Par Calla Walsh, le 3 décembre 2022, Multipolarista
Une délégation de jeunes Américains a observé les élections municipales qui se sont déroulées à Cuba en novembre 2022 et a ainsi pu se faire une idée de ce qu’est une véritable démocratie populaire, où les travailleurs décident de qui les gouvernera, et non les riches oligarques et sociétés.
Cuba a tenu des élections pour ses organes de gouvernance locale, les Assemblées municipales du pouvoir populaire, le 27 novembre. Une délégation de jeunes des États-Unis a observé le vote en personne dans le cadre de la réunion de jumelage entre jeunes américains et cubains.
En provenance de l’empire américain, fondamentalement antidémocratique, c’était la première fois que de nombreux participants voyaient un système électoral fonctionnel dans lequel les masses participent concrètement et dans lequel la majorité règne véritablement.
Les listes d’électeurs et les biographies des candidats sont affichées à l’extérieur du bureau de vote du centre culturel et technologique de La Corbata à La Habana, Cuba.
Nous avons observé le vote à La Corbata, un quartier de La Habana actuellement en pleine transformation.
Le bureau de vote se trouvait à l’intérieur d’un centre culturel et technologique récemment construit, accueillant également des programmes artistiques, des cours, un laboratoire informatique, des cérémonies de remise de diplômes et des événements communautaires.
Dès notre arrivée, nous avons été surpris par l’efficacité du processus de vote. Aucune longue file d’attente n’a été constatée au bureau de vote de La Corbata, alors qu’aux États-Unis, les électeurs – surtout dans les quartiers pauvres – font généralement la queue durant des heures pour déposer leur bulletin.
Cubains votant lors des élections municipales à La Habana, le 27 novembre 2022.
Un fonctionnaire électoral local a expliqué que tous les citoyens et résidents permanents de Cuba sont automatiquement inscrits sur les listes électorales dès l’âge de 16 ans. À 18 ans, ils peuvent être désignés pour se présenter comme délégués.
Le processus de nomination se déroule dans les semaines précédant l’élection. Entre le 21 octobre et le 18 novembre, plus de 6 millions d’électeurs - 73 % des personnes habilitées à voter - ont assisté aux assemblées de quartier pour la nomination des candidats.
Les candidats sont choisis par des groupes communautaires locaux, notamment les Comités de défense de la révolution, la plus grande organisation de masse du pays, avec plus de 8,4 millions de membres sur une population de 11 millions d’habitants ; la Fédération cubaine des femmes, comptant parmi ses membres plus de 85 % de toutes les femmes cubaines éligibles âgées de plus de 14 ans ; et le Parti communiste de Cuba.
Le Parti communiste de Cuba n’est pas un parti électoral ; il ne "sélectionne" pas les candidats et il n’est pas nécessaire d’être membre du parti pour se présenter aux élections.
Avant les élections, le Conseil national électoral fait du porte-à-porte pour vérifier les informations relatives aux électeurs. Cette année, après que l’ouragan Ian a dévasté la province de Pinar del Río, dans l’est du pays, les responsables électoraux ont interrogé les personnes encore évacuées ou réfugiées dans cette région pour s’assurer qu’elles pourraient se rendre aux urnes.
Les élections cubaines ont toujours lieu le dimanche, afin que les électeurs ne soient pas limités par leurs journées de travail et puissent participer au processus démocratique.
Le 27 novembre, les bureaux de vote ont ouvert à 7 heures et devaient fermer à 18 heures. Le Conseil national électoral a utilisé le pouvoir que lui confère la Constitution cubaine pour prolonger d’une heure les horaires des bureaux dans tout le pays afin qu’un plus grand nombre de citoyens puissent exercer leur droit de vote.
Aux États-Unis, les élections qui sont programmées le mardi aux heures de travail - combinées à la difficulté d’accès aux bureaux de vote, aux exigences strictes en matière de pièces d’identité, à l’intimidation raciste des électeurs et à un manque général d’éducation civique - empêchent la plupart de la classe ouvrière de participer.
Les États-Unis soutiennent l’idée fausse que les élections cubaines ne sont "pas compétitives". En réalité, chaque municipalité cubaine doit avoir au moins deux à huit candidats en lice, afin de garantir que les électeurs aient le choix. À La Corbata, trois candidats se présentaient, tous des femmes.
La compétitivité des élections américaines n’a cessé de s’effondrer à mesure que les sociétés étendent leur monopole sur notre prétendue démocratie, ou plutôt, oligarchie. Lors des élections de mi-mandat de novembre 2022, moins de 8 % des districts du Congrès américain étaient considérés comme compétitifs.
