Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Fin de cycle en Amérique du Sud ? Mouvements populaires, gouvernements « progressistes » et alternatives écosocialistes

(tiré de la revue Contretemps)

Alors que les droites latino-américaines semble relever la tête (en particulier suite à l’élection de Mauricio Macri en Argentine et à la cuisante défaite électorale du chavisme au Venezuela), le débat autour d’une possible « fin de cycle » ou d’un reflux des gouvernements « progressistes » se poursuit, nous publions ici une contribution de Franck Gaudichaud afin de continuer à alimenter une réflexion critique initiée avec le récent article de Massimo Modonesi et qui sera prolongée par d’autres articles dans les prochains mois.1

Voici plus de 40 ans qu’un coup d’État militaire écrasait l’expérience de la « voie chilienne au socialisme » ; 30 ans qu’était fondé au Brésil le plus puissant mouvement social du continent, le MST (Mouvement des travailleurs ruraux sans terre) ; 20 ans que retentissait au Chiapas le cri zapatiste Ya Basta ! contre le néolibéralisme et le Traité de libre commerce de l’Amérique du Nord (TLCAN – ALENA en français) ; plus de 15 ans que Hugo Chávez était élu à la présidence du Venezuela et plus de 2 ans que la maladie l’a emporté. Aujourd’hui les peuples « indo-afro-nuestroamericanos » dans leurs tentatives de construction de grammaires émancipatrices semblent avoir atteint un nouveau point d’inflexion. Un cycle de moyenne durée, social, économique et politique semble s’épuiser lentement, même si ce n’est en aucun cas un processus uniforme, encore moins linéaire. Avec les progrès réels (bien que relatifs) obtenus, les difficultés et les limites importantes affrontées, les expériences des différents et très divers gouvernements « progressistes » de la région, qu’il s’agisse de processus clairement de centre-gauche, sociaux-libéraux, ou, au contraire, d’exécutifs nationaux-populaires plus radicaux, anti-impérialistes, et souvent disqualifiés dans les milieux conservateurs sous l’appellation de « populistes », qu’ils revendiquent les révolutions bolivarienne, ando-amazonienne ou « citoyenne », ou incarnent de simples changements institutionnels d’essence progressiste, tous ces processus politiques complexes semblent se heurter à des problématiques endogènes, à de puissantes forces conservatrices (nationales et globales), mais aussi à nombre d’indéfinitions ou dilemmes non résolus au plan stratégique.

Gouvernements progressistes et expériences post-néolibérales

Sans aucun doute, dans les pays où se sont consolidées des victoires électorales répétées et éclatantes de forces de gauche ou antinéolibérales, en particulier dans le cas où ces victoires sont le produit d’années de luttes sociales et populaires, comme en Bolivie, ou d’une rapide politisation-mobilisation des couches populaires, comme au Venezuela, l’État et ses politiques régulatrices, la croissance économique interne, la lutte contre l’extrême pauvreté par des programmes spécifiques de redistribution et de mise en place de nouveaux services publics ont gagné du terrain : il s’agit d’une différence importante, qu’on ne saurait mésestimer, avec le cycle infernal des privatisations, dévastations sociales et de la violence de la dérégulation capitaliste néolibérale des années 1990. Ces pays ont vu – à des degrés divers - la réaffirmation du rôle de l’État en tant qu’instance régulatrice du marché, avec la redistribution partielle de la rente extractive et des richesses du sous-sol au bénéfice des plus pauvres, politique assitancialiste aux effets directs et immédiats pour des millions de citoyen-ne-s et qui explique en partie la solidité de la base sociale et électorale de ces expériences jusqu’à présent (après plus de 10 ans d’exercice du pouvoir dans certains cas). Pour la première fois – depuis des décennies – divers gouvernements « post-néolibéraux », à commencer par la Bolivie, l’Équateur et le Venezuela, ont montré qu’il était effectivement possible de reprendre le contrôle des ressources naturelles et, dans le même temps, de faire reculer la pauvreté extrême et les inégalités sociales tout en engageant des réformes politiques d’inclusion-mobilisation de larges secteurs populaires, jusqu’ici écartés du droit de décider par eux-mêmes, donner leur opinion et surtout participer. On a également vu ressurgir dans les imaginaires géopolitiques continentaux le rêve de Bolívar et des initiatives d’intégration régionale alternative et de coopération entre les peuples (à l’image du projet – jamais consolidé - de l’ALBA-TCP – Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique-Traité de commerce des Peuples), qui tentaient de recouvrer un espace de souveraineté nationale face aux grandes puissances du Nord, à l’impérialisme militaire et aux nouvelles caravelles que sont les entreprises transnationales ou les diktats unilatéraux des institutions financières mondiales.

