Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Back to the future

La médiacratie continue de s’extasier sur Trudeau, ce qui concorde tout à fait avec la domination actuelle de l’« infotainment » sur ce qu’on appelle encore l’information. Plutôt que les questions de fonds, c’est bien plus intéressant de montrer Trudeau distribuer des nananes à l’Halloween. C’est lamentable, mais ce n’est pas nouveau. Trudeau le père avait lui aussi un grand art pour mater les médias complaisants. Ses pirouettes et ses grimaces comptaient davantage que ses politiques.

Il faut se rappeler que le gouvernement canadien sous Trudeau est resté dans la lignée des États-Unis et de l’OTAN sur ce qu’on peut appeler l’« essentiel », dont l’hostilité aux mouvements de libération dans le tiers-monde. Vous souvenez-vous que le gouvernement Trudeau a été l’un des premiers à reconnaître le dictateur Pinochet ? Avez-vous oublié que le grand Canada démocratique appuyait les pratiques coloniales du Portugal en Angola ? On ne pense pas au fait que Trudeau ne voulait rien savoir d’établir des liens avec le mouvement de Nelson Mandela et encore moins d’imposer des sanctions contre le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Personne ne parle de ses affinités avec la dictature de Marcos aux Philippines. Ne parlons pas de l’hostilité totale à la cause palestinienne, faiblement masquée du fait que les Casques bleus déployés au Sinaï étaient essentiellement là pour entériner la conquête des territoires arabes par Israël et assurer la protection, en vérité, de l’État colonial.

On se souvient par contre des embrassades de Trudeau avec Fidel Castro, ce qui faisait bien l’affaire des États-Unis, en passant, qui voulaient un porteur de messages, un « honnête courtier » comme on disait à l’époque. Entre-temps, le Canada était au premier rang pour appuyer les manœuvres de l’OTAN. Il était membre d’une « commission de contrôle » au Vietnam essentiellement pour justifier les prédations et les massacres des États-Unis tout en facilitant la tâche des producteurs canadiens qui exportaient à plein régime des armements pour permettre aux Gis de tuer. Et les médias, toujours égaux à eux-mêmes, disaient du Canada qu’il était un pays pacifiste.

Voilà le bel héritage laissé par le père à son fils.

Aussi face aux grands enjeux actuels, il ne faudrait sans doute pas s’attendre à des miracles. Il y a deux alignements qui vont rester essentiels. D’une part, le Canada de Trudeau va rester un fidèle partisan des accords de libre-échange, bref de la « globalisation » néolibérale que visent à imposer les États-Unis et leurs alliés-subalternes sur le reste du monde. Deuxièmement, Trudeau va demeurer sous le parapluie américain dans ses grandes manœuvres, certes avec moins de vulgarité que Harper, mais avec autant de détermination.

En Europe, la priorité de l’empire dont le Canada est un relais est de coincer la Russie, de l’encercler, de la diminuer et éventuellement de la désarmer. L’Ukraine, la Géorgie, la Pologne, les pays baltes sont devenus autant de pions sur un grand échiquier où on appuie n’importe qui, y compris des fascistes et des militaristes, du moment qu’ils nuisent à Moscou. L’ennemi de mon ennemi est mon ami.

Au Moyen-Orient, il faut sécuriser le périmètre pour empêcher la Russie et la Chine de trop prendre de place avec ses alliés régionaux (dont l’Iran). Pour cela, il faut empêcher un processus de paix réel. C’est ce que fait Washington en Syrie, en Irak, en Palestine, au Yémen et en Libye, pour maintenir l’état de déstabilisation actuel. D’où la politique à deux visages de s’opposer à Daesh tout en le laissant continuer de semer la terreur avec leurs alliés turcs et saoudiens. Je serais bien surpris si Trudeau imposait un autre cours. À cela s’ajoute l’appui indéfectible à Israël, la « seule vraie démocratie » dans la région dixit Trudeau, ce qui impose de fermer les yeux sur le massacre des Palestiniens.

Certes une fois cela dit, on ne va pas s’ennuyer de Harper qui avait eu l’outrecuidance de dire ce qu’il faisait et de faire ce qu’il disait, contrairement à la tradition libérale. On peut s’attendre aussi à quelques changements cosmétiques, à quelles entourloupettes et photos de familles, comme à l’époque du papa.

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