Édition du 16 avril 2024

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Pourquoi une guerre contre les sans-emploi ?

À Toronto, une des villes les plus riches au Canada, 22 % des moins de 25 ans sont sans emploi. Et le chiffre est probablement trompeur, puisque n’incluant pas tous ceux et celles qui sont « disparus » du marché du travail. Sans compter la quantité énorme des personnes qui subissent le travail à temps partiel et précaire.

Au Québec évidemment, on est loin en « avance » sur cette situation. Quand les gouvernements et les patrons nous parlent de 7 ou 8 ou 9% de taux de chômage, c’est un mensonge éhonté. En réalité selon diverses estimations, il faudrait parler plutôt de 15 et peut être de 20 % de la population qui n’a pas un « véritable emploi ». Sans oublier non plus la très grande quantité des retraité-es qui cherchent des emplois parce que leur retraite ne suffit pas à combler leurs besoins.

Il faut donc relire les politiques actuelles du gouvernement conservateur concernant l’emploi et le chômage. Comme on le sait, Harper est en guerre contre les sans-emploi depuis plusieurs années. Avec la loi C-38, cette guerre est devenue un assaut concerté qui retire à des dizaines de milliers de personnes le droit à l’assurance chaumage. Des populations sont particulièrement visées, en région notamment (où prévaut le travail saisonnier), mais aussi de manière plus large, les précaires, les femmes, les nouveaux arrivants sur le marché du travail. L’argument fallacieux de Harper est qu’il faut « encourager » les chômeurs et les chômeuses à travailler. Les médias poubelles de Quebecor et les mercenaires de service comme Aubin, Martineau, Dumont, sont moins subtils : « les chômeurs sont des sans cœur qui ne veulent pas travailler ». « C’est la mentalité de BS qui nous affecte », de dire le PDG milliardaire de Couche-Tard. Et ainsi de suite. C’est la même « bataille des idées » mise en branle par la droite et l’extrême-droite à travers leurs médias « berlusconisés ».

En réalité comme l’expliquent nos amis du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE), la « réforme » de l’assurance-chômage ne vise pas seulement les sans-emplois, mais tous les autres (1). Les gens qui travaillent deviennent plus vulnérables, car les employeurs ont pratiquement le droit de décider si ceux et celles qui perdent ou quittent leur emploi ont accès au programme. Devant une telle menace, on comprend qu’on préfère se « tenir tranquille ». Tout cela aura un effet à long terme sur les salaires et les conditions de travail, au point où il deviendra quasiment obligatoire pour des Canadiens de remplacer les Mexicains et autres éclopés du tiers-monde dans les emplois de misère (sur les fermes, dans l’entretien domestique, dans le fast-food, etc.). Les restrictions récentes sur la possibilité pour les employeurs d’embaucher des travailleurs immigrants temporaires, sont pensées pour obliger les jeunes (surtout) à aller dans les champs de fraises au salaire minimum. Entre-temps, les Mexicains seront probablement forcés d’accepter des conditions encore inférieures à ce qu’ils obtiennent, tout en payant des cotisations à une assurance-emploi à laquelle ils n’ont jamais droit !

L’autre dimension de la stratégie de Harper bien sûr, est de forcer les travailleurs et les travailleuses du Québec et du Nouveau-Brunswick à s’exiler en Alberta, où il y a pénurie de main d’œuvre qualifiée et semi-qualifiée à travers les projets pharaoniques dans le domaine de l’énergie. Déjà depuis un certain temps, des dizaines de milliers de personnes, majoritairement ouvrières, majoritairement masculines, s’entassent dans des bunkers pour travailler 10 jours sur 12. Les salaires soi-disant élevés sont grugés par les prix faramineux et le coût du transport pour revenir voir la famille une fois par mois. On perd sa vie à la gagner …

On voit donc que le problème est pas mal plus vaste que ce qu’on en dit. À part quelques courageux comme l’infatigable Yvon Godin (député NDP du Nouveau Brunswick), bien peu de monde en parlent. Des réseaux comme le MASSE et des groupes comme le Mouvement Action-chômage de Montréal font un travail admirable, avec des moyens dérisoires cependant.

C’est entre autres pour ces raisons qu’une coalition impromptue s’est mise en place pour organiser un « tribunal populaire » contre le saccage de l’assurance-emploi, lequel aura lieu dans le cadre du Forum social des peuples à Ottawa les 21-24 août prochains. C’est une initiative conjointe du MASSE, de la CSN, de la FTQ et des NCS, et qui permettra d’exposer l’arnaque en cours et ses raisons plus ou moins cachées. (voir les détails sur le site des NCS).

Note

(1) Voir leur analyse au complet, Le saccage de l’assurance-chômage, www.lemasse.org)

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