Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

La chute

Pendant longtemps, le PQ a été le centre de gravité de la politique québécoise. Même quand il était dans l’opposition comme à la fin des années 1990 et après 2003, c’est ce parti qui définissait l’agenda politique. En face de lui, le PLQ avait comme seule fonction d’empêcher la réalisation du projet. Ce parti n’avait d’autre réalité que de servir de relais aux élites canadiennes pour bloquer un projet qui essayait de conjuguer émancipation nationale et progrès social.

Cette résistance opiniâtre des élites a cependant été épuisante. L’alliance qui composait le PQ s’est distendue. Les éléments davantage attachés au pouvoir ont pris l’ascendant sur les promoteurs du projet « fondamental » et à la suite des nombreuses défaites (1980, 1982, 1995), elles se sont constamment résignées à se maintenir en tant qu’« administration provinciale ». Certains, comme Jacques Parizeau, pensaient qu’éventuellement, le « vent tournerait », que l’État fédéral trébucherait, et que par la bande, le projet de souveraineté pourrait revenir au premier plan. D’autres, tel le « lucide » Lucien Bouchard, proposaient de tout simplement abandonner le projet, en blâmant le peuple plutôt qu’eux-mêmes. Ce dilemme n’a jamais été tranché.

40 ans plus tard, excusez l’expression, « the game is over ». La société a changé, les rapports de forces ont changé, tout a changé, sauf un parti de plus en plus ankylosé dans ses contradictions et impasses. La campagne électorale en cours reflète le trou noir en question. Dans le débat des chefs d’hier, Pauline Marois a pratiquement été incapable d’articuler quoi que ce soit sauf de dire qu’ils avaient « essayé » et que ce n’était pas de leur faute. Sur les questions sociales, les banalités habituelles, tout en intégrant le discours de droite sur la « nécessaire austérité ». Sur les questions nationales, des non-réponses pour terminer sur l’identité présentée de manière frileuse et hypocrite, comme si le Québec était menacé dans sa substance par quelques femmes voilées, alors qu’il est mis au pied du mur par un capitalisme canadien de plus en plus agressif et menaçant.

Il faut ne pas avoir peur du ridicule pour demander à QS de se « ranger » dans le navire péquiste qui prend l’eau de toutes parts, au nom des « intérêts supérieurs » de la nation. Si la direction du PQ avait eu à cœur de reconstituer la grande alliance, elle se serait assise avec QS et les mouvements populaires pour établir un agenda commun. Mais Pauline, Jean-François Lisée, Bernard Drainville, se sont pensés tellement plus fins. Avec leurs « spins », ils ont pensé préférable d’aller chercher 1 ou 2 ou 3 pourcentage de votes pour faire passer 1 ou 2 ou 3 députés de plus, quitte à faire peur au monde, et aussi à draguer le symbole même de Québec inc.

Dans un sens, la débandade du PQ est tragique. Elle laisse la place à un retour en force de la droite qui sera, à Québec et même à Ottawa, encore plus agressive, encore plus déterminée. En ligne, se dégage le démantèlement de l’espèce d’État québécois avec ses instruments financiers comme la Caisse de dépôts et ses législations spécifiques sur les services sociaux, la protection de la langue, l’accès à l’éducation. Il ne faut pas être naïf, c’est ce qui nous attend si le PLQ gagne les élections. A l’opposé, si le PQ réussit à se faufiler en agitant le spectre de l’identité, il se pourrait que les conditions soient mises en place pour un grand retour en arrière également. Les « lucides » se mettront au-devant avec PKP pour liquider ce qui reste du grand projet.

Que faire ? Il reste à « reconstruire la maison » de l’émancipation sociale et nationale. Le mouvement populaire est mieux organisé, plus politisé, conscient de ses forces et de ses faiblesses. Avec QS, on a un bel outil qui n’est pas encore arrivé à maturité mais qui progresse. Des forces politiques pour la transformation, il y en a et il y en aura d’autres. Avec un peu de chance, il pourrait survenir quelques (bonnes) surprises. Autrement, il n’y a pas de raccourci pour ériger un nouveau projet d’émancipation. Il faut du temps, de l’énergie, de l’imagination et la capacité de continuer le travail de fourmi. De tout cela, on en a …

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