Alors que le vieux monde et les peuples de l’Union européenne sont soumis à la dictature financière de la Troïka (FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne) qui les plonge dans une profonde crise économique, politique et même morale, il faut souligner la capacité dont ont fait preuve divers mouvements populaires et dirigeants de « Notre Amérique » au moment de résister et commencer à reconstruire un multilatéralisme régional indépendant de Washington, démocratiser la démocratie et même réinventer les contours du politique en s’engageant dans des projets progressivement conçus par différents leaders comme des alternatives pour le XXIe siècle. Quand on voit le peuple grec essayer de relever la tête face à la dictature de la dette et aux attaques des classes dominantes européennes, quand tant de travailleurs, de jeunes et de collectifs de cette région du monde sont à la recherche de voies émancipatrices, il y a encore beaucoup à apprendre de l’Amérique latine des 20 dernières, aussi bien de ses victoires que de ses échecs, de son expérience traumatique du règne du fondamentalisme néolibéral et de ses tentatives héroïques d’y faire face sur ces terres du Sud du système-monde capitaliste.

Les chemins sinueux du pouvoir et la « révolution passive »

Pourtant, comme le soulignait début 2015 le théologien et sociologue François Houtart, secrétaire exécutif du Forum mondial des alternatives, le défi fondamental – en particulier pour les pays qui ont le plus fait naître d’espérances de changement dans les rangs d’une gauche mondiale à la recherche d’exemples à suivre – reste la définition de voies de transition radicale vers un nouveau paradigme civilisateur postcapitaliste. Il ne s’agit pas de rester enfermé dans un projet de modernisation post-néolibérale et moins encore dans le cadre d’un nouveau modèle de croissance fondé sur l’assistanat et le productivisme ou d’un simple réarrangement entre développement national, bourgeoisies régionales et capitaux étrangers. Il s’agit au contraire de viser à la transformation des relations sociales de production, des formes de propriété et des modes d’exploitation de la nature… tout en affrontant l’ingérence impérialiste. Sans aucun doute, une tâche gigantesque et ardue que quelques pays de l’Amérique du Sud ne pourront mener à bien seuls ! Tout point de vue critique devrait partir de là, afin de mesurer les possibles dans le contexte régional actuel.

De ce point de vue, à l’étape historique où nous nous trouvons, malgré les progrès démocratiques conquis au prix de la sueur et du sang2, on voit affleurer les multiples tensions, revers et les limites atteintes par les divers progressismes latino-américains et, plus largement, celles de la période ouverte au début des années 2000 dans la lutte contre l’hégémonie néolibérale. Álvaro García Linera, un intellectuel aujourd’hui au pouvoir, présente ces tensions (en particulier celles entre mouvements et gouvernants) comme potentiellement « créatives » et « révolutionnaires », comme des expériences nécessaires pour avancer progressivement vers un « socialisme communautaire »3, en tenant compte des rapports de forces géopolitiques, politiques et sociaux réellement existants (il disqualifie au passage, sans argumenter vraiment et de manière bien peu encourageante, toute critique provenant de sa gauche comme « infantile »...). Selon cette vision, souvent défendue par les « intellectuels de palais », la conquête électorale du pouvoir par des forces national-populaires est pensée comme une réponse démocratique – et « concrète » – à l’émergence plébéienne des années 1990-2000 et l’État est considéré comme un instrument essentiel « d’administration des biens communs » face au règne de la loi de la valeur et de la désocialisation néolibérale. Parmi les défenseurs de ces dynamiques dans le cadre de différents gouvernements progressistes, d’ailleurs trop souvent analysés comme un tout homogène, se trouvent également des intellectuels de renom comme Emir Sader (Brésil), Atilio Borón (Argentine) ou Marta Harnecker, éducatrice populaire et sociologue chilienne4.

Pourtant, nombre de militant-e-s de terrain, de mouvements et d’analystes critiques d’horizons politiques pluriels (parmi eux Alberto Acosta et Natalia Sierra en Équateur, Hugo Blanco au Pérou, Edgardo Lander et Roland Denis au Venezuela, Maristella Svampa en Argentine ou Massimo Modenesi au Mexique...) soulignent au contraire la dimension toujours plus « conservatrice » des politiques gouvernementales du progressisme ou du nationalisme post-néolibéral (de l’Uruguay au Nicaragua en passant par l’Argentine5), et y compris leur caractère de « révolution passive » (au sens de Gramsci) : il s’agirait ainsi de transformations « au sommet » qui transforment effectivement l’espace politique, les politiques publiques et les rapports État-société-mouvements, mais qui dans le même temps intègrent, cooptent – et, in fine, neutralisent – l’irruption de ceux d’en bas dans les réseaux institutionnels, conduisent à un brusque réarrangement au sein des classes dominantes et du système de domination, en freinant la capacité d’auto-organisation, pouvoir populaire et de contrôle exercé par les peuples mobilisés et secteurs subalternes6. Sous cet angle, la « capture » de l’État par des forces progressistes pourrait signifier davantage la capture de la gauche... par les forces profondes de l’État, sa bureaucratie et les intérêts de classe qu’ils représentent. Le cas vénézuélien où l’inertie de l’Etat rentier, la corruption (civile et militaire) et la « boli-bourgeoisie » sont trois maux qui s’autoalimentent avec frénésie est une sorte de cas extrême en ce sens au moment d’expliquer la situation de décomposition socio-politique que vit le chavisme gouvernemental et la distance toujours plus grande d’avec le chavisme populaire et militant. Sous cet angle, la stratégie de prise de pouvoir pour changer le monde peut aboutir à une gauche prise par le pouvoir, où tout serait changé tout en gardant l’essentiel du monde tel qu’il est….

