17 septembre 2025 | Le Journal des Alternatives | Photo : @DeptofWar Département de la Guerre
https://alter.quebec/tensions-dans-les-caraibes-le-petrole-venezuelien-le-veritable-enjeu-des-interventions-des-etats-unis/?utm_source=Cyberimpact&utm_medium=email&utm_campaign=Les-Actus-dAlter-du-18-septembre-2025
Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, le ministre a assuré que ce déploiement vise à garantir la défense de la souveraineté nationale et à couper les routes utilisées par le narcotrafic international. Le président Nicolás Maduro a complété cette annonce en ordonnant la mobilisation de 25 000 militaires, tant à la frontière avec la Colombie que sur la côte caraïbe.
Narcotrafic et souveraineté : deux récits en conflit
La décision de Caracas intervient dans un contexte de frictions croissantes avec Washington. Deux interventions des États-Unis se sont soldées par la destruction de deux embarcations et la mort de onze personnes dans le premier cas, et de trois personnes lundi 15 septembre. Le gouvernement vénézuélien a dénoncé cette action comme une violation de sa souveraineté, tandis que les États-Unis l’ont justifiée comme faisant partie de leur stratégie régionale de lutte contre les drogues.
Cependant, les données récentes de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) nuancent le récit des États-Unis. Le Rapport mondial sur les drogues 2025 confirme que le Venezuela ne produit pas de coca ni d’autres drogues illicites à grande échelle et que son rôle comme voie de transit est minime comparativement à d’autres corridors régionaux. Selon le document, la majeure partie du flux de cocaïne vers les États-Unis transite par le Pacifique colombien et équatorien, tandis que seulement 5 % passent par le Venezuela.
En revanche, le rapport identifie les États-Unis comme le plus grand marché mondial de consommation de drogues, avec plus de 70 millions de personnes consommatrices en 2023, dont environ 50 millions présentent des troubles liés à la consommation.
L’enjeu du contrôle du pétrole

Au-delà du discours antidrogue, plusieurs analystes soulignent que la lutte pour le contrôle du pétrole au Venezuela constitue un enjeu stratégique. Avec 17,1 % des réserves de pétrole dans le monde selon une étude de GeoSphere Austria (2024), le Venezuela se positionne aux côtés de l’Arabie saoudite et de l’Iran comme l’un des trois pôles stratégiques alors que les réserves mondiales de pétrole pourraient s’épuiser d’ici 50 ans.
Par ailleurs, plus lourd, le pétrole vénézuélien constitue un avantage par sa qualité, dans un contexte de raréfaction du pétrole léger de type iranien ou sibérien, et de demande croissante pour le pétrole lourd.
Soutiens et oppositions
La Chine et la Russie ont apporté leur soutien à Caracas, défendant son droit à l’autodétermination. En Amérique latine, les réactions sont partagées. La Communauté des États latino-américains et caraïbes (CELAC) a publié un communiqué, signé par la majorité de ses membres, réaffirmant le caractère de la région comme « zone de paix » et exprimant son inquiétude face à la présence militaire extrarégionale. Des pays comme le Brésil, le Mexique, la Colombie et l’Uruguay, entre autres, ont appuyé cette déclaration. Toutefois, des pays comme l’Argentine, le Pérou et l’Équateur se sont abstenus de la signer.
Le président colombien, Gustavo Petro, s’est montré catégorique en rejetant le récit états-unien, appelant à un dialogue régional : « Nous ne pouvons permettre que des récits externes imposent des conflits dans notre région. Le narcotrafic est un problème mondial qui exige des solutions multilatérales, et non des interventions unilatérales. »
En revanche, des secteurs de l’opposition au Venezuela ont critiqué l’utilisation du narcotrafic par le gouvernement comme stratégie politique pour rallier des appuis internes.
Au-delà des Caraïbes : le débat mondial sur les drogues
Ce contexte ouvre également un débat plus large sur l’efficacité des politiques antidrogues mondiales. Des organismes comme l’ONU et des références comme Noam Chomsky ont souligné que la soi-disant « guerre contre la drogue » a souvent servi de prétexte à des interventions militaires et géopolitiques, sans parvenir à réduire la consommation dans les pays les plus touchés.
Aux États-Unis, le problème de la consommation s’est aggravé avec la crise des opioïdes synthétiques, responsables de dizaines de milliers de décès chaque année. Parallèlement, la production et l’exportation de cocaïne se concentrent dans des pays où des bases militaires états-uniennes sont présentes, comme la Colombie, le Pérou et l’Équateur, ce qui soulève des questions sur l’efficacité réelle des stratégies mises en œuvre.
Le Venezuela sur l’échiquier mondial
Depuis les élections contestées de 2024, le Venezuela s’enfonce dans un autoritarisme de plus en plus marqué. Le gouvernement de Nicolás Maduro a renforcé la répression ciblant journalistes, syndicalistes, universitaires et défenseurs des droits humains. Plus de 2 000 arrestations ont été recensées, tandis que des figures critiques du régime, y compris issues de la gauche, sont accusées de comploter avec des puissances étrangères. Des institutions académiques et des ONG environnementales sont également visées, dans le cadre d’une stratégie de criminalisation du dissensus. Cette dérive autoritaire affaiblit l’unité des mouvements populaires, pourtant essentiels pour résister à l’ingérence étrangère.
Sur le plan international, le Venezuela occupe une position stratégique dans un monde marqué par la compétition énergétique. Le soutien de la Chine, de la Russie et de la CELAC montre qu’il ne sera pas isolé, malgré les pressions exercées notamment par les États-Unis. Ces derniers, via leur présence militaire et leurs sanctions, alimentent les tensions géopolitiques, exacerbant les fractures internes du pays. Le respect de la souveraineté vénézuélienne apparaît dès lors comme un enjeu central, tout comme la capacité des peuples latino-américains à s’autodéterminer sans intervention extérieure.
Ainsi, le Venezuela se trouve au cœur d’un double conflit : interne, à travers la répression des voix dissidentes ; externe, par son instrumentalisation dans des luttes d’influence mondiales. La résolution de cette crise passera par un équilibre délicat entre souveraineté, démocratie et respect des droits fondamentaux.
Sources :
• Office des Nations Unies contre la drogue et le crime 2025, Rapport mondial sur les drogues.
• GeoSphere Austria 2024, Rapport sur le pétrole et le gaz.
• Présidence du Venezuela 2025, communiqués officiels, septembre.
• CELAC 2025, Communiqué sur la présence militaire extrarégionale, septembre.
• Association internationale d’économie énergétique 2023, Energy Economics Journal.
• Agence internationale de l’énergie (AIE) 2024, World Energy Outlook 2024.
• Administration de l’information énergétique des États-Unis 2025, Petroleum Supply Monthly.
• Gounder, R. 2019, Processing of Heavy Crude Oils.
Un message, un commentaire ?