Édition du 22 avril 2025

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Québec

Lettre ouverte du comité de soutien du personnel mis à pied du Centre justice et foi

La revue Relations et le Centre justice et foi méritent mieux que la mascarade entourant leur fermeture par les Jésuites du Canada

En ce mois de janvier 2025 la revue Relations, fondée en janvier 1941, aurait dû fêter son 84e anniversaire si ce n’avait été de l’incurie du conseil d’administration et des responsables jésuites qui ont entrepris plutôt de la saborder ainsi que le Centre justice et foi. Ce dernier célébrait son 40e anniversaire en 2023. Le comité de soutien du personnel mis à pied du Centre justice et foi (CJF) dénonce la mascarade qui entoure la fermeture de la revue Relations et du CJF, annoncée le 9 janvier dernier. Ces deux institutions reconnues dans la société québécoise méritent mieux. Que les Jésuites du Canada expriment leur tristesse face à ce résultat et leur reconnaissance envers tous les artisans et les artisanes du CJF et de la revue dans leur communiqué officiel est une chose ; mais qu’ils continuent à se justifier en évoquant des problèmes financiers et organisationnels, reste irrecevable.

Nous savons de source sûre que le nouveau Provincial des Jésuites du Canada, le père Jeffrey S. Burwell, reconnait pourtant les graves manquements des autorités jésuites dans cette affaire, en s’excusant pour la douleur et la frustration que cela a causées et qu’une compensation financière ne suffit pas à effacer. Or, le communiqué, sans cohérence, ne donne aucun écho à cela. Des institutions reconnues comme Relations et le CJF au Québec méritent mieux que des paroles creuses.

Non seulement de nombreuses personnes (employées, collaboratrices, alliées) n’ont-elles pas été écoutées depuis le déclenchement de cette crise, elles ont été ignorées et laissées de côté (passons outre une prétendue consultation d’une qualité pitoyable). On a préféré entreprendre une soi-disant refonte en vase clos, au sein d’un CA décimé par les démissions successives qui se sont produites à la suite de la mise à pied dite temporaire du personnel, le 22 mars 2024. Ce geste, faut-il le rappeler, est en totale contradiction avec les valeurs défendues par la revue et le Centre que les jésuites soutenaient jusque-là. Comme il fallait s’y attendre, le CA a accouché, à la fin de novembre dernier, d’un projet sans envergure qu’aucun des collaborateurs et collaboratrices n’auraient endossé tant c’était une caricature. Il n’y avait alors plus aucun espoir que se réalise une relance digne de la mission du CJF et de Relations, cohérente avec les orientations et la qualité d’analyse qui prévalaient jusqu’à la suspension des activités en mars 2024.

L’annonce de la fermeture définitive, comme d’autres annonces avant elle, est mensongère et refuse de nommer les véritables causes de ce gâchis qui était pourtant tout à fait évitable. On ne mentionne jamais l’existence d’une réserve financière importante, notamment des fonds que de défunts donateurs voulaient consacrés au CJF, dont disposait le CA pour réaliser les ajustements nécessaires au fonctionnement du CJF. On passe sous silence les conséquences d’avoir négligé de réaliser les démarches prévues pour continuer à renforcer l’autofinancement pourtant déjà bien amorcé depuis le désengagement financier progressif de la province jésuite depuis quelques années. Et on passe aussi sous silence l’abandon par le CA de la démarche de discernement communautaire amorcée à l’automne 2022, puis celle d’une planification stratégique pour laquelle du financement existait pourtant, ce qui aurait permis au CA, à la direction et au personnel de faire les ajustements nécessaires à la poursuite de la mission de l’organisme.

Un héritage mis à l’écart

Lors d’une rencontre avec des membres de communautés religieuses au printemps 2024, un représentant jésuite du CA avait avoué que les raisons de la suspension étaient davantage d’ordre idéologique : l’équipe n’était pas en phase, selon lui, avec les priorités de la province jésuite. Cette raison est elle-même fallacieuse, car l’équipe était reconnue pour avoir participé très activement à l’actualisation des priorités jésuites. Le fond du désaccord se trouve davantage dans le fait que les nouvelles autorités jésuites, majoritairement issues de la province anglophone, ne se reconnaissaient pas dans le CJF et dans la revue Relations et ne voulaient plus assumer cet héritage. Elles ont donné leur aval, ou peut-être même suggéré, la décision d’une suspension des activités et une mise à pied du personnel qui risquaient fort d’entraîner ce qui se confirme aujourd’hui : la fermeture définitive.

Le communiqué émis le 9 janvier confirme d’ailleurs une mécompréhension profonde de la mission du CJF et de la revue Relations de la part des autorités jésuites actuelles. On peut en effet y lire que la mission du CJF serait de faire de « l’analyse sociale et la promotion d’un engagement social faisant découvrir la foi ». Or, cela est une divergence importante avec la vision qui animait le CJF dès sa fondation, à savoir incarner une foi cohérente avec l’engagement pour la justice sociale, dans une solidarité et en collaboration avec toutes les personnes qui partagent cette option pour la justice – qu’elles soient croyantes, non-croyantes ou autrement croyantes.

Fermer dans la dignité

On aurait compris qu’on n’avoue pas explicitement de telles raisons dans un communiqué officiel. Mais la décence minimum commandait qu’on ne réitère pas à cette occasion le mensonge concernant des « problèmes financiers et organisationnels », car ces derniers n’avaient rien d’insolubles. Ce communiqué aurait dû plutôt faire écho au fait, admis par le nouveau Provincial, qu’il était devenu impossible de renouer avec l’expertise gravitant autour de Relations et du CJF tant cette crise mal gérée a entraîné leur perte. Au lieu de cela, sans rien assumer, on répète honteusement la ligne de communication fabriquée par des experts en la question : « Cette transition s’est faite avec soin et respect envers les employés du CJF. Tous ont quitté dans des conditions justes et équitables. » Comment ne pas voir là une sorte d’affront sachant qu’une entente de confidentialité lie et réduit au silence le personnel qui a reçu une compensation financière ?

Nous en appelons au Provincial des Jésuites du Canada pour qu’il corrige cette mise en scène indigne qui essaie de tourner la page en faisant fi de la réalité. Nous nous attendons à ce que pareilles institutions soient fermées avec le respect et la dignité qu’exige leur contribution essentielle à la société et à l’histoire québécoises pendant des décennies, en s’assurant de pérenniser cet héritage (en rendant accessibles les archives papier et numériques, notamment), inestimable témoin d’une tradition de foi incarnée dans l’action pour la justice sociale.

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