Édition du 16 avril 2024

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Afrique

La démocratie tunisienne est née

Avec l’élection de Beji Caid Essebsi (BCE) au poste de président de la République, le peuple tunisien a officiellement signé l’acte de naissance de la première démocratie en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Après avoir initié le processus de la révolution arabe - un processus qui a d’abord été prometteur avant de connaitre une issue tragique au fur et à mesure qu’il touchera d’autres pays - le peuple tunisien a une nouvelle fois pris ses responsabilités pour parachever son combat démocratique comme il l’avait commencé, de façon déterminée, mais pacifique.

Une leçon pour tous les sceptiques qui continuent de douter de la capacité des peuples de la région à édifier une société démocratique.

Au terme d’une campagne vive et acharnée sur fond d’accusations mutuelles - les partisans de Moncef Marzouki accusant son rival de favoriser le retour de l’ancien régime du dictateur Ben Ali tandis que ceux de Beji Caid Essebsi reprochaient au président sortant d’être le candidat des islamistes d’Ennahdha - les Tunisiens et Tunisiennes ont fait le choix de sanctionner les gestionnaires de la période de transition (2011-2014) et de faire le pari que Nidaa Tounes (parti de BCE) pourra réaliser les objectifs de la révolution.

En quatre ans, depuis le départ forcé du dictateur Ben Ali, le peuple tunisien a été invité à voter librement à quatre reprises.

Quelques actes fondateurs de la démocratie tunisienne :

Octobre 2011 : élection de l’assemblée constituante, moins d’un an après la chute de la dictature. Le parti islamiste Ennahdha arrive en tête, marquant une première désillusion pour les jeunes révolutionnaires qui ne lâcheront pas prise pour autant et continueront à faire pression sur le nouveau pouvoir, pour la réalisation des objectifs de la révolution et pour empêcher l’instauration d’un régime théocratique.

Début janvier 2014 : une constitution est enfin adoptée par l’assemblée constituante, au terme de rudes batailles que les forces de l’opposition ont livrées aux islamistes d’Ennahdha lesquels avaient tenté d’intégrer dans le texte fondamental de dispositions s’inspirant de la Charia avant d’accepter de quitter le pouvoir transitoire pour ouvrir la voie à l’adoption d’un texte plus consensuel.

Octobre 2014 : les élections législatives sont remportées par Nidaa Tounes, large alliance anti-islamiste dirigée par Béji Caid Essebsi, un ancien ministre de Bourguiba. Ennahda arrive deuxième et la Tunisie est dotée d’une assemblée nationale librement élue. Une douzaine de partis y sont représentés.

Novembre et décembre 2014 : l’élection du président de la République marque le début d’une nouvelle ère pour le pays. Une ère que les Tunisiens, mais aussi les peuples de la région, espèrent radieuse et exemplaire.

Les risques du retour de l’ancien régime

L’entrée de la Tunisie dans la démocratie n’est évidemment pas un processus irréversible. La présence, dans le camp de BCE, de figures de l’ancien régime rend en effet possible le retour de la dictature, notamment en cas d’échec des nouveaux décideurs à répondre aux aspirations sociales du peuple tunisien.

Arrivés deuxièmes aux législatives, les islamistes d’Ennahdha sont en embuscade. S’ils décident de ne pas participer à un éventuel gouvernement d’union nationale, ils pourront préparer tranquillement les prochaines échéances électorales en se consacrant à consolider leur cohésion interne et à peaufiner leur programme.

Les résultats du Front populaire (gauche) sont décevants, mais ce parti demeure une force qui compte, notamment lors d’inévitables débats sur les orientations économiques et sociales. Avec une société civile organisée et une jeunesse instruite, les Tunisiens sont bien outillés pour la construction d’une république démocratique et sociale.

Bien sûr, les tentations du retour à la dictature ne sont pas à écarter, mais la vigilance dont la société civile et les travailleurs organisés dans la puissante centrale syndicale UGTT ont fait preuve ces dernières années est la meilleure garantie de la sauvegarde des acquis démocratiques dans le pays.

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