Selon l’écrivain uruguayen Raúl Zibechi, « Dans la mesure où le cycle progressiste latino-américain s’épuise, le temps semble venu de commencer à tirer des bilans sur le long terme, qui ne s’en tiennent pas aux éléments conjoncturels ou secondaires, pour commencer à dessiner un panorama d’ensemble. Le moins que l’on puisse dire est que cette fin de cycle s’avère désastreuse pour les secteurs populaires et la gauche, avec son lot d’incertitudes et d’angoisses quant à l’avenir immédiat, où nous devrons affronter une politique de droite et répressive »7.

Fin de cycle ? fin… et suites

Ces derniers temps, une avalanche d’articles ont été publiés sur la question de l’existence ou non d’une « fin de cycle » progressiste, ou même quant à la pertinence de la notion même de « cycle progressiste ». Le débat a atteint un niveau de polarisation tel que les uns accusent les autres de faire le « jeu de l’Empire » en critiquant les gouvernements, d’être des « diagnostiqueurs de la capitulation » et des « gauchistes de bistrot » (dixit García Linera), quand d’autres critiquent les premiers de s’être convertis en intellectuels aux ordres et au service d’États de la région et de gouvernements qui ne sont finalement plus régressifs que progressistes... Ce dialogue de sourds n’est guère utile pour élucider le moment politique présent. Les notions d’un possible « reflux du changement d’époque »8 ou, dans une optique marxiste, d’une lente « fin de l’hégémonie progressiste »9 sont sans doute plus complexifiées et adaptées pour s’engager dans cette discussion de manière certes conflictuelle, voire opposée mais constructive en termes politiques. Ceci tout en prenant acte que ce phénomène se produit dans des conditions territoriales-nationales hautement différenciées : « Ce glissement est davantage perceptible dans certains pays (par exemple l’Argentine, le Brésil et l’Équateur) que dans d’autres (le Venezuela, la Bolivie et l’Uruguay), vu que dans ces derniers les coalitions progressistes au pouvoir sont restées relativement soudées et n’ont pas connu de clivages marqués vers la gauche. Le Venezuela en particulier a été le seul pays où a été impulsée la participation des classes populaires avec la mise en place des Comunas à partir de 2009... »10.

Au-delà de la polémique sur l’ampleur du tarissement, de l’inflexion ou du reflux de la période nationale-populaire, et tout en soulignant la variété des processus analysés, il apparaît que, à de nombreux niveaux, les gouvernements progressistes semblent avoir opté définitivement, sous la pression de facteurs tant globaux qu’endogènes, pour un « réalisme modernisateur » au plan économique, la recherche de consensus avec les élites en place et la « politique du possible », ce qui est souvent le meilleur moyen de justifier le renoncement à des changements structurels dans une optique anticapitaliste : cette dynamique pourrait trouver son symbole dans la rencontre « fraternelle », en juillet 2015, entre la présidente brésilienne Dilma Roussef – membre du Parti des travailleurs – et le responsable de crimes contre l’humanité qu’est Henry Kissinger – ex-secrétaire d’État des USA – à un moment où Dilma recherchait le soutien politique de l’Empire face à une opposition croissante de la société civile et une droite revitalisée par l’ampleur des cas de corruption dans les sphères gouvernementales. à l’évidence, l’objectif poursuivi par l’exécutif de la principale puissance latino-américaine avec ce type de geste diplomatique est, avant tout, de soutenir « ses » propres classes dominantes et d’offrir davantage de « sécurité » pour les activités commerciales au Brésil. Sur un autre front et sous d’autres latitudes, le traité de libre commerce signé dans le secret en 2014 par l’Équateur avec l’Union européenne, témoigne des limites des annonces faites par Rafael Correa quant à la « fin de la nuit néolibérale », ceci d’autant plus qu’il s’agit d’un des gouvernements longtemps montré comme exemple à suivre par d’amples franges des gauches européennes. Aujourd’hui le gouvernement équatorien, confronté à la droite et, à l’en croire, à la menace d’un « coup d’État à froid », doit également faire face aux mouvements sociaux et indigènes (ainsi qu’à une gauche radicale encore divisée et très minoritaire) au point qu’on pourrait parler d’une situation d’« impasse politique », au sens que lui donne le marxiste Agustín Cueva, où la figure césariste du Président joue un rôle de stabilisateur fonctionnel pour le capital : « Il y a eu des périodes récurrentes dans l’histoire de l’Équateur où l’intensité des conflits horizontaux, inter-capitalistes, combinés à des luttes verticales opposant les classes dominantes et populaires, les rendait insupportables pour les formes de domination existantes. Dans l’intermède, le temps que les politiques conçoivent de nouvelles formes plus stables de domination, régnait l’instabilité au point d’aboutir à une impasse »11.

