Édition du 26 mars 2024

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Canada

Défendre le droit à la contestation démocratique

Greenpeace était invitée aujourd’hui à se prononcer devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale sur le projet de loi antiterroriste C-51. Représenté(e)s par Joanna Kerr, directrice générale de Greenpeace Canada, et Keith Stewart, responsable de la campagne Climat-Énergie, nous avons salué cette opportunité pour soutenir l’initiative de plus de 100 experts juridiques appelant les parlementaires à enterrer ou à modifier ce projet de loi, qualifié de « projet dangereux ». Nous vous partageons ici une partie du discours.

Tiré du site de Greenpeace Canada.

« Pensons-nous vraiment protéger la sécurité nationale en limitant les droits des citoyens de manifester contre la corruption, le racisme ou la pollution ?


C’est exactement ce que le projet de loi C-51 suggère. Les experts juridiques Craig Forcese et Ken Roach ont démontré que cette loi peut être utilisée pour viser les mouvements de contestation démocratiques engagés dans des luttes. 


En se basant sur des propos publics tenus par des ministres, ainsi que sur des documents internes du gouvernement et de la GRC, nous avons de fortes raisons de craindre que ces pouvoirs soient utilisés contre les personnes qui militent en faveur de la protection de l’eau potable et des écosystèmes et qui souhaitent lutter activement pour éviter d’importants dérèglements climatiques. 


Greenpeace n’est pas la seule à exprimer des craintes au sujet de ce projet de loi qui considèrerait les activistes et les Premières Nations militant en faveur de l’environnement comme étant une menace à la sécurité nationale. Plus de cent experts juridiques ont rédigé une lettre ouverte adressée au Parlement pour appeler à modifier ou à enterrer cette loi qui, selon eux, représente une menace à l’État de droit, aux droits protégés et à la démocratie du Canada. De plus, ils affirment que cette loi pourrait être non seulement inefficace dans la lutte contre le terrorisme, mais qu’elle risque en fait de nuire aux efforts antiterroristes déjà en place.


Nous partageons ces inquiétudes, mais aujourd’hui nous voudrions jeter la lumière sur ce que ce projet de loi pourrait entraîner au niveau du débat démocratique dans ce pays.


Le gouvernement affirme que les nouveaux pouvoirs octroyés au SCRC ne seront pas utilisés contre ses opposants politiques. Si tel est le cas, le gouvernement a donc le pouvoir et le devoir, en tant que législateurs, de rédiger cette loi afin qu’elle ne puisse pas être utilisée à cette fin. Comme le souligne le professeur de droit à l’Université d’Ottawa Craig Forcese, la loi antiterroriste pourrait être utilisée contre « une organisation environnementale étrangère finançant les efforts secrets d’un groupe environnemental canadien pour manifester (sans les permis nécessaires) contre le projet de pipeline Keystone ».


Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour envisager cette éventualité. Plusieurs ministres ont d’ailleurs déjà qualifié les manifestants anti-pipelines de radicaux financés par l’étranger ou même des blanchisseurs d’argent. Une copie de la stratégie du gouvernement fédéral relative au secteur des sables bitumineux, obtenue par Greenpeace en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, identifie même les groupes environnementaux et autochtones comme des « adversaires », alors que les compagnies pétrolières sont désignées comme des « alliées ».


Le mois dernier, le journal La Presse a dévoilé un document secret de la division du renseignement de la GRC, intitulé « Évaluation des renseignements relatifs aux infrastructures essentielles », dans lequel des organisations comme Greenpeace, Tides Canada et le Sierra Club sont citées comme faisant partie d’un « mouvement anti-pétrole canadien grandissant, hautement organisé et bien financé, composé d’activistes pacifiques, de militants et d’extrémistes violents qui s’opposent à la dépendance de la société aux combustibles fossiles. »


En outre, ce document de la GRC minimise de façon remarquable les dangers des changements climatiques, affirmant que « les ONGs, telles que Greenpeace, Tides Canada et le Sierra Club, pour n’en nommer que quelques-unes, affirment que les changements climatiques sont maintenant la plus grande menace au monde, et que les changements climatiques sont une conséquence directe de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre anthropiques élevées, qu’ils croient être directement liée à l’utilisation des combustibles fossiles… ».


Soyons clairs : nous sommes convaincus que les menaces engendrées par les changements climatiques doivent être confrontées, et ce, par des moyens pacifiques et démocratiques. 


La grande majorité des personnes qui appellent à l’ouverture d’un débat sur les combustibles fossiles et les changements climatiques – dont celles engagées dans la désobéissance civile – ne sont pas des « radicaux » ou des « extrémistes anti-pétrole violents ». Ce sont des étudiants et des grands-parents, des hommes, des femmes, des agriculteurs et des professeurs. Ce sont des personnes issues de toutes les catégories sociales qui veulent le meilleur pour leur famille, leur communauté, leur pays et notre planète. »

Pour lire l’intégral de l’intervention de Greenpeace Canada : http://www.greenpeace.org/canada/Global/canada/file/2015/03/Presentation-JoannaKerr-C51.pdf

Joanna Kerr

Directrice générale de Greenpeace Canada.

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