Édition du 26 mars 2024

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Le retour des femmes au foyer ?

Ramener les femmes au foyer. Tel est, semble-t-il, ce que cherchent les politiques actuelles de sortie de crise. Des politiques qui ont une claire orientation idéologique, tant au niveau économique que social.

Dans la mesure où l’on coupe dans les services publics de base, comme la santé et l’enseignement, et dans des prestations sociales diverses, comme la Loi de Dépendance, il y a tout un travail de soin, invisible mais nécessaire, qui finit par retomber, majoritairement, sur les femmes. L’attaque frontale contre un Etat Providence en piteux état, de même que le transfert du coût de la crise sur les secteurs populaire se fait sur notre dos.

Ce n’est pas pour rien que le système capitaliste se perpétue dans une bonne mesure à partir du travail domestique non salarié que nous, les femmes, réalisons surtout au foyer. Une quantité de travail énorme, non rémunéré, dont on ne peut se passer et dont le capitalisme a besoin pour subsister.

A peine arrivé au pouvoir, le gouvernement du PP avait annoncé une réduction de 283 millions d’euros dans déjà très anémique Loi de Dépendance, l’entraînant au bord de la disparition. Une mesure qui, outre qu’elle laisse quelques 250.000 personnes sans aide et rend quasiment impossible son octroi à de nouveaux bénéficiaires, a augmenté la pression sur les femmes. Les soins qui ne sont déjà plus assumés par l’administration publique retombent dans le domaine privé, dans le foyer et tout particulièrement sur les mères et les filles de personnes dépendantes. Le bien être familial se maintient par l’augmentation du travail domestique.

Si, nous analysons les chiffres des personnes inactives en 2010 fournit par l’Institut National de Statistiques (INE) ; 96,4% des personnes qui avaient déclaré ne pas chercher du travail pour raisons familiales (élever les enfants, s’occuper d’adultes malades, de personnes handicapées, etc.) étaient des femmes. Et dans la mesure où elles ont des enfants, leur taux d’occupation diminue. Sans enfants, le taux d’emploi des femmes se situait à 77%, tandis qu’avec enfants il était de 52%. Par contre, le taux d’occupation masculin n’en était pas affecté et il augmentait même dans le cas d’hommes ayant des enfants. Conclusion : la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée se réalise grâce à l’exclusion du travail, à la précarité et/ou à des rythmes de vie frénétiques et intenable pour de nombreuses femmes.

D’autres mesures prises par le gouvernement, telles que le gel des pensions et l’allongement de la période de calcul pour la cotisation de pension, ont également des conséquences très négatives pour nous. Une plus grande présence dans l’économie informelle et, bien souvent, une vie professionnelle intermittente, du fait des soins à des personnes dépendantes, rendent difficile d’atteindre les annuités de cotisation minimales.

Les femmes sont en tête des emplois mal payés et socialement dévalorisés. Sur l’ensemble des contrats à temps partiel, 77,6% sont occupés par des femmes. Et la précarité de l’emploi, encore plus encouragée par la dernière réforme du travail, rend d’autant plus difficile de garantir notre autonomie et la conciliation d’une vie personnelle et familiale. Ainsi, il est important de souligner que les deux sexes ne partent pas sur un pied d’égalité sur le marché du travail. Les femmes gagnent en moyenne près de 22% en moins par an que les collègues masculins, selon la dernière Enquête Annuelle sur la Structure des Salaires publiée en 2009 par l’INE, et cette discrimination salariale augmente avec le niveau d’études.

Outre ces coupes dans nos droits sociaux et du travail, nous devons affronter une offensive réactionnaire croissante contre nos droits sexuels et reproductifs. Le projet de réforme du PP sur la Loi d’Avortement, qui veut limiter encore plus les conditions, les délais et les cas concernés pour avorter, et qui nous fait revenir plusieurs années arrière, n’est que la pointe de l’iceberg de politiques qui cherchent à imposer un modèle de sexualité hétérosexuel, axé sur la reproduction, et à contrôler la capacité reproductive des femmes. Ils ne veulent pas que nous ayons le droit de décider de nos propres corps ni de nos vies, de là découle la menace d’un châtiment pénal en cas d’avortement.

En ce 25 novembre, nous revendiquons cette journée contre la violence machiste afin de rendre visible une violence invisible mais quotidienne et persistante contre les femmes, qui ne fait que s’aiguiser dans le contexte actuel de la crise. Au second trimestre 2012, les plaintes pour violence machiste ont augmenté de 5,9% par rapport aux trois premiers mois de l’année. Et les femmes qui souffrent de ces situations sont de plus en plus mal aidées à cause des réductions des ressources publiques.

La CiU (Convergence et Union, parti nationaliste de droite au pouvoir en Catalogne, NdT) a convoqué pour aujourd’hui, 25 novembre, des élections pour le Parlement catalan et la Junte Electorale a interdit la manifestation qui devait avoir lieu et qui, de toute façon, se maintien. Mais, comme le signale la Section Femmes de la Fédération des associations des Voisins de Barcelone : « ce n’est pas la manifestation des collectifs féministe qui coïncide avec le rendez vous électoral, c’est au contraire l’appel au urnes qui se produit un 25 novembre ». Un fait qui prouve, une fois de plus, l’intérêt politique pour cette question qui est équivalent à zéro.

La sortie de crise actuelle cherche à nous ramener au foyer et à nous faire reprendre des rôles familiaux, catalogués par genre d’une manière rétrograde. Il s’agit d’une offensive en règle contre nos droits économiques et reproductifs. Mais nous n’allons pas nous laisser faire. Qu’importe si cela déplait à certains, mais c’est nous qui décidons. Le retour des femmes au foyer ? Même pas dans vos rêves !


*Esther Vivas est coauteure de « Planeta indignado » (éditions Sequitur) et membre du Centre d’Etudes sur les Mouvements Sociaux (CEMS) de l’Université Pompeu Fabra.

**Source : http://www.publico.es/446377/las-mujeres-de-vuelta-al-hogar
***Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera.


Esther Vivas

Auteur de "En campagne contre la dette” (Syllepse, 2008), co-coordinatrice des livres en espagnole "Supermarchés, non merci" et "Où va le commerce équitable ?" et membre de la rédaction de la revue Viento Sur (www.vientosur.info).

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