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Le Monde

Le G8 tombe d'accord sur quelques formules creuses

20 mai 2012 | tiré du site de Médiapart
De notre envoyée spéciale à Chicago.

À Francfort, ils étaient plus de 20 000, samedi, à manifester contre l’austérité. « Quand l’injustice devient la règle, la résistance devient un devoir », proclamait une pancarte. Ils étaient quelques milliers à Chicago, la ville de Barack Obama, à la veille du sommet de l’Otan. Les dirigeants du G8 – le club regroupant les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne, le Japon, la Russie et le Canada – étaient, eux, retranchés à Camp David, à l’abri derrière un impressionnant dispositif de sécurité, dans la résidence de campagne des présidents américains.

Sous un grand soleil, et dans un cadre champêtre, ils ont défilé devant la presse pour se féliciter – comme à chaque édition – du compromis trouvé après plusieurs séances de travail en petit comité. Sur le fond, les questions économiques y ont pris une large place et le G8 a appelé à soutenir la croissance mondiale, tout particulièrement dans la zone euro, et à y conserver la Grèce (lire ici le communiqué dans son intégralité). Un motif de satisfaction pour le président français qui a fait de la croissance un des axes majeurs de sa campagne.

Mais, tel un commentateur politique, François Hollande a aussitôt relativisé les résultats devant la presse : « Pour rédiger un communiqué, des compromis, des formules doivent être forcément rédigées. Et chacun peut y trouver, c’est le propre de ces sommets, ce qu’il considère comme essentiel : les uns, le rappel de la consolidation budgétaire, d’autres, les réformes structurelles, pour ce qui me concerne, la croissance. Ce qui fait que, souvent, à la fin de ces réunions tous ceux qui s’expriment devant la presse disent qu’ils ont obtenu un grand succès. »

Hollande, lui, a indiqué qu’il ne voulait pas « jouer de ce registre ». Avant de se dédire aussitôt : « En revanche, il apparaît d’évidence que la croissance a été le grand sujet de ce G8. » Le président français, qui a, sur la forme, parfaitement maîtrisé l’exercice, s’est aussi félicité que figure dans le communiqué final la mention d’une nécessaire recapitalisation des banques. Il s’était déjà inquiété, la veille, à Washington, de la santé des banques espagnoles qu’il voudrait voir recapitalisées via le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Quant à la Grèce, le G8 a fermé la porte à un « grexit », – contraction de Grèce et exit inventée par les opérateurs de marché – que le ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble et la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, ont semblé encourager cette semaine. Mardi soir, à Berlin, Hollande et Merkel avaient déjà affirmé leur souhait de voir Athènes rester dans l’euro. Mais « dans le respect des engagements pris », précise le G8. Pas question donc d’évoquer une remise en cause, ni même un assouplissement des mesures d’austérité, rassemblées dans un memorandum signé avec « la Troïka » (Commission européenne, BCE, FMI) majoritairement rejeté lors des élections législatives, il y a deux semaines.

« C’est un club de riches et de puissants »

Interrogé sur le sujet, François Hollande s’est lancé samedi dans explication alambiquée : « Les engagements doivent être tenus. Mais j’ai ajouté que si nous voulons que la Grèce puisse honorer ses engagements, nous devons accompagner la croissance, ce qui suppose des mesures qui ne sont pas une remise en cause des obligations qui pèsent sur la Grèce, mais qui permettent aux obligations d’être facilitées. » Plus tôt dans la journée, le chef de l’État avait plus clairement indiqué que « la Grèce reste dans la zone euro mais doit être accompagnée par l’Europe pour stimuler sa croissance ».

Le président français a par ailleurs marqué une légère différence de ton avec la chancelière Angela Merkel, et insisté sur le respect de la liberté de vote des Grecs. Un tacle indirect aux rumeurs de référendum exigé par Berlin lors du nouveau scrutin prévu en Grèce le 17 juin.

Mais en réalité, Hollande et ses camarades du G8 espèrent que les partis favorables au memorandum, le Pasok et Nouvelle démocratie, sortent vainqueur du prochain scrutin. Candidat à la présidentielle, il ne s’était jamais opposé frontalement aux plans d’austérité imposés au Sud de l’Europe, tout comme il n’avait jamais remis en question les objectifs de réduction des déficits publics en France. Il craint aussi que toute déclaration divergente ne provoque une tempête sur les marchés et… la colère de Merkel. François Hollande ne veut pas non plus sembler donner raison à la gauche radicale grecque. Un scénario qui inquiète les gouvernements de droite ou de coalition, en Espagne et en Italie. Or, le président français mise sur le soutien de ces deux pays lors du conseil européen informel du 23 mai, avant le rendez-vous officiel de fin juin.

Samedi, Hollande a fait plusieurs appels du pied à l’Italien Mario Monti. « C’est vrai que la dimension de croissance a été largement soutenue (au G8 – ndlr), et pas simplement par le président Obama ou moi-même, mais par d’autres participants comme Mario Monti », a-t-il déclaré. Il a également promis qu’il présenterait ses propositions détaillées le 23 mai : « Dans ce paquet, il y aura les eurobonds, et je ne serai pas le seul à les proposer », a-t-il ajouté. Hollande, Merkel et Monti sont convenus de se réunir à Rome pour préparer le conseil de fin juin. Quant à Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, François Hollande pourrait le recevoir à déjeuner mercredi, avant la réunion de Bruxelles.

Quelques heures après son entretien avec Barack Obama vendredi, une journaliste avait rappelé à François Hollande une phrase qu’il avait prononcée en 2003 dans le JDD à propos du G8 : « C’est un club de riches et de puissants, qui émet des vœux et invite parfois à sa table les plus pauvres sans rien changer aux déséquilibres du monde. » Neuf ans plus tard, le socialiste rétorque : « Il y a une différence, c’est que j’y suis maintenant. Ce qui peut me permettre, si j’en faisais le même constat, de faire bouger les choses. » Pas sûr que les manifestants de Francfort ou de Chicago, les Grecs, les Espagnols et les Italiens étouffés par l’austérité, en soient encore convaincus.

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