grâce à ce modèle concurrentiel.Ce n’est certainement pas un système adapté aux êtres humains. Nous devons au contraire unir les travailleurs au-delà des frontières

Dianne Feeley

• Traduit pour ESSF par pierre Vandevoorde avec l’aide de Deeplpro

Against the Current No. 238, septembre-octobre 2025, Samedi 30 août 2025 :
https://againstthecurrent.org/atc238/trumps-brutal-immigration-policies/

Protocoles sur l’immigration de l’équipe Trump

• Utiliser le budget de 46,5 milliards de dollars prévu pour la construction et le renforcement du mur à la frontière sud, ainsi que pour l’installation d’un système de surveillance.

• Recruter 10 000 agents supplémentaires pour l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) et 8 500 agents pour le service des douanes et de la protection des frontières. Réaffecter du personnel gouvernemental pour aider l’ICE à localiser, détenir et expulser les immigrants.

• Recourir à la loi sur les ennemis étrangers (Alien Enemies Act) pour éviter de devoir respecter les procédures légales.

• Supprimer le statut de protection temporaire (Temporary Protective Status).

• Exiger l’enregistrement de tous les immigrants âgés de 14 ans et plus séjournant dans le pays depuis plus de 30 jours.

• Fusionner et centraliser les données gouvernementales afin de mieux répertorier les immigrants.

• Arrêter et expulser les immigrants et les titulaires de visas étudiants qui expriment des opinions différentes de celles que le gouvernement considère comme étant dans l’intérêt national du pays.

• Assurer l’expulsion des immigrants ayant commis des infractions dans le passé, même s’ils ont purgé leur peine et que leur casier judiciaire a été effacé.

• Construire davantage de centres de détention grâce aux 45 milliards de dollars alloués dans le nouveau budget. Actuellement, l’ICE dispose de 100 centres de détention, avec 41 500 lits. Beaucoup sont gérés par des entreprises à but lucratif.

• Mettre fin à l’application de l’accord Flores qui garantit des conditions de sécurité optimales pour les enfants migrants placés en détention. Cet accord ne s’applique qu’à la frontière, ce qui signifie que les enfants peuvent être séparés de leur famille lorsque celle-ci est arrêtée ailleurs. Il est déjà utilisé lorsque les parents parviennent à éviter d’être expulsés vers un pays qu’ils considèrent comme dangereux. Leurs enfants leur sont retirés afin de les pousser à partir.

• Utiliser des droits de douane/accords pour forcer les pays du Sud à accepter les non-citoyens.• Ignorer les règles et procédures telles que la nécessité d’un mandat judiciaire pour arrêter des immigrants ou l’obligation pour les agents de s’identifier -

• Mettre fin à la pratique des espaces sanctuaires pour les immigrants.

• Mettre fin aux obligations découlant de la Déclaration des droits de l’homme des Nations unies et d’autres protocoles signés par les États-Unis pour accepter les réfugiés ou les demandeurs d’asile. Les réfugiés qui ont été contrôlés pour venir aux États-Unis n’ont pas de chance.• Mettre fin à la citoyenneté par droit de naissance :

• Élaborer une méthode pour expulser les citoyens naturalisés en invoquant la sécurité nationale.

• Réduire les prestations sociales pour les 8,25 millions d’enfants vivant dans des familles mixtes.

• Augmenter considérablement les frais et les pénalités pour toute protection humanitaire.

Against the Current No. 238, septembre-octobre 2025 :
https://againstthecurrent.org/atc238/team-trumps-immigration-protocols/

P.-S.

• Traduit pour ESSF par pierre Vandevoorde avec l’aide de Deeplpro

Notes

[1] Le département américain de la Sécurité intérieure (DHS) est chargé de l’application des lois sur l’immigration. Ses agents des douanes et de la protection des frontières (CBP) sont responsables des points d’entrée, tandis que le service américain de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE) est chargé de contrôler les immigrants à l’intérieur du pays.

[2] Le terme « réfugié » désigne un immigrant déjà présent dans le pays, tandis qu’un « demandeur d’asile » sollicite l’entrée dans le pays.

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