Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Point de mire du 11 février 2020

La lutte aux changements climatiques ne fait pas disparaître la lutte de classe

Dans ces points de mire, Presse-toi à gauche présente synthétiquement des éléments d’analyses d’articles publiés dans l’édition de la semaine et explicite ses partis-pris sur les points d’actualité et les débats en cours. Points de mire, pour bien marquer où nous voulons en venir !

Vous trouverez notamment dans cette édition de Presse-toi à gauche, André Frappier dans un article s’adressant d’abord au lectorat du Canada anglais explique les enjeux de la contestation de la loi 21 au Québec, Bernard Rioux souligne que seul une mobilisation massive de celles et ceux qui seront les principales victimes des changements climatiques peut contraindre le gouvernement de la CAQ à adopter de réelles mesures de réduction des GES et Ginette Lewis analyse les faiblesses du mouvement des salarié.e.s du secteur public à l’orée du début des négociations.
 
Pour André Frappier, les attaques en provenance du Canada anglais contre la loi 21 sont inefficaces et contribuent à renforcer ceux et celles que leurs auteur.e.s prétendent combattre. Il explique qu’au Québec, les interventions de la CAQ et du Bloc font en sorte que les populations du Québec et du Canada anglais sont divisées plus que jamais. Par ailleurs, les attaques de certaines villes et personnalités contre le Québec relèvent davantage du préjugé et de l’aveuglement volontaire quant à la présence de courants islamophobes au Canada anglais tout autant qu’au Québec et « ne sont ni bienvenues, ni utiles ». Il conclut que « si la solidarité doit dépasser les frontières nationales, puisqu’il en existe une sans contredit, elle ne peut se faire sans qu’elle soit sollicitée et qu’elle se réalise dans une compréhension mutuelle des problèmes et de la réalité de chacun. »
 
Bernard Rioux croit que le gouvernement de la CAQ est tellement inféodé aux intérêts de la classe capitaliste qu’il ne fera rien de significatif qui pourrait heurter les intérêts de celle-ci, aucun obstacle à la quête de profit et de toujours plus de consommation. Le ministre Charette va jusqu’à évoquer la catastrophe économique que provoquerait une baisse de 50% et plus tel que recommandé par le GIEC. L’auteur appelle à « dépasser une stratégie centrée sur les pressions sur les élites » et lui substituer « une stratégie qui part des bases et de la mobilisation populaire, qui vise pas d’abord à faire pression, mais à construire un véritable pouvoir populaire. » Il conclut qu’il faut « définir de nouvelles règles institutionnelles sur des bases démocratiques, ouvrant à une démocratie citoyenne permettant à la majorité de décider de ses choix économiques et écologiques, de faire face à la crise climatique et de construire un avenir prometteur. »
 
Selon Ginette Lewis, il faut déplorer le fait que les syndicats de salarié.e.s de l’État se rendent à la bataille en rangs dispersés. Si les Front communs des récentes négociations se sont heurtés à l’autoritarisme patronal et n’ont pas remporté grand-chose, c’est surtout à cause d’une stratégie douteuse et d’un contrôle bureaucratique des directions syndicales qui « ont refusé d’aller au front. » Selon elle, il faut reconstruire ce front de manière à confronter la CAQ, qui est davantage préparée que l’impression le suggère, et « créer un vrai et nécessaire front commun dans les luttes, dans l’action et autour de revendications claires. »
 
Nous attirons par ailleurs votre attention sur certains articles de cette édition : Yvan Perrier analyse le mode de gouvernance de la CAQet y trouve un « unilatéralisme autoritaire » ; en matière d’autoritarisme, la CAQ en fait une solide démonstration avec l’adoption de la réforme de la gouvernance scolaire. Le collectif Debout pour l’école déplore l’attitude de la CAQ dans ce dossier ; la grève des enseignant.e.s en Ontario se poursuit et nous avons regroupe 3 textes afin d’en connaître les enjeux ;la répression s’abat sur les manifestant.e.s de la nation Wet’suwet’en et les solidaires de leur lutte contre le gazoduc Coastal Gaslink ; Pierre Beaudet retrace les origines d’une autre crise entourant Bombardier, comment l’avidité de ses dirigeant.e.s conduisent l’entreprises et ses salarié.e.s vers l’abîme et souhaite que la société québécoise reprenne le contrôle d’une entreprise qu’elle a contribué à sauver à maintes reprises afin qu’elle serve l’intérêt public ; enfin, Donald Cuccioletta analyse les conséquences désastreuses qu’ont eu les ratés du caucus démocrate en Iowa et les risques que la direction du parti prise de panique n’en arrive à attaquer les tenant.e.s de son aile gauche.

