Édition du 26 mars 2024

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Arts culture et société

« Sept hivers à Téhéran », le combat pour la liberté

Documentaire choc, « Sept hivers à Téhéran » de Steffi Niederzoll retrace l’histoire de Reyhaneh Jabbari, pendue pour avoir poignardé un homme qui voulait la violer, et éclaire l’oppression faite aux femmes en Iran.

Tiré de Médiapart.

Reyhaneh Jabbari est morte quelques jours avant ses 27 ans. Elle a été pendue le 25 octobre 2014 après sept ans de détention dans les geôles iraniennes et un simulacre de procès, pour avoir poignardé un notable qui tentait de la violer, un ancien agent des services secrets, Morteza Abdolali Sarbandi. Elle a été pendue par Jalal, le fils aîné de son agresseur.

Œil pour œil, dent pour dent. Reyhaneh Jabbari a été exécutée en vertu de la qisâs, la loi du talion en Iran. Elle aurait pu échapper à la pendaison à une condition, décrétée par la famille du défunt Sarbandi, par le fils précisément : qu’elle revienne sur la vérité, qu’elle déclare n’avoir jamais été victime d’une tentative de viol. Pas question.

« Supporter l’injustice, c’est encore plus dur que mourir », a répondu Reyhaneh Jabbari à sa mère Shole Pakravan, qui la pressait, de parloir en parloir, de se plier au mensonge, prête à tout pour sauver la vie de sa fille aînée dans cet Iran patriarcal, totalitaire, qui considère la femme comme la moitié d’un homme. Reyhaneh Jabbari a convoqué ses lectures de Nietzsche : « Pour faire vivre une valeur, il faut persévérer, même dans la mort. »

Neuf ans plus tard, un documentaire bouleversant (voir la bande-annonce), réalisé par l’Allemande Steffi Niederzoll, rend hommage à son courage, sa résistance, sa dignité : Sept hivers à Téhéran. Hasard du calendrier : il sort dans les salles à l’heure de la répression extrême d’un soulèvement inédit en Iran contre la dictature des mollahs après l’assassinat d’une jeune étudiante, Mahsa Amini, frappée à mort par la police de la moralité pour un voile « mal porté ». Un soulèvement qui a pour mot d’ordre principal : « Femme, vie, liberté », la même quête que Reyhaneh Jabbari.

Grâce à des notes, des lettres, transmises aux siens pendant ses années de prison, en déjouant la censure des autorités pénitentiaires, grâce à des sons et des images enregistrées clandestinement – si les vidéos sont parfois floues, instables, elles sont fort précieuses –, Reyhaneh Jabbari reprend vie à l’écran sous la voix de l’actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi, une survivante contrainte à l’exil pour échapper aux coups de fouet de la théocratie.

« Je vais mourir. Je suis condamnée à mort par pendaison. J’ai peur que la corde me gratte le cou. » Steffi Niederzol réussit à nous propulser dans les pensées de Reyhaneh Jabbari, qu’on suit dans les sinistres cachots d’Evin ; dans ceux de Shahré Rey, la plus grande prison pour femmes de Téhéran, au milieu des plus opprimées, celles qui ne connaissent que la détention ou la rue ; dans le bureau des juges qui sous-entendent qu’elle aurait dû se laisser violer pour porter plainte ensuite ; puis dans le couloir de la mort pour avoir résisté à un viol dans un pays où la légitime défense d’une femme ne vaut rien, annonçant à sa mère qu’ils viennent la chercher pour l’exécution.

Et au milieu, des vidéos, des photos de famille, où Reyhaneh Jabbari rit, se rêve femme libre et moderne, décoratrice d’intérieur, avec ses sœurs, Sharare, Sharzad, leur mère Shole Pakravan et leur père Feyredoon Jabbari. Sept hivers à Téhéran est aussi un film sur ce quatuor soudé par l’amour, affrontant la barbarie, la douleur, l’injustice, espérant jusqu’à la dernière seconde que leur fille, leur sœur ne finisse pas à la potence. Une famille aujourd’hui séparée – la mère et les filles sont réfugiées en Allemagne, le père bloqué en Iran, interdit de passeport.

Pour eux, ce film aura été une épreuve autant qu’une thérapie. Et une urgence : la lutte pour les droits des femmes, le combat contre la peine de mort dans le pays qui la pratique le plus au monde après la Chine. Reyhaneh Jabbari ne doit pas être un chiffre parmi les milliers de condamné·es à morts, pendu·es à l’issue de procès iniques, d’actes de torture, par le régime des mollahs. « Ma fille voulait que je la laisse partir avec le vent, que je la laisse partir pour enfin trouver la paix, explique Shole Pavrakan. Le film et le livre que nous écrivons avec Steffi pourraient être ces ailes. Je veux que son histoire traverse le monde. »

Rachida El Azzouzi

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