L’héritage maudit extractiviste

De façon plus générale, il faut mentionner, même s’il ne s’agit pas du seul problème, la permanence dans tous les pays progressistes et postnéolibéraux d’un modèle productif et d’accumulation où s’entremêlent, à des degrés et selon des intensités variables, capitalisme d’État, néolibéralisme et modèles basés sur l’extraction intente de ressources primaires et énergétiques (« extractivisme »), avec leurs effets destructeurs pour les communautés indigènes, les travailleurs, les territoires et les écosystèmes... Cette tension interne s’articule, de façon inégale et combinée, avec un contexte financier globalisé féroce et – ce qui constitue le fait central de la conjoncture actuelle – la crise économique mondiale et la déflation chinoise qui frappent violemment la région, en provoquant une brusque chute du prix des matières premières et en particulier du baril de pétrole (qui est passé de pratiquement 150 dollars à moins de 50), scellant la fin de la période de prospérité précédente en mettant à nouveau à nu la matrice productive dépendante et néocoloniale de l’Amérique latine, héritage maudit de plusieurs siècles de domination impérialiste. Cette situation coïncide avec une offensive notoire du capital transnational des États du Nord et de quelques géants du Sud (à commencer par la Chine) pour s’emparer de nouvelles terres agricoles, de ressources énergétiques, minérales, de l’eau, de la biodiversité, de la main d’œuvre : une tornade destructrice... jusqu’à la dernière goutte de vie. Dans des pays comme la Bolivie ou l’Équateur où la conscience de ces dangers sociaux-environnementaux est plus aiguë, le gouvernement et les forces qui le soutiennent mettent en œuvre une politique – qui ne manque pas de cohérence – consistant à passer par une phase indispensable d’industrialisation-extractivisme pour construire la transition en s’appuyant sur une certaine croissance économique : on peut parler d’un « extractivisme transitoire post-néolibéral » qui permettrait de développer de petits pays dépendants aux faibles ressources, de créer des richesses sur la base d’une accumulation primitive pour répondre à l’immense urgence sociale que connaissent ces nations appauvries et, dans le même temps, s’engager dans un lent processus de changement du modèle d’accumulation au sein d’un contexte mondial adverse.

Néanmoins, selon Eduardo Gudynas, secrétaire exécutif du CLAES (Centre latino-américain d’écologie sociale) : « Il n’y a aucune évidence que ce processus se réalise réellement pour différentes raisons. Premièrement, la façon dont est utilisée la richesse générée par l’extractivisme est en grande partie consacrée à des programmes qui augmentent l’extractivisme, en accroissant par exemple les réserves d’hydrocarbures ou en encourageant l’exploration minière. Deuxièmement, les politiques extractivistes ont des effets économiques qui inhibent les processus d’autonomie dans d’autres secteurs productifs, aussi bien dans l’agriculture que dans l’industrie. Le gouvernement devrait prendre des mesures pour prévenir cette distorsion et ce n’est pas ce qui se passe. Il y a de fait une dérive dans l’agriculture avec la promotion de cultures d’exportation alors qu’augmentent les importations d’aliments. Troisièmement, comme les projets extractivistes engendrent une forte résistance sociale (telle celle récente des Guaranís de Yategrenda, Santa Cruz, ou de la réserve Yasuni en Équateur) les gouvernements sont contraints de les défendre avec une telle vigueur que l’adhésion de larges secteurs de la société à la culture extractiviste se renforce et inhibe par là-même la recherche d’alternatives »12.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si les luttes populaires et les mobilisations qui émergent au cœur de l’Amérique, et qui annoncent – peut-être – une nouvelle période historique de luttes de classe, sont directement liées aux déprédations, à la répression et aux résistances socio-territoriales que ces politiques engendrent : « La résistance se développe principalement contre l’extraction minière et la monoculture, en particulier le soja, mais aussi contre la spéculation immobilière, autrement dit contre les formes spécifiques que revêt l’extractivisme. Selon l’Observatoire des conflits miniers de la région il y a 197 conflits en cours dans le secteur minier qui touchent 296 communautés. Le Pérou et le Chili, avec 34 conflits chacun, suivis par le Brésil, le Mexique et l’Argentine sont les pays les plus affectés »13.