Sur la scène internationale

À l’instar des médias bourgeois, nous avons mis l’accent sur des points chauds de l’actualité : le coronavirus en Chine, l’élection au Parti Démocrate américain, l’affaire Mazneff en France et le capitalisme vert à Davos.

Concernant le coronavirus
Santé et économie : Un conovirus au cœur de la machine à exporter chinoise

L’autrice, Martine Orange, pose la question du coronavirus sous l’angle économique. Elle confirme que cette épidémie crée au niveau mondial beaucoup d’incertitude à cause du poids économique de la Chine « Son poids et son intégration dans l’économie mondiale sont devenus déterminants : elle représente désormais 20 % du PIB mondial. »

Dès l’annonce des premières personnes malades l’économie mondiale est devenu frileuse. La banque centrale chinois a immédiatement investit 1200 milliards (156 milliards d’euros) de yens pour calmer le jeu. Mais la prolongation de la crise risque de montrer la fragilité du système car : « Devenue l’atelier industriel du monde, à la faveur de la mondialisation défendue depuis les années 1990, la Chine a désormais une place déterminante dans la chaîne de valeur des multinationales. Elle domine, voire est en position de quasi-monopole sur des pans entiers de l’économie mondiale. Composants électroniques, semi-conducteurs, terres rares, pièces industrielles, produits chimiques, textile, pharmacie, chaussures… dans tous ces secteurs, elle est devenue le fournisseur du monde. Selon le Wall Street Journal, 80 % des principes actifs des médicaments vendus aux États-Unis proviennent de Chine. En cas de ruptures massives dans les chaînes d’approvisionnement, le monde va vite réaliser que les politiques de délocalisation à outrance, du zéro stock, du flux tendu ont un coût élevé pour la société, que sa sécurité même n’est pas assurée. »

L’auteur développe son argumentation autour du coronavirus mais aussi du fait qu’avant cette crise, la Chine connaissait des ralentissements économiques. Elle explique les effets de la combinaison d’une crise appréhendée et de la crise du virus. Elle conclut « Alors ce ne serait pas seulement la Chine qui serait infectée mais l’économie mondiale. »

Concernant l’élection au Parti Démocrate
Quand Bernie Sanders et son mouvement de masse deviennent « le pire cauchemar » de ceux qui gouvernent le monde

L’article tente de comprendre pourquoi Bernie Sanders dérange tant aux États-Unis. D’entrée de jeu il postule l’importance de « l’énorme mouvement populaire que ce même Bernie a lancé en novembre 2018 et qui est toujours en train de se construire ! Un mouvement populaire qui n’a pas de précédent dans l’histoire des États-Unis ni par ses dimensions ni par sa radicalité et la détermination de ses jeunes militants et militantes d’en découdre avec ce système et ses représentants politiques ! »

Il analyse ce mouvement à la base qui s’implique dans les actions et qui veut un réel changement social. Selon lui : c’est un mouvement du peuple. Ensuite il porte son attention sur le programme de Bernie : « En effet, les propositions, les positionnements et les revendications qui sont contenus dans ce programme couvrent tous les domaines de l’activité humaine, proposent des réponses et des solutions aux graves problèmes existentiels qu’affronte tant la société nord-américaine que l’humanité, tout en faisant le pont entre la satisfaction des besoins immédiats de la grande majorité de la population et la vision d’un monde radicalement différent. »

Il insiste sur la dynamique sociale que ces revendications sont en train de créer et fait la différences d’interprétations suivant les intérêts que l’on porte « C’est à dire de ceux d’en bas et de ceux d’en haut qui l’interprètent, chaque camp à sa façon et selon ses intérêts, comme une claire incitation à la révolte contre le système et ses principales forces économiques et politiques. Pour ceux d’en bas (salariéEs, minorités, femmes, indigènes, migrants et victimes de toute oppression), ce programme est déjà devenu une source d’inspiration, une arme de combat et aussi un drapeau qu’on brandit haut et fort. » C’est un affrontement de classe tel est la caractérisation de la situation selon la conclusion de l’auteur.

Concernant Mazneff
Une analyse féministe critique du « Consentement »

Cet article est en fait un résumé-commentaire sur le livre ‘Consentement’ de Vanessa Springora. Le livre décrit l’emprise que Mazneff a exercé sur cette jeune femme de 13 ans. Son livre découpe cette domination en : « cinq chapitres : « L’enfant, La proie, L’emprise, La déprise, L’emprunte, Ecrire ». Pour Vanessa, avec la rupture commence « une longue période de tensions entre sa volonté de s’affirmer comme sujet et sa prise de conscience de la force de domination ».

