Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Élections Québec 2014

La campagne électorale, un durcissement en perspective

Le Parti québécois a lancé sa campagne électorale avec confiance. Il avait réussi à rallier une majorité de QuébécoisEs francophones autour de la Charte des valeurs. Il croyait à un transfert facile de ce soutien en un appui électoral. Il ne restait qu’à démontrer sa volonté de s’occuper d’économie, de création d’emplois, de rester la question de la souveraineté du Québec dans l’ombre, d’accorder la priorité au paiement de la dette et de s’engager à une gestion rigoureuse des finances publiques pour s’assurer la formation d’un gouvernement majoritaire. D’ailleurs, la promesse d’un livre blanc sur l’avenir du Québec devait permettre de remettre à plus tard ce débat et, ainsi, de l’écarter de la campagne.

Ce beau plan de match devait capoter avec le recrutement de Pierre-Karl Péladeau comme candidat du PQ dans St-Jérôme. En fait, l’entrée de Pierre-Karl Péladeau et la forme qu’a prise cette entrée, son affirmation tonitruante de son appui à la souveraineté, devaient permettre un retour du refoulé particulièrement dévastateur pour le plan péquiste. Les souverainistes, particulièrement, les plus vieillissants, se sont hâtés d’y voir l’arrivée de l’homme providentiel qui allait pouvoir leur permettre de voir la réalisation de la souveraineté de leur vivant. Ces espoirs revivifiés des souverainistes, s’imposèrent dans la campagne. Pauline Marois se laissa emporter par ses pressions. Elle se livra à de curieuses spéculations sur la réalité de la souveraineté, sur la possibilité qu’un gouvernement du Parti québécois puisse avoir un délégué au conseil d’administration de la Banque du Canada.

Philippe Couillard sauta sur l’occasion pour faire de la tenue ou non d’un référendum sur l’avenir du Québec l’enjeu de ces élections. Il opposa économie et prospérité des familles à l’instabilité politique portée par la tenue d’une référendum. Il se posa en gardien de l’ordre politique actuel contre l’aventurisme du PQ. Ce jeu lui était profitable, car il lui permettait de rallier les fédéralistes stationnés à la CAQ. Il mettait ainsi à mal le plan du PQ de courtiser la droite pour élargir sa base électorale.

Les syndicalistes accueillirent avec consternation l’entrée de Pierre-Karl Péladeau sur la liste des candidats péquistes. Pour ces derniers, PKP n’était pas d’abord l’homme d’affaires prospère, mais un des patrons les plus antisyndicaux du Québec qui n’avait pas hésité à multiplier les lock-out pour imposer ses vues à son empire médiatique. Pour ces syndicalistes et pour bien d’autres composantes de la gauche sociale, ce choix du Parti québécois sonnait le glas de ses prétentions sociales-démocrates. Ce n’est pas le ralliement d’ex-dirigeants syndicaux nationalistes à l’accueil enthousiaste de ce patron de choc qui devait améliorer les choses. Au contraire, il exacerba plutôt les débats au sein des différentes organisations syndicales... Québec solidaire appela les progressistes à le rejoindre, affirmant que l’évolution du PQ vers les politiques néolibérales était maintenant démontrée.

Le débat des chefs montra d’abord une Pauline Marois, déterminée certes, mais avant tout décontenancée, par les dérapages de sa campagne. Elle ne put que réaffirmer sa volonté de remettre à un avenir indéterminé le débat sur la souveraineté et la tenue d’un référendum. Il n’y aurait un référendum que lorsque les Québécois et les Québécoises seraient prêts. La question de la tenue du référendum s’installait pour de bon dans la campagne portant une remontée certaine du Parti libéral de Philippe Couillard.

Le durcissement de la campagne.

Il fallait en finir avec cette situation. Les stratèges sortirent Bernard Drainville des coulisses et ils tentèrent de relancer le débat sur la charte. Mais, ils n’obtinrent pas l’écho espéré. D’autre part, le peur de l’adoption de la charte par un gouvernement péquiste majoritaire amenait un secteur des opposants à la Charte à développer une nouvelle forme du vote stratégique, le vote PLQ comme barrière à l’adoption possible de la Charte et cela, en dépit, pour beaucoup, du programme social régressif du Parti libéral du Québec.

