Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Transition écologique et démocratie économique

Le Réseau Militant Écologiste (RMÉ) poursuit son travail d’animation des débats sur le plan de transition de Québec solidaire, Maintenant ou Jamais. Le 2 mai prochain, Le RMÉ tiendra une vidéoconférence où sera discutée la définition de ce que peut et doit être la démocratie économique qui permettrait à la majorité populaire d’être au poste de pilotage de la transition économique et écologique. On y discutera également du rôle d’Hydro-Québec dans ce contexte.

Le système capitaliste : une logique prédatrice et destructrice de notre environnement.

La production capitaliste met les profits avant la vie. Son rapport à la nature est un rapport de prédation et de pillage. Les coupes à blanc des forêts en sont une illustration. La déforestation, que ce soit en Amérique du Sud ou dans le Sud-est asiatique, se fait au nom de la production de biocarburants. La pêche intensive et industrielle par des bateaux-usines qui raclent le fond des mers condut à la disparition de nombreuses espèces de la faune marine. L’agriculture capitaliste qui se concentre sur des monocultures extensives et qui utilise massivement des produits chimiques conduit à l’appauvrissement des terres et à la multiplication de pollutions dangereuses. Les élevages intensifs, centrés sur l’exportation, mènent à une perte de la biodiversité, créent des environnements propices au développement d’agents pathogènes et favorisent l’éclosion de pandémie chez les populations animales. Le développement de l’alimentation carnée est certes très payant, mais s’appuie sur une dépense énergétique qui n’est plus tenable.

La production de produits manufacturés ne vise pas d’abord à répondre à des besoins essentiels, mais vise, ici encore, à créer les conditions du gonflement des ventes et des profits. La production automobile est exemplaire à cet égard. Non seulement, elle est très consommatrice de ressources naturelles, mais elle a conduit à la détérioration de l’environnement, car cette production a été un vecteur de pollution et de pillage des ressources naturelles. Plus, les fabricants d’automobiles ont produit des voitures qui s’usent rapidement afin qu’elles puissent être remplacées régulièrement. Et cela, c’est sans parler de l’usure morale des modèles et des marques. La publicité a créé des pressions à la consommation de nouveaux modèles pour soutenir le renouvellement de la flotte automobile et son extension continue. Il s’agit d’accélérer la vitesse de rotation des marchandises. Ces grandes entreprises ont tout fait pour réduire l’importance du transport en commun que ce soit par autobus, tramways ou trains.

Aujourd’hui, les produits des entreprises électroniques sont caractérisés par le fait de ne pas être réparables. Cela est vrai des ordinateurs, des imprimantes, des téléphones cellulaires et autres tablettes. Produire pour vendre et engranger le plus de profits possible est au coeur de la logique capitaliste avec le gaspillage insensé des ressources. [1]

Les producteurs d’armements investissent des sommes considérables dans les machines à tuer. Les marchands d’armes américains, canadiens et européens fournissent les dictatures sans état d’âme. En cette période, le caractère odieux de ce type de production est particulièrement révélateur de la logique capitaliste qui place les profits avant la vie. En effet, un chasseur F-35, qui vaut 89 millions de $ pièce équivaut à ce que coûteraient 3 244 lits en soins intensifs. [2]

Même, quand le capitalisme s’investit dans les énergies renouvelables, ces dernières sont dénaturées et la logique de l’accumulation des profits fait du capitalisme vert une expérience désastreuse. [3]

Les politiques néolibérales qui se sont développées depuis la fin des années 70, ont mis en mal l’État social. En santé, elles ont conduit à la privatisation rampante de tout un pan du secteur de la santé, à la diminution de ses budgets, à la diminution du nombre de salarié-e-s, et à la précarisation du statut des travailleurs et des travailleuses. Ces dernières années, la diminution du nombre de lits au Canada et au Québec est éloquente de cette gestion néolibérale. Les aînés-e-s ont été les victimes de ces politiques de privatisation et de coupes budgétaires. Le caractère dramatique dont les aînés-e-s du Québec vivent la pandémie de Coronavirus montre les conséquences ultimes où peuvent conduire ces politiques. Faire de l’argent sur la misère du monde est une conséquence d’une logique purement capitaliste.

Aujourd’hui, ce sont les capitalistes et les financiers qui décident de la production. Ils produisent pour vendre le maximum de marchandises. Les choix de production sont faits à partir des profits espérés. Les lieux de production et d’investissement s’opèrent le plus souvent sur une base internationale en essayant de profiter au maximum des lieux où la main-d’oeuvre est à moindre coût. Qu’est-ce qui fonde les droits de la classe capitaliste de monopoliser les réponses à ces différentes questions. Le droit de propriété des moyens de production (capital industriel), le contrôle de l’argent (les banques) et le contrôle des moyens de distribution (le capital commercial).

La transition écologique et sociale exige une réelle démocratie économique

En somme, l’appareil productif actuel a été construit pour répondre aux besoins de l’accumulation du capital. Si on veut le reconstruire sur des bases réellement écologistes : il faut rejeter le pouvoir de la minorité possédante d’imposer sa volonté dans la défense de ses seuls intérêts et leur capacité de dénier tout pouvoir aux travailleurs et travailleuses et à la majorité citoyenne dans les choix économiques les plus importants.