Crise économique mondiale, retour des droites et nouvelles luttes populaires

Ce nouveau scénario se manifeste dans un contexte marqué par de sombres menaces sur l’économie des principales puissances latino-américaines, la profonde crise du capitalisme mondial qui se poursuit et la persistance d’immenses inégalités sociales tout comme de dissymétries régionales dans l’ensemble du continent. Il faut par ailleurs souligner l’offensive tous azimuts des différents secteurs de la droite patronale et des médias privés, mais aussi des oligarchies de la région qui profitent de la fin de l’hégémonie progressiste pour récupérer le terrain perdu depuis 15 ans face aux leaders charismatiques et aux dirigeants progressistes. Ces droites conservatrices et néolibérales continuent à contrôler – sur le plan politique – des villes, des régions et des pays clé (comme le Mexique et la Colombie) et viennent coup sur coup de vaincre lors des présidentielles en Argentine et de créer un véritable raz de marée lors des parlementaires au Venezuela. Ces nouvelles conquêtes menacent clairement les droits arrachés par les luttes pendant la dernière décennie et le processus d’intégration régionale qui prenait ses distances avec Washington, mais il serait tout à fait illusoire – comme le fond nombre d’intellectuels de palais – de se contenter de pointer la « guerre économique et médiatique » ou les manœuvres étatsuniennes au moment d’expliquer ses défaites. La croissance des droites puisent avant tout dans les faiblesses et incohérences du projet national-populaire, l’absence de perspective de rupture mobilisatrice (les Kirchner revendiquaient avoir réussi à restaurer « un capitalisme normal ») ; elles naissent également de l’effondrement « par en haut » d’une tentative de transformation nationale (comme au Venezuela). Nous savons néanmoins que les forces conservatrices ont été et sont toujours capables d’organiser de multiples formes de déstabilisation quand cela est nécessaire, y compris des coups d’État (comme, au cours de ces dix dernières années, au Paraguay, au Honduras et au Venezuela) avec le soutien - explicite ou indirect - de la politique impérialiste made in USA14. Il est pourtant peu probable que nous assistions à un brusque retour en arrière vers l’époque du néolibéralisme triomphant tant la conscience anti-néolibérale a pu gagner du terrain, même si dans le cas du Venezuela, la soif d’en découdre de l’opposition et les appels à la résistance du Président Maduro pourraient annoncer des temps agités d’affrontements.

Pourtant, d’en bas s’élèvent des protestations populaires multisectorielles, des peuples indigènes, des étudiants et des travailleurs qui imposent leurs propres agendas et revendications au temps institutionnel, soulignant par leurs luttes les limites des transformations structurelles mises en œuvre dans les pays gouvernés par des forces « post-néolibérales » et leur absence totale là où règnent encore les droites néolibérales, dénonçant aussi les diverses formes de répression, d’intimidation ou de cooptation qui sévissent partout : opposition collective au soja transgénique et grèves ouvrières en Argentine ; grandes manifestations de rue de la jeunesse dans les principales villes brésiliennes pour le droit à la ville et contre la corruption ; crise profonde du projet bolivarien, violence de l’opposition et difficile réorganisation du mouvement populaire au Venezuela ; luttes paysannes et indigènes au Pérou contre les méga-projets miniers (tel le projet Conga) ; mobilisations des Mapuche, des salariés et des étudiants au Chili pour dénoncer avec force l’héritage maudit de la dictature de Pinochet (et sa cogestion par le gouvernement actuel) ; critiques de la COB (Centrale ouvrière bolivienne), d’ONG et de secteurs du mouvement indigène à l’encontre de la politique de « modernisation » d’Evo Morales en Bolivie ; renoncement du gouvernement Correa au projet Yasuní qui devait préserver de l’extraction les gisements pétrolifères en Équateur et affrontement du pouvoir avec la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur) et des franges significatives de la société civile organisée ; négociations prolongées en Colombie à la recherche d’une paix véritable, ce qui exige une paix qui aille de pair avec des transformations sociales, économiques et une réforme agraire de grande ampleur ; etc.

