Édition du 26 mars 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Patience et passion

Je conseille à tous et toutes qui n’ont pas lu la brochure du Réseau écosocialiste (Au-delà du Parlement, se donner le pouvoir de changer la société), d’en prendre note. Voici une réflexion stimulante qui peut animer plusieurs débats et recherches. Ce genre de textes, qui exige un peu plus d’attention, n’est pas un « détour », ou un exercice pour des étudiant-es de doctorat ! Il y a des questions complexes qu’il faut aborder, où les choix à prendre sont devant des tas de contradictions, des choses évidentes et d’autres opaques, contestées et contestables. C’est un labeur d’entrer dans cette complexité, mais c’est un labeur nécessaire auquel doit de se confronter le monde militant, pas seulement les profs d’université !

D’une part, la transformation de la société est à l’ordre du jour, même si elle ne va pas survenir, on s’entend sur cela, demain matin ! Cette transformation n’apparaît pas comme un chemin « lisse », bien balisé, mais comme une succession d’aspérités, de fausses pistes et de tracés qu’il faut déchiffrer.

D’autre part, il faut tenir compte que nous n’inventons pas la roue, qu’il y a eu plusieurs expériences dans un passé pas si lointain. Il ne faut surtout pas répéter les (nombreuses) erreurs de ces projets tout en sachant capter les bons coups et les bonnes idées. Il faut donc travailler à les comprendre, à les décrypter. Encore là, c’est une grosse job…

Il y a quelques idées que je relancerais pour les auteur-es et les lecteur-es de cette réflexion. La première idée, c’est que la transformation ne survient pas seulement parce que nous sommes mieux organisés, déterminés, avec un projet clair. Il faut aussi que le système soit en crise, pas une crisette, mais une vraie Crise où comme on le disait à l’époque, « ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner » (Lénine). Cette grande crise n’est jamais prévisible, parce qu’elle n’est pas prédéterminée, contrairement à ce qu’en pensent encore certains militant-es. Le dispositif du pouvoir sous le capitalisme est très flexible, il sait s’adapter et éviter l’effondrement.

Mais ce n’est pas toujours le cas. Des systèmes finalement s’écroulent, comme on l’a vu il n’y a pas si longtemps en Bolivie. C’est parfois un « incident » ou un « accident », une mauvaise passation des pouvoirs, une guerre avec des pays voisins. Il faut donc être aux aguets, être capables, si le moment se pose, de prendre l’offensive. Cette imprévisibilité fait en sorte que des mouvements de transformation ne peuvent être « routiniers », continuer de faire et de dire la même chose.

Et pour ceux qui veulent aller plus loin que les apparences, il faut être modeste, savoir qu’on peut se tromper, qu’on ne peut pas tout capter, qu’on s’emporte souvent avec nos émotions. Attention camarades disait Marx, « Il n’y a pas de route royale pour la science et ceux-là seulement ont chance d’arriver à ses sommets lumineux qui ne craignent pas de se fatiguer à gravir ses sentiers escarpés ».

Un autre questionnement doit être approfondi sur les acteurs du changement. Selon les Écosocialistes, les militant-es de Québec Solidaire ne doivent pas être timides. Ils-elles doivent et peuvent intervenir dans l’élaboration des stratégies des mouvements populaires et ne pas se placer dans une sorte d’« extériorité » par rapport à ces mouvements. Je serais d’accord avec cette idée, à condition qu’on y inclut la réciprocité : les militant-es des mouvements populaires ne devraient pas se prévenir d’intervenir dans les débats de QS. La production politique et intellectuelle des mouvements est au moins aussi importante et riche que celle émanant des partis.

Ces mouvements sont de plus en plus animés par des processus où la pensée critique, l’analyse, la stratégie, sont développés avec beaucoup d’intelligence. Par ailleurs, QS ne doit pas être passif ou attentif, mais constamment solliciter l’avis des mouvements, établir avec ces mouvements une sorte de « connivence ». L’idée d’une hiérarchie, comme elle existait à une certaine époque, doit être éradiquée, en pratique comme en théorie.

Une fois dit cela, il faut prendre des risques, car quand « on combat, on peut perdre », disait Brecht, en ajoutant que « si on ne combat pas, on est sûrs de perdre ».

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