Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Le blues de Montréal

Denis Coderre a « triomphé » hier dans un exercice perverti qu’on appelle les élections municipales avec 30% des 40% de l’électorat qui a voté. Je ne suis pas fort en maths, mais je crois que cela veut dire moins de 12 % des gens qui ont voté pour ce vieux politicien qui a été mêlé à toutes les magouilles politiques imaginables et imaginées. Est-ce une consolation de constater que c’est la norme un peu partout au Québec ? C’est ce qui explique que tant de villes sont capturées par de petites élites sans envergure, quand ce n’est pas pire. C’est la même chose aussi dans la « démocratie » canadienne, quand on sait qu’Harper a été élu par à peine 25 % de la population. À quelques exceptions près, la politique municipale est devenue le royaume des vendeurs de chars, des raconteurs d’histoires, des p’tits politiciens au sens le plus crasse de la chose, majoritairement liés aux gros appareils pourris du PLQ et du PLC. Derrière eux et elles, il y a une armée de « spins », fabricants d’images, manipulateurs d’opinions et autres organisateurs de mensonges et d’illusions, relayés par le réseau Quebecor et les autres médias-poubelles. Ce sont eux qui emportent la mise en fin de compte.

Elvis Gratton

C’est ainsi que Mélanie Joly a été transformée en « candidate du changement ». Cette avocate représente bien la génération de requins qui cherchent à coloniser ce qui reste de l’espace politique. On risque de la voir longtemps avec ses accointances réactionnaires, et dont la méthode éprouvée est de dépolitiser les enjeux. « Votez pour moi, j’ai les dents plus blanches que les autres ». Entre-temps, les médias poubelles ont systématiquement diabolisé Luc Ferrandez, présenté comme un « dangereux gauchiste » coupable d’avoir remis le Plateau dans les mains des citoyens et des citoyennes. Fait à noter, tous les Elvis Gratton dans le genre de Coderre et Labeaume disent de pas faire de la politique : ils sont là pour « administrer », ce qui bien sûr n’est pas politique. Ils veulent « servir les citoyens », ce n’est pas non plus politique. Ce langage des élites et de la droite est fait sur mesure pour éloigner les gens des véritables enjeux, voire pour les dégoûter de la politique. Et ça marche, en partie à cause des immenses moyens qui sont investis, ouvertement ou non, dans ce cirque.

Une chance que …

Ce n’est pas partout comme cela, une chance. À Sept-Îles, une ville aux grandes traditions syndicales, notre camarade Réjean Porlier, le président du Syndicat des technologues d’Hydro-Québec a été élu. Réjean se bat depuis des années pour faire le lien entre la défense de ses membres et les grandes batailles qui concernent tout le monde. D’où son opposition à un projet de mine en plein cœur de sa ville, fortement appuyé par la misérable Chambre de commerce et les grandes compagnies minières, dont les candidats ont mordu la poussière. Fait à noter, Réjean a eu la vie dure à la FTQ dont le « cheuf » Michel Arseneault voulait s’assurer que les syndicalistes ne fassent pas de méchante politique et se contentent de vendre des actions du Fonds de solidarité dans des opérations dont parle la Commission Charbonneau. On souhaite bonne chance à Réjean. D’autres candidats comme le nouveau maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin et celui de Sorel-Tracy, Serge Péloquin, ont mené des campagnes sur des questions importantes, notamment environnementales. Enfin, il faut s’encourager de la percée des candidats de Projet Montréal dans plusieurs arrondissements.

Où était le mouvement populaire ?

Depuis des décennies, les organisations communautaires et les syndicats font des « colloques » sur les questions urbaines. On ne compte plus les centaines d’ateliers et de conférences pour décortiquer les enjeux, et auquels ont participé des milliers de personnes. Je pense notamment aux Sommets citoyens qui ont eu lieu plusieurs années à Montréal. Malheureusement ces processus, à part les milliers de pages de recommandations, n’ont abouti à rien. Comment expliquer ce paradoxe ? L’ancienne gauche municipale associée au RCM, qui avait politiquement démissionné et pire encore, qui s’était associée à Gérald Tremblay, un autre champion de la « bonne gestion » dont on connaît la triste fin politique, doit être sévèrement jugée. Mais cela n’est pas suffisant pour expliquer comment une ville pleine de militants et de militantes est dans le triste état actuel. Il faut questionner le soi-disant « apolitisme » qui sévit dans certaines composantes des mouvements et même de la gauche. On ne veut pas se « mouiller », on se réfugie dans le « moralisme », on parlotte, mais globalement, on ne fait rien, sinon que de faire des colloques. Cette tendance, je le crains, dépasse la question municipale. Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les mouvements s’impliquent aux côtés de Québec Solidaire, par exemple ? Si rien ne se passe de ce côté, on sera pognés encore longtemps avec ces autres raconteurs, menteurs et hypocrites qui dirigent le PQ, le PLQ et la CAQ !

Fenêtre d’opportunités

En tout cas, il y a peut-être une fenêtre d’opportunités avec Projet Montréal, qui a une base populaire organisée, proche de celle de Québec Solidaire, qui va au-delà de l’approche « bon gestionnaire » qu’a voulu imprimer Richard Bergeron, malheureusement. Est-ce que tout cela peut donner un nouveau souffle ? Il faudra que les mouvements et la gente militante en général se décident. Ils devront un peu forcer la porte et faire en sorte que Ferrandez et d’autres reconstituent une grande alliance du Montréal qui veut que ça change, et qui est majoritaire, comme cela a été démontré avec les Carrés rouges.

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