Édition du 22 avril 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Israël - Palestine

La solitude de la Palestine est une solitude fertile

Malgré l’isolement international et l’abandon de la part d’une grande partie du monde face à sa cause juste, la Palestine chante, crée, éduque, sème, résiste… et inspire. Elle inspire des luttes aux quatre coins du globe. Aujourd’hui, la Palestine est pour les peuples en révolte ce que fut le Che Guevara dans les années soixante : un symbole universel de dignité, de fermeté et d’espoir.

Photo Serge d’Ignazio

Oui, les gouvernements les plus puissants de la planète ont abandonné la Palestine, mais pas les peuples. Ce sont les citoyens qui ont fait preuve d’empathie, de solidarité et de conscience. Leurs gouvernements, eux, se sont agenouillés. Par peur de s’opposer à l’impérialisme nord-américain, ils ont choisi la soumission, devenant des sujets dociles de l’empereur du moment à la Maison-Blanche. Jamais ils n’ont osé défendre leurs propres peuples face aux abus de Washington ; ils ont préféré s’aligner sur ces intérêts, même au prix des souffrances de leurs concitoyens.

L’Europe, ces dernières années, nous a offert de nombreux exemples de cette indignité. En septembre 2022, les gazoducs Nord Stream — qui transportaient du gaz de la Russie vers l’Allemagne — ont été sabotés. Aujourd’hui, nous savons, grâce aux déclarations du secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, lors de son entretien avec Tucker Carlson le 7 avril, que des commandos américains ont été impliqués dans cette opération. Ces gazoducs devaient fournir une énergie bon marché à l’Europe sans passer par l’Ukraine, ce qui était inacceptable pour Washington, qui voyait là une menace pour ses milliards de dollars d’intérêts.

Après ce sabotage, l’Europe s’est vue contrainte d’acheter du gaz aux États-Unis à un prix bien plus élevé, acceptant les règles imposées par la puissance nord-américaine. Cette reddition énergétique, sous la présidence de Joe Biden à l’époque, a laissé l’Europe à nu, vulnérable… et ses citoyens entre les mains d’élites politiques lâches et soumises.

Que peut-on attendre d’une Europe qui se soumet au jeu sale des États-Unis, tout en embrassant son allié Netanyahou, malgré le génocide perpétré à Gaza ? Les Palestiniens subissent dans leur chair ce moment historique sombre, où les grandes figures capables de s’élever face à l’injustice et à l’impérialisme brillent par leur absence.

Il y a un an, alors que nous attendions à Istanbul pour embarquer à destination de Gaza sur un bateau qui visait à briser le blocus — bateau finalement bloqué par le gouvernement turc —, je me souvenais d’une image forte : celle de François Mitterrand, en 1992, brisant le siège de Sarajevo et invitant les organisations humanitaires à le suivre. Son geste n’a duré que six heures, mais ce furent six heures sans bombes, six heures de répit pour une ville assiégée. Et surtout, ce fut un geste marquant, un repère moral. Une action qui nous rappelle ce que l’on est en droit d’attendre des dirigeants du monde face à l’horreur.

Pourquoi Sarajevo et pas Gaza ?

Il pourrait y avoir mille réponses, toutes valables selon le point de vue. Mais pour moi, une seule tient : la lâcheté. Une lâcheté généralisée, normalisée, chez les sociétés et leurs dirigeants. Une lâcheté qui envoie un message terrible aux générations futures : n’attendez rien de nous, car nous ne faisons pas partie de la société que nous représentons.

Si des millions de personnes risquent leurs carrières, leurs emplois, leur confort, leur avenir pour défendre la Palestine, le minimum qu’on puisse exiger de nos gouvernants est qu’ils se placent en première ligne de la dénonciation et de l’action. Car ce qui se passe à Gaza est inacceptable au regard de toute conscience humaine.

La Palestine ne souffre pas seulement d’une solitude narrative. Elle souffre d’une censure. Présenter les Palestiniens comme un "problème" au lieu de les reconnaître comme un peuple injustement opprimé transforme ceux qui propagent cette narration en complices d’un génocide. Voler leur voix aux Palestiniens, c’est exactement ce que faisaient tous les régimes infâmes de l’Histoire : le franquisme en Espagne, le nazisme en Allemagne, le fascisme en Italie.

Mais ce qui se passe aujourd’hui est peut-être pire. Car autrefois, les exilés espagnols, allemands ou italiens pouvaient s’informer à travers la presse étrangère sur les atrocités commises dans leurs pays. Aujourd’hui, le récit antipalestinien est quasi universel. Quelques rares et courageuses exceptions subsistent, notamment dans le monde arabe et en Amérique latine. Mais elles sont minoritaires.

Celui qui ne craint pas les processus de déshumanisation en cours ne connaît pas l’histoire qui nous précède en tant qu’espèce. Et de ceux-là, il faut se méfier. Car ce sont les premiers qui, fièrement, tueront. Tout comme ils sont déjà aujourd’hui les premiers à tuer des êtres humains ailleurs sur notre planète.

Manuel Tapial
Membre du Conseil d’Administration de Palestine Vivra

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