La « vielle taupe » de l’histoire et les alternatives en construction

Le scénario est tendu et fluctuant. Mais quoi qu’il en soit « la vieille taupe de l’histoire » (au sens où l’entendait Marx) continue à creuser et se développent simultanément une grande variété d’expériences de luttes sociales, de conflits de classe et de débats politiques accompagnés de nombreuses expériences de pouvoir populaire, d’alternatives radicales et d’utopies en construction15. Si certains intellectuels ont pu croire – et laisser croire – que pour toute une période l’Amérique latine – on devrait la nommer Abya Yala – atteindrait le nouvel El Dorado du « socialisme du XXIe siècle » grâce à un « tournant à gauche » institutionnel et des victoires électorales démocratiques, nous savons que les chemins de l’émancipation sont bien plus complexes, profondément sinueux et que les appareils du pouvoir (militaires, médiatiques, économiques) des oligarchies latino-américaines et impérialistes sont solides, résilients, enkystés et féroces quand c’est nécessaire. Transformer les relations sociales de production et éliminer les dominations de « race » et de genre dans les sociétés de « Notre Amérique » relèvent d’une dialectique qui devra, à coup sûr et à nouveau, partir d’en bas et à gauche, dans l’autonomie et l’indépendance de classe, dans toute sa dimension politique, en écartant l’illusion d’un changement qui ferait l’économie de la prise du pouvoir, mais aussi qu’une transformation de la société par le haut est possible (et souhaitable).

Cela ne revient pas à nier que ces tentatives collectives de pouvoir populaire doivent continuer à s’appuyer sur des victoires électorales partielles, qu’elles puissent attacher de l’importance à conquérir des espaces institutionnels et politiques au sein de l’État ou encore s’incarner autour du figures dirigeantes, mais si – et seulement si – si ces nouveaux espaces et leaders sont mises au service des « communs » et de leurs administrés, au service d’une stratégie cherchant le développement de l’auto-organisation dans tous les domaines. Peut-on utiliser l’État pour en finir avec l’État... capitaliste, en l’utilisant un temps comme barrière de protection face à la puissance des forces hostiles internes et externes ? Ou faut-il affirmer avec Marx que l’État, création par essence des classes dominantes, ne peut pas être un outil à utiliser tel quel notre service sauf à risquer de nous coloniser, dans nos mentalités, notre âme et nos pratiques ?

À l’évidence, se confirme une fois de plus que la prise de contrôle de l’exécutif représente « seulement » la conquête partielle du pouvoir, d’autant plus limitée si on ne dispose pas d’une majorité parlementaire et d’une base sociale mobilisée16 : rappelons-nous les leçons du Chili et la façon dont a été renversé Salvador Allende et écrasée la voie « institutionnelle » au socialisme de l’Unité populaire... Un gouvernement de gauche et des classes subalternes ne démontre alors son véritable caractère d’alternative que s’il est capable de servir de levier transitoire et de stimulant pour les luttes auto-organisées des travailleurs et des mouvements populaires ou indigènes, en favorisant des dynamiques de prise de pouvoir démocratique réelles, de transformations des relations sociales de production, d’expérience d’autogestion et de voies émancipatrices fondées sur et agissant pour le « bien vivre ». À défaut, les forces politiques dites de gauche sont condamnées à gérer l’ordre existant, et même dans des phases d’instabilité à s’élever au-dessus des classes sociales dans une fonction bonapartiste pour assurer la perpétuation de l’État-Léviathan, en exerçant leur domination de façon plus ou moins « progressiste » et plus ou moins conflictuelle avec les élites locales ou les multinationales.

Le fléchissement et le tournant régressif actuel en Amérique latine est incontestablement lourd de dangers, tout en contenant encore quelques opportunités pour celles et ceux d’en bas. L’heure est venue de reprendre la discussion sur le nouveau sans oublier l’ancien et de débattre des stratégies anticapitalistes et des outils politiques permettant de construire ce que nous proposons d’appeler un ecosocialismo nuestroamericano du XXIe siècle : un projet qui ne soit ni un calque ni une copie, qui refuse de se laisser étouffer par les tactiques électorales à court terme, par les luttes des caudillos et des appareils bureaucratiques, mais qui ne se laisse pas non plus abuser par la chimère de construire une pluralité d’autonomies sociales sans projet politique d’ensemble un tant soit peu centralisé. Pour ce faire il est essentiel de mobiliser tous nos sens, ouvrir les yeux et les cœurs, devant les expériences collectives en cours, souvent oblitérées par les radars médiatiques dominants, encore dispersées et faiblement interconnectées, mais qui forment un puissant fleuve de luttes en permanente évolution, inscrites dans le réel et le concret, riches de leurs échecs et de leurs succès. Autant d’expériences qui permettent de comprendre les dynamiques émancipatrices, les tentatives collectives originales et les dangers qu’elles doivent affronter ou contourner.

