Édition du 26 mars 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

S’entêter

Maintenant que le Forum social des peuples est terminé, l’heure est au bilan. C’est comme cela qu’on pourra aller plus loin. À vue de nez, le Forum a été un succès. La participation y était, la qualité des interventions, l’atmosphère conviviale. Parmi les 50 Forums où j’ai participées depuis 2001, c’était un bon forum. Ce n’est pas un mince accomplissement.

Pour autant, on se souviendra de ce Forum, comme d’autres forums réussis, si quelque chose s’en suit. Il y avait dans ce forum deux « utopies » (au sens noble du terme). La première utopie, c’est de constituer une alliance efficace contre la « menace » Harper. C’était sous-jacent au Forum et c’est ce qui ressort aussi de la déclaration des Mouvements sociaux. C’est un bon pas, mais un pas seulement. En effet, une telle convergence serait réellement effective si on avait une alternative politique, quitte à ce que ce soit une alternative avec un petit a, et non un grand A. Mais ce n’est pas le cas actuellement. Le NPD, pour 1000 raisons, ne l’est pas, même si tactiquement, on pourra décider de l’appuyer, ou plutôt d’appuyer tout-ce-qui-n’est-pas-harper. Cela manque de force, mais il faut s’y faire. Une option un peu plus riche serait de présenter dans 4 ou 5 comtés des candidats émanant du mouvement populaire pour au moins démontrer, symboliquement, qu’on a des idées. C’est ce qui avait été fait avec la candidature de Paul Cliche dans Mercier en 1997. C’était avant la création de Québec Solidaire, et même avant le regroupement de la gauche. Avec Paul, on avait réussi à envoyer un message, « peut-être qu’on est capables ». Avec Harper, cela est-il pensable ? Il faudrait voir…

L’autre utopie du Forum est à la limite plus complexe. Il y a un fait historique dans ce qu’on appelle le Canada, c’est que les dominants ont régné sans partage en divisant les peuples, les uns contre les autres. Les révoltes ont été toujours isolées, comme celle des Patriotes de 1837. L’État fédéral, le seul véritable État, nous rentre dedans, en jouant sur les préjugés contre les Québécois-es et les autochtones. Si le mouvement s’émancipation sociale a rejoint celui de l’émancipation nationale, il y avait des raisons. En admettant qu’on prenne conscience de la nécessité de converger avec nos amis canadiens, il faudrait que certaines conditions soient remplies. En premier lieu, le droit du peuple québécois à l’autodétermination doit être reconnu, non pas du bout des lèvres par quelques obscurs groupes d’extrême-gauche, mais par les grands mouvements, les syndicats par exemple. Plus encore, il faut être clair que l’État fédéral actuel n’est pas « réformable », que son « code génétique » est construit sur l’oppression, la manipulation et l’humiliation. Une fois dit cela, on comprend donc que ce n’est pas un autre gouvernement, même plus sympathique que celui de Harper, qui va régler notre problème. Si on est optimistes, on peut penser que cette idée fait son chemin au Canada dit anglais (on oublie souvent qu’il y a des minorités francophones importantes ailleurs qu’au Québec).

Les camarades qui « oublieraient » cela, sous prétexte de constituer une alliance rapide contre Harper, feraient, je crois, une erreur stratégique. On ne peut pas flusher la question nationale comme un vieux kleenex. Cette question nationale n’a rien à voir avec la misérable réduction frileuse que le PQ met de l’avait depuis plusieurs années.

Il faut donc accepter le fait qu’il y a toute une côte à remonter pour que soient établis de vrais liens de solidarité.

Cela ne peut pas prendre 15 minutes, mais si on commence aujourd’hui, peut-être que …

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