Identifier les communs qui doivent échapper à la logique marchande

Le développement des services publics et la démocratie économique à ce niveau impliquent une série de choix qui cassent la logique néolibérale. Les services publics de santé, d’éducation, de logements et de transports doivent être considérés comme des biens communs qui ne doivent pas être réduits à des occasions d’affaires et leur défense passe par le refus radical de toute privatisation.

Changer les finalités et la réalité de l’appareil de production

C’est pourquoi il faut socialiser (nationaliser sous forme de coopératives ou d’entreprises publiques autogérées) les secteurs stratégiques de l’économie pour pouvoir répondre à partir des besoins de la majorité populaire aux questions suivantes.

  • Que faut-il produire ? En quelle quantité et de quelle qualité ?
  • Quels procédés techniques faut-il utiliser ?
  • Comment cesser le pillage des ressources naturelles ?
  • Quelle rémunération et quelles capacités d’initiatives donner aux producteurs-e-s directs ?
  • Commet financer les choix économiques et écologiques proposés ?

Répondre à ces questions collectivement par la délibération implique une planification démocratique des choix afin

  • d’identifier les biens répondant à des besoins authentiques
  • de pointer les productions inutiles auxquelles il faut mettre fin
  • de questionner les techniques de production qui débouchent sur le gaspillage
  • de choisir les modalités d’échange de proximité et de commerce lointain
  • de définir les modalités de la mise en place de systèmes énergétiques fondés sur les énergies renouvelables,
  • de préciser les modalités de mise en place d’ une agriculture de proximité tournée vers la souveraineté alimentaire et le respect de l’environnement

Les conditions sociales de ces transformations

La démocratie économique peut et doit être fondée sur la capacité de la majorité d’objectiver ses propres choix collectifs à travers un plan de transition démocratiquement établi. Cette ambition nécessite : la propriété collective des moyens de production des secteurs stratégiques de l’économie : soit la propriété publique, communautaire ou coopératives des travailleurs et des travailleuses, des étudiant-e-s, des jeunes, des femmes au foyer et retraité-e-s afin de pouvoir les mobiliser dans la définition des besoins de production et du prendre soin. La démocratie économique implique de répondre à ces questions essentielles :

  • Quels sont ces secteurs stratégiques qui doivent être socialisés ? Quelles entreprises seront concernées par cette socialisation ?
  • Quels choix de production doivent être faits à partir de ces choix ?
  • Qu’est-ce qui relève du national, du régional et du local dans ces choix ?
  • Quelle est la place des liens internationaux et comment peut se concrétiser cette solidarité internationale ?

La planification écologique et démocratique doit trouver ses moyens institutionnels permettant de définir les lieux de délibération et de décision.

Les bases institutionnelles de cette planification démocratique assurant une véritable souveraineté écologique doivent reposer sur la reconnaissance des travaux essentiels et la réduction du temps de travail, pour favoriser la participation des travailleurs et des travailleuses à la discussion démocratique et à la gestion de l’économie.

La planification écologique et démocratique doit être fondée sur un débat pluraliste à chaque niveau de décision …

  • Une démocratie directe au niveau de l’entreprise – conseil de planification et organisations syndicales ;
  • une démocratie participative au niveau des villes (conseils de quartier … et la priorisation des besoins) et mise en place de budgets participatifs ;
  • et mis en place d’organismes de planification élus au niveau national pour définir les grandes orientations des grandes entreprises publiques offertes à partir de choix entre alternatives cohérentes. Les partis politiques ont, à ce niveau, un rôle essentiel à jouer.

La définition des objectifs et des modalités de ce que peut être une réelle démocratie économique et écologique sera le résultat des débats et des luttes concrètes qui sont essentielles à mener pour sortir de la crise économique et écologique dans laquelle nous a enfoncés la minorité capitaliste. La démocratie économique doit trouver également son expression dans l’élargissement de la démocratie politique et dans la mise en place d’un gouvernement de la majorité populaire.

Socialiser le secteur financier

Pour financer la transition écologique et empêcher les blocages du secteur financier, il faut socialiser le secteur bancaire. ‘Socialiser, ce n’est pas nationaliser pour redresser et revendre ensuite, ce n’est pas non plus étatiser pour s’en remettre à une gestion technocratique : c’est mettre en place les outils qui permettront de financer des activités utiles socialement et écologiquement, choisies démocratiquement, créatrices d’emplois, de revenus, de cohésion sociale. " [4]

La démocratie économique passe par la fin de la domination de la finance sur les choix économiques et écologiques que doit faire la majorité dans la conjoncture. Rien de moins.

Notes

[1] Razmig Keucheyan, Les besoins artificiels. comment sortir du consumérisme, Zones, 2019

[2] Danilo Albin, Le ministère de la Défense dépense l’équivalent de 440 respirateurs médicaux pour un char de combat, 28 avril 2020, https://www.pressegauche.org/Le-ministere-de-la-defense-depense-l-equivalent-de-440-respirateurs-medicaux

[3] Voir, Daniel Tanuro, L’impossible capitalisme vert, La découverte, 2012.

[4] Thomas Coutrot, Jalons vers un monde possible, Redonner des racines à la démocratie. Les éditions Le bord de l’eau, 2010, p. 44

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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