Cela ne nous permet pas, c’est vrai, de mettre en évidence une forme idéale de soulèvements victorieux et lendemains qui chantent. Il s’agit plutôt d’une mosaïque de praxis-savoirs-actions : expériences au niveau des terres et des territoires, ou encore de l’activité productives avec les usines récupérées par leurs salariés, dans le domaine des communautés urbaines, d’autres encore s’inscrivant dans des politiques publiques engagées par les gouvernements et les institutions, pour autant qu’elles soient sous le contrôle des intéressés : luttes des femmes contre la violence patriarcale, des sans-toits, des communautés indigènes, de la classe ouvrière dans différents pays, expériences d’agroécologie alternative en Colombie, des mouvements pour le « bien vivre » en Équateur, des conseils communaux au Venezuela, des usines sans patron en Argentine, des médias communautaires au Chili et au Brésil, des rondas communautaires au Pérou et au Mexique, etc. « Des initiatives organisées localement pour prendre et exercer le pouvoir populaire, des manifestations de rue combatives pour s’opposer à des décisions prises par le pouvoir national et transnational ; mais également des assemblées constituantes capables de refonder l’utopie, de se réapproprier les rênes de la politique au niveau de l’État : les chemins de l’émancipation sont loin d’être univoques. En tant qu’expériences, ils supposent des recherches, des tâtonnements et des replis. Mais aussi des victoires. Complexes, parfois contradictoires, mais chargées d’espoirs profonds et authentiques, ces expériences constituent une source pour ceux qui sont engagés dans la tâche de réinventer les sociétés et la façon de faire de la politique, qu’il s’agisse de citoyens des pays de cette région du monde ou de femmes et d’hommes d’autres contrées qui se sont engagés sur la voie difficile de la résistance et de l’émancipation »17.

Ecosocialisme ou barbarie

Cette pluralité de voix et d’exemples latino-américains permet de reprendre le fil d’une discussion qui parcourt déjà les veines ouvertes du continent ; cela permet de réfléchir au-delà et en-deçà des projets progressistes gouvernementaux, en considérant qu’il est, simultanément, indispensable de créer des fronts socio-politiques larges pour faire face aux menaces de retour en force des droites et de l’impérialisme en Amérique du Sud. Il faut évidemment reconnaître que ces diverses expériences et vécus évoqués brièvement ici qui relèvent du comment changer le monde sont contradictoires, et même divergentes : certaines isolées, très localisées et d’autres, au contraire, institutionnelles ou rattachées à des politiques gouvernementales. C’est à cela que tient l’intérêt de reprendre les grands débats stratégiques du XXe siècle, mais en les situant dans le temps présent et dans la mémoire des bilans des douloureuses défaites passées. Cela nous oblige surtout à penser à contre-courant, à l’opposé d’une « gauche contemplative, institutionnelle, administrative, une gauche d’aspirants fonctionnaires, une gauche sans révolte, sans mystique, une gauche sans gauche » qui peuple les arcanes parlementaires et les officines gouvernementales18. Contre nos funestes modèles de croissance infinie et nos propres visions téléologiques, avec la conscience de l’urgence globale d’une planète maltraitée en plein effondrement écologique et climatique, le temps presse. Comment s’engager dans une transition post-capitaliste et écosocialiste au XXIe siècle ? Quel sera le rôle des instruments politico-organisationnels dans ce cheminement ? Le rôle des forces armées, du système de représentation, des syndicats ? Les détruire, s’en servir, les transformer, les esquiver, les fissurer... d’accord, mais alors comment ? Et comment reconstruire une conscience commune, une hégémonie culturelle et une gauche anticapitaliste par le peuple et pour le peuple ? Comment éviter de nourrir de petits groupes aux affinités étroites refermés sur eux-mêmes mais également se garder de répéter les abominations bureaucratiques étatiques du XXe siècle ?

La grande Rosa Luxemburg, en 1915, reprenant les mots de Friedrich Engels, lançait cet avertissement : « ou bien passage au socialisme ou rechute dans la barbarie. » En 2015, ce message prend un sens encore plus catastrophique et prémonitoire : « écosocialisme ou écocide global ». C’est avec « l’audace du nouveau » que nous pourrons recommencer à rêver d’abattre les murs du capital, du travail salarié, du néocolonialisme et du patriarcat : « Changer le monde semble très ambitieux. Mais davantage encore risqué si on prend en compte les groupes de pouvoir qui ne permettront jamais que soit démantelée la civilisation capitaliste. Pourtant, dans les circonstances présentes, il n’y a pas d’autre alternative. Les conditions de vie de larges segments de la population et de la Terre même se détériorent à un rythme accéléré. Nous approchons d’un point de non-retour. Et la possibilité de changer de planète n’existe pas. […] Nous devons relever le défi. Nous devons être rebelles face au pouvoir (et jusqu’à souhaiter peut-être sa destruction). Nous devons accepter nos limitations en tant qu’êtres humains dans la Nature. Nous devons haïr toute forme d’exploitation. Nous devons être ceux qui se dressent contre toutes les injustices et contre ceux qui les commettent. Nous ne devons pas nous résigner. Nous devons continuer à exiger et à construire l’impossible »19.