Exemple d’un bulletin de vote cubain dans le bureau de vote de La Corbata.
Lorsque les électeurs cubains entrent dans le bureau de vote, ils confirment leurs informations d’électeur, reçoivent un bulletin de vote avec des instructions simples et le remplissent dans un isoloir. Ils déposent ensuite leur bulletin dans une urne surveillée par des élèves d’une école primaire locale.
Les jeunes ont toujours été à l’avant-garde de la révolution cubaine, c’est donc pour eux une fonction très honorifique et valorisante.
Élèves d’une école primaire locale surveillent l’urne à La Corbata.
Tout citoyen peut participer au processus public de comptage des voix. Les résultats officiels sont communiqués le jour même – contrairement aux États-Unis, où il faut des semaines, voire des mois, pour comptabiliser les votes, bien que ce pays soit l’un des plus riches au monde et qu’il bénéficie d’une technologie beaucoup plus avancée que Cuba, soumis à un blocus.
Si aucun candidat ne recueille plus de 50 % des voix, un second tour de scrutin est prévu le dimanche suivant. Ce sera le cas dans 925 des municipalités cubaines après les élections du 27 novembre.
En outre, la communauté peut révoquer ses représentants à tout moment une fois leur mandat entamé.
Biographies des candidats affichées à l’extérieur du bureau de vote afin que les électeurs puissent les lire.
Autre différence essentielle entre les élections américaines et cubaines est qu’à Cuba, il n’y a pas de campagne "traditionnelle". Les candidats nommés par la communauté ne peuvent consacrer d’argent à la campagne, mais ils restent accessibles aux électeurs pour discuter des problèmes.
Les biographies des candidats, qui soulignent leur expérience au service de la communauté et leur appartenance à différentes organisations, sont affichées à l’extérieur du bureau de vote.
Les électeurs prennent une décision éclairée en se basant sur les qualifications réelles des candidats, et non sur des publipostages, mailings, tracts ou publicités de campagne tape-à-l’œil ou des attaques publicitaires lancées par les Super PAC [NDR : "comités d’action politique", qui contribuent au financement des candidats, sont autorisés à recevoir des dons sans limite].
Par conséquent, le climat dans les bureaux de vote était totalement différent de ce que l’on observe habituellement aux États-Unis, où des foules de bénévoles de la campagne ou de travailleurs rémunérés se rassemblent à l’extérieur pour brandir des pancartes, distribuer des brochures et inciter les électeurs à soutenir leurs candidats.
La violence politique s’intensifie souvent à l’extérieur des bureaux de vote aux États-Unis. Lors des élections de mi-mandat de 2022, des milices armées ont même intimidé les électeurs devant les urnes de certains États.
Aux États-Unis, et dans toutes les "démocraties" capitalistes, les élections sont influencées par les montants investis dans une campagne, qui achète des spots publicitaires, des mailings, des équipes de travail et d’autres ressources pour attirer les électeurs potentiels.
Un montant record de 9,3 milliards de dollars a été dépensé pour les élections fédérales lors des élections de mi-mandat américaines de 2022.
Les campagnes politiques aux États-Unis ressemblent davantage à des émissions de télé-réalité – sensationnelles, polarisantes et totalement déconnectées des véritables problèmes et enjeux.
La conception superficielle de la démocratie qu’ont les Nord-Américains contribue à leur confusion à l’égard du système cubain. Certains croient la propagande anticommuniste ridicule affirmant que Cuba met en scène ses élections ou paie des acteurs pour nous tromper.
Comme je l’ai écrit dans Multipolarista en mai, il est plus facile pour de nombreux Nord-Américains de croire que Cuba ment sur ses réalisations démocratiques – gratuité des soins médicaux et de la scolarité, garantie de logement et d’emploi, antiracisme et égalité des sexes inscrits dans la constitution – que d’accepter le fait que notre propre gouvernement choisit de nous refuser ces mêmes droits.
Le caractère bien plus avancé de la démocratie socialiste cubaine est exactement la raison pour laquelle les États-Unis sont si déterminés à obscurcir et à bloquer la réalité de Cuba. Leur exemple nous montre ce qui est possible.
Depuis plus de 60 ans, une petite île de 11 millions d’habitants résiste à l’empire le plus vaste et le plus violent de l’histoire. Si une véritable démocratie ouvrière peut être réalisée à 90 miles de nos côtes, elle peut aussi l’être ici, et aux quatre coins du monde.
Calla Walsh est co-présidente du National Network on Cuba, une coalition d’organisations à travers les États-Unis qui luttent pour mettre fin à la guerre américaine contre Cuba.
Un message, un commentaire ?