Il y a certes le contexte de l’époque qui justifiait cette pédophilie en parlant de libération sexuelle et de la libre jouissance de tous les corps. Mais ce n’est pas une excuse selon elle. Il a avait aussi le fait pour Vanessa de se comprendre comme victime. « Or, cette notion de victime est capitale : c’est seulement à partir du moment où une femme parvient à s’identifier à sa situation de victime qu’elle peut aussi identifier l’agresseur comme tel. »

Le livre aborde aussi la question du consentement mais en le plaçant dans son contexte social de domination et aussi dans une compréhension de valeurs supérieures tel que le refus de la marchandisation des corps. « C’est pourquoi le consentement ne doit pas être le seul critère qui justifierait tout. Il devrait être subordonné à des valeurs supérieures comme, par exemple, la dignité humaine, c’est-à-dire le droit de ne pas être traité comme un objet, une marchandise »

De l’aspect marchandisation découle aussi l’aspect systémique des violences faites aux femmes. Et de décrire comment le silence est complice de ces violences.

Reste à développer les liens avec toutes les femmes qui vivent ces situations partout dans le monde. « C’est pourquoi les luttes féministes doivent être à la fois situées en fonction des pays et des contextes sociaux, mais aussi des situations internationales afin de développer, de consolider une solidarité dont dépend leur force. »

Concernant Davos et le capitalisme vert
Reforestation, tigre virtuel, marché carbone : les mirages de la finance verte

Les changements climatiques commencent à faire réfléchir les grands capitalistes. À la rencontre de Davos, il y a eu des discussions à ce sujet. L’ampleur de la tâche est énorme « Entre 40 et 90 milliards d’euros seraient nécessaires chaque année pour financer la transition écologique en France, selon la Banque de France. Pas moins de 1 000 milliards d’euros doivent être investis au cours des dix prochaines années pour changer nos modes de production et de consommation en Europe ».

Mais le monde financier se sent capable d’y faire face. « Dans une tribune publiée par Project Syndicate, Klaus Schwab, le fondateur de Davos, a donné le la, posant les bases de cette évolution souhaitée par les puissants. Reprenant les thèses de Branko Milanovic sur un capitalisme qui domine le monde, soit sous sa forme néolibérale (les États-Unis), soit sous sa forme étatique (la Chine), il insiste sur l’existence d’une troisième voie : le stakeholder capitalism, c’est-à-dire un capitalisme où les intérêts d’autres parties prenantes (salariés, associations, société civile, etc.) seraient aussi pris en compte. »

Après de décennies d’aveuglement des problèmes environnementaux dans le seul but de faire des profits, les capitalistes vont-ils penser préservation et réparation de la nature ? Martine Orange avance la notion de financiarisation de la nature et du prix à mettre sur elle. « Ce qui est vrai pour le carbone l’est tout autant pour les valeurs des biens communs essentiels comme l’eau, l’air, les sols. Faut-il fixer un prix pour ces biens indispensables à la vie ? Et comment fixe-t-on la hauteur du préjudice en cas de dommages ? Là non plus, les marchés ne savent pas répondre. Parce que fixer un prix reviendrait à dire que ces biens essentiels sont des marchandises comme les autres, que l’on peut s’en passer si l’on n’a pas les moyens de les acquérir. Or on ne peut pas se passer de respirer. »

Les solutions apportées vont davantage vers la création d’image verte : taxe du carbone, planter des arbres et obligations vertes.

L’auteure critique chacune de ces solutions, de ces fausses solutions en fait. « Afin de les aider à compenser leurs émissions de CO2 et de s’offrir une image « plus verte », des sociétés leur proposent de planter des arbres un peu partout dans le monde. Un vrai marché des forêts, » « Leur raisonnement est simple : si les obligations vertes sont vraiment vertes, elles doivent avoir un rendement financier beaucoup plus bas que les autres, puisque les projets qu’elles financent ont des contraintes beaucoup plus élevées. » « Or les obligations vertes évoluent exactement de la même façon que les autres. En d’autres termes, le marché ne fait aucune différence entre les unes et les autres. Peut-être parce que, derrière le label vert, il n’y a aucune raison de faire la différence ? »

Et elle conclut au fiasco total du capitalisme vert « Dans quelle mesure, tout cela ne va-t-il pas aboutir à une économie normée, décidée par la seule finance, sans débat public, sans pour autant apporter les bonnes réponses ? »

Bonne lecture

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