Il n’en fallait pas plus pour qu’un sentiment de panique commence à s’installer dans les officines du Parti québécois. Alors que Pauline Marois ne s’était livrée à aucune attaque contre l’intégrité du Parti libéral durant le premier débat des chefs, le PQ veut maintenant faire de l’intégrité le principal axe de sa campagne.

Les politiques de diversion ne livrant pas les votes attendus, discréditer les adversaires politiques reste la seule carte que le PQ peut jouer. Le PLQ a baigné dans la corruption depuis des années. Il ne devrait pas être difficile de trouver de nombreux exemples pour illustrer leur dénonciation. Déjà, le PQ martèle le thème du refus d’instaurer une commission d’enquête publique sur l’industrie de la construction. Mais ce terrain est dangereux. Avec le PQ au pouvoir, les nominations partisanes se sont multipliées. Et l’expérience du PQ au pouvoir de 1994 à 2003, n’est pas sans tâche. Les dénonciations risquent de pleuvoir d’ici la fin de la campagne de part et d’autre portant avec elle une délégitimation des institutions politiques représentatives, nourrissant un abstentionnisme important qui risque cependant de nuire davantage au PQ qu’au PLQ.

Québec solidaire devient la cible d’attaques visant à délégitimer ses porte-parole et ses propositions

Le PQ a accumulé les démissions politiques sur tous les terrains. Il a porté les manœuvres électoralistes jusqu’aux reniements les plus gênants. Québec solidaire est porteur d’un projet alternatif de souveraineté et de société. La réponse du PQ est, de plus en plus clairement, une politique de délégitimation du discours de Québec solidaire par des attaques personnelles contre ses porte-parole et contre ses perspectives de transformation sociale.

Québec solidaire diviserait les votes souverainistes... à l’heure où Pauline Marois cherche à écarter tout débat sérieux sur la question. Le PQ est arrivé à un tel niveau de renoncement, qu’il ne manipule les perspectives de souveraineté qu’avec des pincettes. Québec solidaire lui s’engage à enclencher un processus de démocratie participative dans un premier mandat, à faire élire au suffrage universel une assemblée constituante et à tenir un référendum sur les résultats de ses travaux.

Sur le terrain économique, les solutions de Québec solidaire seraient utopiques et dangereuses, inapplicables et farfelues. La réforme de la fiscalité n’est pas dans les plans du Parti québécois. Pourtant, l’inégalité dans le partage des richesses se renforce au Québec. La diminution de la part des impôts payés par les entreprises ne peut être niée. Ces politique de défiscalisation des avoirs et des revenus des plus riches est à la base de l’endettement des États. Cette situation désastreuse a obligé les gouvernements à emprunter aux banques et à développer la dette envers ces dernières qui passent ainsi deux fois à la caisse. Québec solidaire exige une réforme de la fiscalité pour permettre une véritable redistribution de la richesse.

Quand Québec solidaire demande d’augmenter le salaire minimum, d’instaurer un revenu minimum garanti, de mettre fin aux privatisations en santé et en éducation. Ces perspectives heurtent, ici aussi, des entreprises et lobbies qui ont beaucoup à défendre.

Les minières et les grandes entreprises forestières exploitent nos richesses naturelles qu’elles s’accaparent à faible coût tout en étant subventionnées par l’État pour le faire. Québec solidaire dénonce cette situation. Il demande aux compagnies de payer des redevances plus importantes. Il envisage même la nationalisation de certaines de ces entreprises. Assez, pour amener les éditorialistes de service à s’époumoner d’indignation devant de telles intentions.

Québec solidaire dérange. Il bouscule. À mesure que ces propositions s’imposeront comme les seules solutions alternatives aux politiques actuelles de l’oligarchie, on peut s’attendre à ce que la hargne des classes dominantes et de leurs relais politiques et médiatiques devienne de plus en plus forte et leurs attaques de plus en plus pernicieuses.

Le langage des luttes sociales, des rapports de forces, des dénonciations des inégalités de classe s’imposera comme une nécessité incontournable... Car, il n’y aura pas de transformation sociale véritable sans grand dérangement.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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