La tâche est en cours, c’est notre pain quotidien, aujourd’hui et demain.
Santiago du Chili, 2015.

Traduit de l’espagnol para Robert March pour la revue Inprecor - www.inprecor.fr


Notes

1. Cet article se fonde sur la préface à l’édition chilienne du livre collectif América Latina. Emancipaciones en construcción (Santiago, Tiempo Robado Ed. /América en movimiento, 2015), http://americaenmovimiento.cl/america-latina/. L’auteur est docteur en sciences politiques, maître de conférences en Civilisation et histoire latino-américaine à l’Université Grenoble-Alpes, membre du comité éditorial de la revue www.rebelion.org et membre de la rédaction de ContreTemps.
2. Tels que la construction d’États plurinationaux, l’instauration de droits sociaux plus ou moins institutionnalisés, la mise en place d’assemblées constituantes et d’espaces de participation communautaire ou l’impulsion de l’intégration régionale.
3. Álvaro García Linera, Las tensiones creativas de la Revolución. La quinta fase del Proceso de Cambio, La Paz, Vice-présidence de l’Etat plurinational de Bolivie, 2011. www.rebelion.org.
4. Emir Sader, “¿El final de un ciclo (que no existió) ?”, Pagina 12, Buenos Aires, 17 septembre 2015 et Marta Harnecker, “Los movimientos sociales y sus nuevos roles frente a los gobiernos progresistas”, Rebelión, 7 septembre 2015, www.rebelion.org
5. Il faut noter ici que, pour nous, le gouvernement actuel de Michelle Bachelet se situe clairement hors de cette catégorie « progressiste post-néolibéral sud-américain » vu qu’il est fondamentalement une continuation « réformiste » du néolibéralisme des gouvernements de la Concertation qui ont dirigé le pays entre 1990 et 2010. Cf. Franck Gaudichaud, Las fisuras del neoliberalismo maduro. Trabajo, “Democracia protegida” y conflictos de clases, Buenos Aires, CLACSO, 2015, www.clacso.org.ar/libreria-latinoamericana/libro_detalle.php?orden=&id_libro=1053&pageNum_rs_libros=0&totalRows_rs_libros=1022.
6. Massimo Modenesi, “Revoluciones pasivas en América Latina. Una aproximación gramsciana a la caracterización de los gobiernos progresistas de inicio de siglo”. In Massimo Modenesi (coord.), Horizontes gramscianos. Estudios en torno al pensamiento de Antonio Gramsci, México, FCPyS-UNAM, 2013.
7. Raúl Zibechi, "Hacer balance del progresismo", Resumen latinoamericano, 4 août 2015, www.resumenlatinoamericano.org.
8. Katu Akornada, “¿Fin del ciclo progresista o reflujo del cambio de época en América Latina ? 7 tesis para el debate”, Rebelión, 8 septembre 2015, www.rebelion.org.
9. Massimo Modenesi, “¿Fin del ciclo o fin de la hegemonía progresista en América Latina ?”, La Jornada, 27 septembre 2015.
10. Massimo Modenesi, “¿Fin del ciclo... ”, art. cit.
11. Jeffery R. Webber, “Ecuador’s Impasse”, Jacobin, 30 août 2015, https://www.jacobinmag.com/2015/08/correa-pink-tide-gramsci-peoples-march/.
12. Ricardo Aguilar Agramont, “Entrevista a Eduardo Gudynas : La derecha y la izquierda no entienden a la naturaleza”, La Razón, 23 août 2015.
13. Raúl Zibechi, “Hacia un nuevo ciclo de luchas en América Latina”, Gara, 3 novembre 2013, www.gara.naiz.info.
14. Franck Gaudichaud, “El peso de la historia. América Latina y la mano negra de Washington”, Le Monde Diplomatique, édition chilienne, juillet 2015.
15. Pablo Seguel, “América Latina actual. Geopolítica imperial, progresismos gubernamentales y estrategias de poder popular constituyente. Conversación con Franck Gaudichaud”. En : GESP (coord.), Movimientos sociales y poder popular en Chile, Tiempo robado ed., Santiago, 2015, pp. 237-278.
16. Cf. Marta Harnecker, “Los movimientos sociales…”, op. cit.
17. Tamia Vercoutère, prologue à l’édition équatorienne du livre América Latina. Emancipaciones en construcción (Quito, IEAN, 2013).
18. Pablo Rojas Robledo, “Hay que sembrarse en las experiencias del pueblo”. Fin de ciclo, progresismo e izquierda. Entrevista con Miguel Mazzeo”, Contrahegemonía, septembre 2015, contrahegemoniaweb.com.ar
19. Miriam Lang, Belén Cevallos et Claudia López (comp.), La osadía de lo nuevo. Alternativas de política económica, Quito, Fundación Rosa Luxemburg/Abya-Yala, 2015, pp. 191-192.

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